Il a été beaucoup dit que l’appel de Jean-Marie Le Pen à l’abstention n’avait pas été entendu, et qu’il s’agissait en quelque sorte d’un nouvel « échec » du président du Front national.
Le chiffre de la participation annoncé à grands coups de trompe laisse en effet le penser. Mais cela est à nuancer. Et très fortement.
D’abord le mot « échec » quant au premier tour. Car Jean-Marie Le Pen a obtenu 3,8 millions de voix, et les sept candidats qui en obtenu moins d’un million auraient été heureux de subir un tel échec.
Ensuite, alors qu’on soulignait partout qu’il y a toujours une augmentation de la participation entre les deux tours de la présidentielle, cette augmentation n’a été que de 88 000 votants entre le 22 avril et le 6 mai. Sur 44 millions d’inscrits, ce n’est pas une augmentation, mais une stabilité.
Il faut remarquer aussi, comme l’a fait aussitôt Jean-Marie Le Pen à la télévision, que le nombre de bulletins blancs et nul a été trois fois supérieur à ce qu’il était au premier tour : le chiffre est passé de 0,5 à 1,5 million.
Le résultat est que le nombre de suffrages exprimés est inférieur de près d’un million à celui du premier tour.
Selon les instituts de sondage, 20 à 25% des électeurs de Le Pen se sont abstenus ou ont voté blanc ou nul. Il est manifeste que l’appel à l’abstention a été interprété comme un appel à voter blanc ou nul par ceux qui considèrent que c’est un devoir civique absolu de mettre un bulletin dans l’urne.
Le plus important est que l’appel lancé par Jean-Marie Le Pen était d’abord la prise de position personnelle d’un homme d’Etat, éclairant ses électeurs sur les enjeux.
C’est en effet la motivation qui compte, et elle demeure. L’analyse que faisait Jean-Marie Le Pen, et qui reste fatalement identique après le second tour, est que les deux finalistes étaient l’un et l’autre, l’un comme l’autre, des candidats, non pas à la fonction de président de la République française, mais à un poste de gouverneur d’une province européenne, doté de moins de pouvoirs qu’un gouverneur d’Etat des Etats-Unis d’Amérique, puisque ni l’un ni l’autre ne remet en cause le processus de destruction des souverainetés nationales dans l’Union européenne.
Cela est fondamental, et l’histoire retiendra que Jean-Marie Le Pen fut le seul dirigeant politique à le dire à la nation.
Il reste ensuite que les électeurs se trouvaient face à un duel entre le représentant de la droite libérale, costume rapiécé d’un patchwork de thèmes du Front national, et une représentante de la gauche, avec dans son sillage tous les cauchemars socialo-communistes de naguère. Nombreux sont ceux qui ont donc voulu conjurer le pire du pire, en votant Sarkozy. On ne peut pas leur donner tort, car les résultats montrent que la gauche et l’extrême gauche se sont fortement mobilisées en faveur de Ségolène Royal, et qu’ils ont donc fait la différence en votant malgré tout pour Sarkozy.
Certains d’entre eux se sont sans doute aussi laissé prendre au numéro d’acteur du candidat de la « rupture » et de la défense de « l’identité nationale ». Ceux-là ne mettront pas longtemps à déchanter...
Commentaires
Bonjour,
comme suite à votre évaluation des voix de J.M. le Pen,
je comptais mettre au second tour un bulletin à son nom,
mais je me suis plié à ses conseils et n'ai pas voté.
Tout compte fait, s'il y a 1 million de voix d'abstention en plus, qui doivent bien venir du FN, les 2 millions de voix de différence entre Sarko et Ségo proviennent intégralement du
FN .(2,8 millions) Sarko aurait intérêt à s'en souvenir pour sa politique à venir, s'il veut avoir des chances en 2012 . Surtout
qu'il en avait déjà engrangé un autre million au premier tour ,pour un soi-disant vote utile
Je ne sais pas si c´est significatif, mais j´ai remarqué que Nicolas Sarkozy s´engage À défendre l´"identité nationale" et non la souveraineté nationale. Ou bien il joue sur les mots ou bien il est la dupe du mythe de l´identité sans souveraineté (cf. le débat entre Reconquête et Dominique Venner dans un numéro d´ il y a quelques années). Mais quoi qu´il en soit du rayonnement de la culture francaise dans le monde, il est évident que le maintien d´un folklore national ne sera pas suffisant pour réformer en profondeur notre pays rivé à l´Europe de Bruxelles.
[Remarque très pertinente. Sous le vocable d'identité nationale, qu'il reprend au FN, Sarkozy veut en effet parler d'identité culturelle, ce qui d'ailleurs ne l'intéresse pas, mais lui permet de capter les voix FN en faisant croire qu'il parle de souveraineté. Y.D.]
Analyse frappée au coin du bon sens.
j'ose espérer que les électeurs frontistes pris à l'illusion du vote utile au 1er tour, sauront différentier la présidentielle des législatives et voter à nouveau pour leurs idées, c'est-à-dire pour le FN.
Dans le cas contraire, d'ici deux ans, ils auront compris. mais il sera bien tard.