« Lequel d’entre vous, s’il a cent brebis et vient à en perdre une, ne laisse les quatre-vingt-dix-neuf autres dans le désert pour s’en aller après celle qui s’est perdue ? »
Voyez comme la Vérité, dans sa bonté, sait bien pourvoir à tout en nous donnant une telle comparaison : l’homme peut en reconnaître en soi le bien-fondé, quoiqu’elle concerne plus spécialement le Créateur des hommes lui-même. Puisque cent est le nombre de la perfection, Dieu eut cent brebis quand il créa la nature des anges et des hommes. Mais une brebis vint à se perdre lorsque l’homme, en péchant, quitta le pâturage de la vie. Le Créateur laissa alors les quatre-vingt-dix-neuf brebis dans le désert, car il abandonna les très hauts chœurs des anges dans le Ciel.
Mais pourquoi le Ciel est-il appelé désert, sinon parce que désert veut dire « abandonné » (déserté) ? C’est quand l’homme pécha qu’il abandonna le Ciel. Quatre-vingt-dix-neuf brebis demeuraient au désert, pendant que le Seigneur en cherchait une seule sur la terre : les créatures raisonnables, anges et hommes, qui toutes avaient été créées pour contempler Dieu, voyaient en effet leur nombre diminué par la perte de l’homme, et le Seigneur, voulant rétablir au Ciel le nombre complet de ses brebis, cherchait sur la terre l’homme qui s’était perdu.
« Et quand il l’a trouvée, il la met sur ses épaules, tout joyeux. » Il a mis la brebis sur ses épaules, parce qu’ayant assumé la nature humaine, il a porté lui-même nos péchés.
« Et de retour chez lui, il assemble ses amis et ses voisins, et leur dit : Réjouissez-vous avec moi, car je l’ai retrouvée, ma brebis qui était perdue ! » La brebis une fois retrouvée, il retourne chez lui, puisque notre Pasteur, ayant sauvé l’homme, retourna au Royaume céleste. Là, il retrouve ses amis et voisins, c’est-à-dire les chœurs des anges, lesquels sont bien ses amis, du fait que désormais fixés [en Dieu], ils gardent continûment sa volonté, et aussi ses voisins, parce qu’ils jouissent assidûment de l’éclat de sa vision. Il faut aussi remarquer qu’il ne dit pas : « Réjouissez-vous avec la brebis que j’ai retrouvée », mais : « Réjouissez-vous avec moi », car notre vie est toute sa joie, et notre retour au Ciel porte à leur plénitude ses solennelles réjouissances.
(saint Grégoire le Grand)