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Un groupe de propriétaires d’un vieil immeuble plusieurs fois rafistolé avait décidé de construire un nouvel immeuble. Certains copropriétaires, constatant que cet immeuble était empoisonné et mettait leur vie en danger, n’en ont pas voulu. Alors on a détruit le nouvel immeuble. Après lui avoir enlevé ses ornements, on l’a mis en miettes. Et on a repris les morceaux pour les intégrer dans le vieil immeuble.  Et l’on a repeint les morceaux pour qu’ils passent inaperçus, avec une couche supplémentaire sur ceux qui étaient les plus toxiques, en espérant qu’ils passeraient ainsi inaperçus, et surtout que leur toxicité ne serait pas trop affaiblie.

Telle est à peu près, vue en images, l’histoire du nouveau traité européen.

L’immeuble est cassé : il n’y a plus de Constitution européenne. Il n’est pas inutile de le souligner. Et l’on voit que les plus fervents européistes accusent le coup. Le nouveau traité ne sera pas un texte complet qu’on peut lire du début à la fin, un tout formé d’articles qui se suivent, mais, comme le traité de Nice, une série d’adjonctions aux traités antérieurs. Ce sera strictement illisible pour un non-spécialiste, et cela d’autant plus qu’aux modifications des traités sont ajoutés nombre de protocoles et de déclarations : un diplomate a déclaré ironiquement qu’on devrait l’appeler « traité des notes en bas de pages ».

En dehors de l’architecture constitutionnelle, et des symboles étatiques, qui disparaissent, on note diverses modifications du texte de la Constitution. Il n’est plus question de « lois » européennes ; on est reste aux « directives ». L’article sur la primauté du droit européen sur les droits nationaux disparaît ; il est remplacé par une « déclaration » rappelant la jurisprudence de l’UE (qui est celle de la... primauté du droit européen, mais ce n’est pas posé en principe). Il y aura un article sur la « personnalité juridique » de l’UE, mais avec une déclaration soulignant que cela « n’autorisera en aucun cas l’Union à légiférer ou à agir au-delà des compétences que les Etats membres lui ont attribuées dans les traités ». Il n’y a plus de ministre des Affaires étrangères, mais comme aujourd’hui un « Haut représentant ». Certes, il gagne du galon, mais la « politique étrangère » de l’UE est en retrait par rapport à la Constitution européenne. Le paragraphe sur les Etats membres qui doivent l’« appuyer sans réserve » est supprimé, et une déclaration souligne que les dispositions en la matière « ne portent pas atteinte aux compétences des Etats membres quant à leur propre politique étrangère » ni à leur représentation propre dans les instances internationales. On signalera aussi cette nouveauté que « les traités peuvent être révisés pour accroître ou pour réduire les compétences de l’Union ». Et enfin que, contrairement à ce que souhaitait Sarkozy, il n’y a aucune extension supplémentaire des domaines soumis au vote à la majorité qualifiée par rapport à ce qui était prévu dans la Constitution européenne.

Cela étant dit, le poison de la Constitution européenne est bien présent. Ce poison, c’est la « personnalité juridique » de l’Union, qui en fait une entité de droit international. C’est la présidence « stable » de l’Union, qui crée une nouvelle autorité supranationale. C’est l’extension des domaines soumis à la majorité, et plus généralement toutes les avancées européistes plus ou moins camouflées ou amendées par un déluge de « déclarations » et de « protocoles ». C’est enfin le fait de rendre « contraignante » la charte des droits fondamentaux, même si elle n’ajoute guère de droits à ceux déjà définis dans les traités antérieurs.

Tout au long du texte, on remarque un effort permanent et pathétique pour bien souligner que toute décision doit respecter le principe de subsidiarité. Cela commence par la modification de l’article 11 pour dire que l’UE « n’agit que dans les limites de compétences que les Etats membres lui ont attribuées ». Et cela se poursuit dans un déluge d’ajouts, de déclarations, de protocoles, déclinant ce principe de toutes les façons possibles. Le problème est que tous ces efforts sont vains (et ceux qui accepté ces textes le savent fort bien), car le poison originel les réduit à néant. Ici le poison est celui du traité de Maastricht, où avait été défini le principe de subsidiarité d’une façon exactement contraire à ce qu’il est. Les précisions apportées dans le nouveau traité seront inopérantes tant que cette définition n’aura pas été changée. Et il n’est évidemment pas question de la changer, puisque c’est cette définition qui permet précisément d’aller toujours plus loin dans la construction d’un super-Etat, tout en protestant qu’il n’en est rien...

Voilà, grosso modo, ce qui se passait à Bruxelles, pendant qu’on amusait la galerie avec le système de vote. Puisque l’essentiel du contenu de la Constitution européenne est maintenu dans le traité, il va de soi que les citoyens doivent être consultés. Mais pour être consultés, ils doivent d’abord être informés de ce qui se passe. C’est ce que Nicolas Sarkozy ne veut pas. Avec la complicité de toute la classe politicienne, il veut faire passer le traité en catimini, pour que les Français ne sachent pas ce qu’il cache. Et l’on n’en parle déjà plus... Il reviendra pourtant dans l’actualité, lors de la conférence intergouvernementale chargée de le rédiger, puis lors de la signature du texte au Portugal. C’est alors que se posera la question de la ratification. Or les Irlandais ont déjà fait savoir qu’en raison de l’importance des modifications entraînées par le traité ils le soumettraient à référendum...

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