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Kadhafi à Paris

L’arrivée à Paris du colonel Kadhafi, guide de la révolution libyenne, « coïncide avec la Journée mondiale des droits de l'homme », constate Rama Yade, comme l’avait déjà fait Bernard Kouchner. « Le choix de cette date est un symbole fort, je dirais même scandaleusement fort », dit-elle dans un entretien au Parisien. « Il serait indécent en tout cas que cette visite se résume à la signature de contrats ou... d'un chèque en blanc », ajoute-t-elle, rappelant que Kadhafi vient une nouvelle fois de légitimer le terrorisme des « faibles ». Et elle va encore plus loin : « Le colonel Kadhafi doit comprendre que notre pays n'est pas un paillasson, sur lequel un dirigeant, terroriste ou non, peut venir s'essuyer les pieds du sang de ses forfaits. La France ne doit pas recevoir ce baiser de la mort. » Et puisque Kadhafi réclame réparation pour la colonisation, « qu'il aille au bout de sa logique et accorde aussi réparation pour l'esclavage intra-africain ».

On comprend mieux pourquoi Nicolas Sarkozy n’a pas emmené Rama Yade en Chine, contrairement à ce qui était prévu. Elle évoque aussi ce point dans l’interview : « Je regrette de ne pas y avoir été (...) C'est symbolique. Pourquoi cacher la secrétaire d'Etat aux Droits de l'homme ? Il ne faut pas que Nicolas Sarkozy tourne le dos à la diplomatie des valeurs. »

De tels propos sont stupéfiants, de la part d’un membre du gouvernement. « Un ministre ça ferme sa gueule oui ça s’en va », avait dit Chevènement. Il semble que ce ne soit plus le cas. Mais jusqu’où ?

D’autant que Rama Yade est plus ou moins soutenue par Bernard Kouchner. Le ministre des Affaires étrangères (qui avait brillé par son absence dans l’affaire des infirmières bulgares « libérées par Sarkozy ») disait il y a quelques jours, précisément devant la commission d’enquête sur l’affaire des infirmières, que « de temps en temps il faut avaler son chapeau dans ce métier ». Dans un premier temps, il a souligné que la visite de Kadhafi commençait le jour anniversaire de l’adoption de la Déclaration universelle des droits de l’homme. Il affirmait qu’il ne fallait rien oublier, et que même si Kadhafi avait renoncé au terrorisme pour son pays il fallait garder les yeux ouverts... Interrogé ce matin sur les propos de sa secrétaire d’Etat aux droits de l’homme, il est passé un ton au-dessus, déclarant carrément que Rama Yade « a raison de s’exprimer ainsi, c’est ce que je lui demande », et ajoutant que « par un heureux hasard » il serait ce soir à Bruxelles (à la réunion des ministres des Affaires étrangères de l’UE) et ne pourrait donc pas assister au dîner donné à l’Elysée en l’honneur de Kadhafi.

Certes, il a ajouté que Kadhafi « a changé du terrorisme à la coopération contre le terrorisme » et que « c’est une diplomatie de l’ouverture que nous pratiquons », et il a repris le grand argument de Sarkozy : « Demandez aux Français si les milliers d’emplois que représentent, ce que j’espère être les contrats qui vont venir, doivent être négligés dans un temps difficile. » Mais cela n’efface pas ce qu’il a dit juste avant.

Kouchner est écartelé entre son image d’icône de défenseur des droits de l’homme et son portefeuille ministériel qu’il compte bien garder coûte que coûte, en avalant son chapeau aussi souvent qu’il le faudra.

On attend maintenant avec intérêt la réaction de Sarkozy aux propos de Rama Yade.

En ce qui concerne l’émotion générale suscitée par la visite de Kadhafi, notamment à gauche, on observera qu’elle est parfaitement disproportionnée. La Chine est une implacable dictature communiste dont les victimes sont infiniment plus nombreuses que celles de Kadhafi, et l’Algérie est également une dictature, dont les chefs, en outre, sont coutumiers d’attaques ignobles contre la France. Pourtant tout le monde se félicitait de ces fructueuses visites de Sarkozy.

Tout à coup, on voit les commentateurs de la grande presse critiquer unanimement (à l’exception du Figaro, bien sûr) une diplomatie des contrats, où les échanges économiques prennent toute la place, dans l’oubli des « valeurs » que la France est censée défendre. Si Kadhafi leur permet de découvrir cela, il ne sera pas venu en vain...

Commentaires

  • Déclaration "UNIVERSELLE" des droits de l'homme???
    NON! comme dans Astérix, il reste des régions du monde qui refusent ces droits....ils ont leur propre définition: la Charria!!
    Déclaration UNIVERSELLE.... vous êtes surs?

  • En parlant de la visite de cinq jours du nouveau grand ami de la France, voici un court extrait d’un article signé Massimo Nava pour le Corriere della Sera :

    "Au lendemain de son élection, Nicolas Sarkozy avait promis que la France serait "du côté des opprimés du monde" ; or il a été le premier chef d’Etat à féliciter Vladimir Poutine pour la victoire de Russie unie aux législatives. En visite à Pékin, le président français, faisant allusion à Taïwan et au Tibet, a rappelé qu’"il n’y a qu’une seule Chine". Préoccupé, comme on peut le comprendre, par le sort d’Ingrid Betancourt, il a reçu avec les honneurs le président du Venezuela, Hugo Chavez. Reconnaissant pour la libération des infirmières bulgares, il a chaleureusement accueilli le leader lybien Muammar Kadhafi. Aux naïfs et aux idéalistes on répondra que cette logique de politique étrangère incarnée aujourd’hui par Nicolas Sarkozy a pour nom realpolitik. On peut protester haut et fort quant au sort fait à la Tchétchénie, mais c’est de Russie que proviennent gaz et pétrole. On peut être solidaire des moines birmans, mais leur avenir dépend de la Chine et de l’Inde, les nouveaux géants de la planète. C’est ce qu’a si bien compris Nicolas Sarkozy."

  • Et en voici un autre, un peu plus long, écrit par Joseph Hanimann pour le Frankfurter Allgemeine Zeitung : "Kadhafi scelle la fin des intellectuels"

    "On savait depuis longtemps que, même en France, les protestations d’intellectuels ont perdu de leur impact. On vient d’en avoir la confirmation. Au beau milieu du tollé suscité par la visite d’Etat de l’autocrate libyen Kadhafi, Bernard Kouchner a eu une phrase lourde de sens. Le temps est venu des négociations politiques, a-t-il déclaré, où les principes moraux n’incarnent qu’une demi-vérité. Realpolitik ? Non : pour le ministre que la politique étrangère sans scrupule de Sarkozy rend de plus en plus nerveux, l’autre demi-vérité est celle des résultats concrets - libération des infirmières bulgares en été, visite d’Etat en automne. Il faut regarder vers l’avant. Donc, oui, realpolitik.

    Avec cette visite de Kadhafi, Sarkozy met à rude épreuve la conscience et l’intégrité morale de ses partisans issus des rangs intellectuels. Des personnalités qui n’ont jamais penché en sa faveur et qui, face à ses réussites concrètes de ces dernières semaines, ne pipaient plus mot recommencent soudain à donner de la voix. "Dans le pays des droits de l’homme, il y a là quelque chose qui ne passe pas", déclare Bernard-Henri Lévy : "On n’invite pas en visite d’Etat un grand terroriste ou un preneur d’otages international."

    Ce n’est pas le fait que l’on reçoive un dictateur qui serait scandaleux, mais la manière de le faire, "avec la pompe protocolaire et de surcroît pour la journée internationale des droits de l’homme", s’insurge Pascal Bruckner. On ne trouverait là que peu de traces de la rupture annoncée avec l’ancien cynisme d’Etat. Faut-il donc reprendre les appels à la protestation ? "Plus que jamais", assure Bruckner, "plus on crie fort, plus on a de chance d’être entendu, y compris par Sarkozy."

    La pilule est dure à avaler pour ceux qui avaient soutenu le candidat Sarkozy, tel André Glucksmann. Jamais on ne les a aussi peu entendus. L’empressement du président français à féliciter Vladimir Poutine pour sa victoire aux élections parlementaires russes a déjà été une "déception" pour le philosophe. Aujourd’hui, il juge désastreux que Kadhafi se voie offrir une tribune politique à l’Elysée et à l’Assemblée nationale. Les intellectuels français tels Glucksmann étaient habitués à voir réagir les hommes politiques à leurs protestations. Le mépris et la suffisance de Sarkozy bousculent leurs vieux schémas.

    Toutefois, les protestations les plus violentes contre la visite d’Etat du dirigeant libyen ne sont pas venues des cercles d’intellectuels mais du gouvernement lui-même. Le commentaire sans ambiguïté de la secrétaire d’Etat aux droits de l’Homme, Rama Yade, pour qui la France "n’est pas un paillasson sur lequel un dirigeant, terroriste ou non, peut venir s’essuyer les pieds du sang et de ses forfaits", a largement été repris par les opposants à cette visite. C’est là qu’apparaît la véritable "rupture" du nouveau président. Son gouvernement ne détermine pas seulement la politique du pays, il fournit en prime la critique. La realpolitik à laquelle Sarkozy initie les vieux idéalistes et ses nouveaux alliés ne se déploie pas dans la discrétion feutrée des salons gouvernementaux mais dans les médias, où les intellectuels étaient autrefois chez eux. Le problème est que cette conduite nuit autant à la crédibilité des intellectuels qu’à celle du président."

  • Marc a écrit : « On savait depuis longtemps que… les protestations d’intellectuels … » : Les intellectuels ? Quels intellectuels ? Vous voulez dire les souteneurs du mondialisme ! Ce ne sont que de vulgaires propagandistes qui crachent leur haine et leurs insultes à la face de ceux qui ne pensent pas comme eux ! Ils sont les farouches ennemis de certains peuples et certaines nations bien choisis. Ils n’hésitent pas à afficher un immense mépris pour tous ceux qui ne sont pas de leur communauté. Ils sont moralement petits et moches.

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