Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Serviteurs quelconques…

Chaque dimanche je pars de chez moi à 10h pour aller à une messe qui commence à 11h. Ainsi chaque dimanche j’écoute dans ma voiture la messe de France Culture.

Parmi les triviales banalités qui font office de liturgie (mais pas absolument toujours, pour être honnête), je suis souvent effaré par ce que l’on donne à entendre comme étant « l’Evangile ».

J’en ai déjà dit un mot à propos d’un verbe qu’on ne peut traduire que par « haïr » et qui est devenu « ne pas préférer ».

Depuis lors, un ami prêtre m’a appris que ce ne sont pas des caprices d’experts inventifs qui ont abouti à cette falsification, mais qu’il s’agit d’une volonté épiscopale explicite : il faut « traduire » l’Ecriture sainte dans un langage que nos contemporains puissent comprendre. C’est toujours cette illusion qu’en faisant tout en langue vernaculaire, en banalisant, en trivialisant, on va faire « comprendre » le… mystère… Et l’on pousse le souci de faire comprendre jusqu’à changer le texte de l’Evangile… C’est pourquoi la traduction dite « liturgique » de la Bible est sous copyright : il s’agit d’une création originale…

Aujourd’hui, c’était un passage de saint Luc. Donc : adapté de saint Luc.

« Si vous aviez la foi comme un grain de sénevé » devient : « La foi, si vous en aviez gros comme une graine de moutarde. » On ajoute « gros », et l’on traduit sénevé par moutarde. Or la moutarde que nous connaissons ne devient jamais un arbre où viennent les oiseaux (comme en parle Jésus ailleurs). Il faut donc garder le mot sénevé, et tant mieux s’il est aujourd’hui inusité.

« Vous diriez au grand arbre que voici ». Mais ce « grand arbre » a un nom. Le texte grec dit « sycamine ». Un mot inconnu. La Vulgate traduit par « arbor mori », mûrier. Beaucoup traduisent par « sycomore ». Mais saint Luc parle ailleurs du sycomore. Il ne s’agit donc pas du sycomore. Il s’agit peut-être du mûrier, qui ressemble au figuier-sycomore. Si l’on veut rester au plus près du texte grec, on doit garder « sycamine ». Personne ne sait ce que c’est ? Précisément. C’est pour cela qu’il faut le garder. De même que personne ne sait ce qu’est une moutarde qui devient un arbre.

Mais le plus grave est à venir : « Quand vous aurez fait tout ce que Dieu vous a commandé, dites-vous : Nous sommes des serviteurs quelconques, nous n’avons fait que notre devoir. »

Passons sur le fait qu’on ajoute Dieu à un propos du Seigneur qui ne le dit pas… Précisons qu’il serait plus juste de dire « esclaves » que « serviteurs ». C’est le mot « quelconque » qui est intolérable. Tout le monde sait que la véritable expression est : « Nous sommes des serviteurs inutiles » (en grec achreios, en latin inutilis). C’est très différent. Nous sommes inutiles parce que Dieu n’a pas besoin de nous pour agir. Nous sommes surtout des « bons à rien », ce qui est selon certains la traduction la plus précise de achreios. Mais aucun de nous n’est quelconque aux yeux de Dieu. Bien au contraire, chacun de nous est unique et irremplaçable, chacun de ces « bons à rien » que nous sommes fait l’objet d’un amour particulier de Dieu. Personne n’aime ce qui est quelconque.

Je pense que les néo-traducteurs ont falsifié le texte parce qu’ils ne le comprenaient pas : comment ce serviteur pourrait-il être inutile, puisqu’il vient de labourer ? Alors, on change le texte pour le rendre « compréhensible »… et lui enlever sa puissance expressive et sa profondeur spirituelle.

Ou bien les néo-traducteurs ont voulu montrer qu’il fallait faire preuve d’humilité, mais ils n’ont pas pu aller plus loin que « quelconque » : d’accord, admettons que nous sommes « quelconques », mais nous ne sommes certainement pas « inutiles », puisque nous vous offrons cette superbe traduction…

En réalité vous n’êtes ni l’un ni l’autre. Vous êtes seulement malfaisants.

Commentaires

  • Vous ne devriez pas perdre ainsi votre temps.Allez à une messe qui commence à 10h 30, en l'église S Ncolas du Chardonnet.Aujourd'hui, M l'abbé Beauvais, en chaire, a prêché sur la foi, la piété, les formes intimes et extérieures de la dévotion.A n'en pas douter, ça c'était un bon sermon vraiment catholique et fondamental, religieux au sens strict, évangélique et basé sur le roc de la Tradition.On n'entend pas ça sur France Culture, évidemment.Voyez le site de Saint Nicolas et les activités diverses et variées de cette paroisse que méprisent tant le clergé concilaire, ça c'est du catholicisme : la foi, la charité, l'espérance, la beauté et l'honneur de la dignité du culte abandonné par les raisnneurs protestantisés.Il faut savoir ce qu'on veut ! Bonne soirée à vous et merci pour tout.

  • Oui, je vous remercie d'évoquer à nouveau ce verset: celui qui ne hait pas...

    J'ai lu la Bible dans plusieurs versions, et celle-ci m'avait infiniment choqué, car elle ne correspondait pas à la cohérence du personnage de Jésus, qui prône l'Amour.

    Je me suis rendu dans des messes classiques, et j'ai toujours été déçu de la pauvreté du sermon des prêtres, l'un d'eux allant jusqu'à dire à Paques que Marie-Madeleine était une femme, juste une simple femme, et que n'importequ'elle femme aurait pu découvrir Jésus à Paques, que c'était là qu'était l'important. Il ajoutait ensuite que la Gallilée c'était à l'époque comme Sarcelles aujourd'hui, une ville "cosmopolite"...

    Ce qu'il y a de pire, c'est que cela ne part pas d'un mauvais sentiment, le prêtre pense faire bien!

    Et je me suis rendu dans une messe traditionnaliste, et cela n'avait rien à voir. En rentrant j'ai rouvert ma Bible, tant le sermon, ou plutôt l'interprétation de l'évangile m'avait passionné. La messe y était plus belle aussi, avec les chants en latin.

    Sur le conseil de Louis, je tacherais de me rendre un jour plus sérieusement à Saint-Nicolas, pour une messe. En effet c'est là que je me rends pour donner mes vieux habits, car je sais que chaque lundi, ils sont distribués aux pauvres.

    Merci à nouveau à Yves Daoudal pour ces textes sur la religion, notamment sur Saint-Bruno, que j'ai particulièrement apprécié, puisque c'est mon véritable prénom, et que j'ai trouvé ce texte plein de sagesse. Pour ceux qui ne l'auraient pas encore vu, "Le grand silence" est une merveille, sur les moines de la Grande Chartreuse, fondée par Saint-Bruno. C'est plus qu'un film, c'est une aventure spirituelle.

    Merci Louis, car j'apprécie beaucoup vos commentaires aussi...

  • "Jésus, après avoir demandé si le maître va dire à son serviteur qui revient des champs de se mettre à table et non de lui servir à manger, prend ses apôtres à témoin en soulignant : « Je ne le pense pas. » "

    > Je ne vois pas dans le texte grec original l'équivalent de "Je ne le pense pas". En traduction mot à mot je lis : "mais ne pas dira-t-il à lui [...]"

    Sinon d'accord pour "esclaves" (doulos) à la place de "serviteurs" et "inutiles" au lieu de "quelconques". (Le Bailly donne aussi comme traduction possible : "bon à rien" !).

  • @ Flore
    En effet, « je ne pense pas » ne se trouve pas dans le texte grec courant. Cette expression (ou dokô)figurait dans le texte grec qui a été utilisé pour la Vulgate, plus ancien que celui que nous avons aujourd’hui. On la trouve notamment dans le codex dit de Théodore de Bèze, texte que cite saint Irénée à plusieurs reprises.
    Pour ne pas entrer dans ces considérations, je supprime ma remarque sur ce sujet.

  • Merci beaucoup pour ces précisions.

Les commentaires sont fermés.