« Mais pendant que les hommes dormaient, son ennemi vint, et sema de l'ivraie au milieu du froment, et s'en alla. » Lorsque les pasteurs de l'Eglise étaient négligents, ou lorsque les apôtres entraient dans le sommeil de la mort, le diable vint, et mêla aux bons ces enfants mauvais que le Seigneur désigne ici. Mais veut-il parler des hérétiques, ou des catholiques dont la conduite est mauvaise ? c'est là une question importante. Car on peut compter aussi les hérétiques au nombre des enfants mauvais, puisque devant leur origine à la même semence de l'Evangile et portant le nom du Christ, ils se sont laissé entraîner vers les enseignements de l'erreur par des opinions dépravées. Mais comme il est rapporté que l'ivraie fut semée au milieu du froment, il semble que l'Evangile désigne ici les chrétiens, unis par la même communion ; toutefois, comme le Seigneur lui-même entend non pas l'Eglise, mais le monde, sous la figure de ce champ, il est permis de voir ici les hérétiques, quoiqu'ils n'appartiennent pas à l'unité de l'Eglise ou de la foi, mais parce qu'ils font partie de la société qui prend le nom de chrétienne et sont, à ce titre, mêlés aux bons dans le monde. Suivant cette interprétation, ceux qui sont mauvais dans le sein de la vraie foi doivent être considérés comme de la paille plutôt que comme de l'ivraie ; car la paille a de commun avec le froment la racine et la tige. Qu'il soit question des mauvais catholiques dans la parabole du filet, où sont recueillis de bons et de mauvais poissons, il n'y a là assurément rien que de raisonnable. Car autre est la mer, qui représente mieux encore le monde, autre est le filet qui semble figurer la communion dans l'unité de la foi ou de l'Eglise. Il y a cette différence entre les hérétiques et les mauvais catholiques, que les hérétiques s'attachent à l'erreur, tandis que ceux-là, tout en croyant la vérité, ne conforment pas leur conduite à leur foi.
(Saint Augustin, livre de questions sur l’évangile de saint Matthieu, 17, 1)