Voici le jour glorieux : la lumière succède aux ténèbres, la résurrection à la mort. Que la joie fasse place à la tristesse ; car la gloire est plus grande que ne fut l'ignominie. L'ombre fuit devant la vérité, l'antique loi devant la nouvelle; la consolation a remplacé le deuil.
Venez fêter la Pâque nouvelle; que les membres espèrent pour eux-mêmes la gloire qui déjà brille en leur chef. Notre nouvelle Pâque, c'est le Christ, lui qui souffrit pour nous, Agneau sans tache.
L'ennemi qui rôde autour de nous avait saisi sa proie; le Christ la lui arrache. C'est la victoire que figurait Samson, lorsqu'il déchira le lion furieux; et David, jeune et robuste, lorsqu'il sauva le troupeau de son père des griffes du lion et de la dent de l'ours.
Samson immolant par sa mort ses nombreux ennemis, présageait encore le Christ, dont la mort a été la victoire; Samson, dont le nom exprime le Soleil, rappelle le Christ, lumière des élus que sa grâce illumine.
Sous le pressoir sacré de la croix, la grappe s'épanche dans le sein de l'Eglise bien-aimée; exprimé par la violence, le vin coule, et sa liqueur plonge dans une joyeuse ivresse les prémices de la gentilité.
Le sac lacéré par tant de blessures devient un ornement royal : cette chair qui a vaincu la souffrance est transformée en une parure de gloire.
Pour avoir immolé le roi, le juif a perdu le royaume ; nouveau Caïn, il est exposé en exemple, et le signe dont il est marqué ne s’effacera pas.
La pierre qu'il a rejetée et réprouvée est maintenant la pierre élue ; posée à la tête de l'angle, elle y brille comme un trophée. Par elle le péché est ôté, mais non la nature ; elle donne à l'homme un nouvel être, et réunis par elle, les deux peuples n'en forment plus qu'un seul.
Donc soit gloire au Chef, et concorde entre les membres ! Amen.
(Une des belles séquences de Pâques d’Adam de Saint-Victor, que Dom Guéranger donne à lire en ce jour dans son Année liturgique.)