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La résurrection de Lazare

Or, Jésus entendant cela, leur dit : « Cette maladie ne va point à la mort, mais elle est pour la gloire de Dieu, afin que le Fils de Dieu soit glorifié. » Cette glorification du Fils ne l’a pas grandi, c’est à nous qu’elle a profité. Il dit donc : « Cette maladie ne va pas à la mort », parce que la mort même de Lazare n’allait point à la mort, mais bien plutôt au miracle qu’il devait faire pour amener les hommes à croire au Christ, et à éviter la vraie mort. Remarquez comme le Seigneur affirme indirectement qu’il est Dieu, à cause de quelques-uns qui disent que le Fils n’est pas Dieu. Il y a, en effet, des hérétiques qui nient que le Fils de Dieu soit Dieu. Qu’ils écoutent donc : « Cette maladie », dit Jésus, « ne va point à la mort, mais elle est pour la gloire de Dieu ». Pour quelle gloire ? pour la gloire de quel Dieu ? Ecoute ce qui suit : « Afin que soit glorifié le Fils de Dieu ».

(saint Augustin, commentaire sur saint Jean)

Il y a quelque chose de curieux à propos de cet évangile. Saint Jean est le seul à raconter la résurrection de Lazare. Il est étrange que les autres évangélistes aient omis de raconter un fait aussi spectaculaire, qui a forcément marqué saint Pierre (inspirateur de l’évangile de saint Marc) et saint Matthieu. C’est d’autant plus étrange que dans l’évangile de saint Jean, ce miracle éclatant explique l’épisode qui suit, à savoir l’enthousiasme populaire des Rameaux. Tandis que dans les autres évangiles, ce subit enthousiasme n’a aucune cause déterminée.

Si un charitable et érudit lecteur de ce blog pouvait éclairer ma lanterne, j’en serais très heureux, car il y a longtemps que je me pose ces questions et que je ne leur trouve pas de réponse.

Commentaires

  • Matthieu et Marc ont décrit le ministère de Jésus concentré sur trois périodes clefs : le ministère de S. Jean-Baptiste, le ministère de Jésus en Galilée, la semaine de la Passion.
    Luc est venu compléter ces récits en ajoutant le temps passé entre la fête des Tabernacles et la Passion (environ 1/3 de son évangile : 9, 51 à 19, 28).
    Enfin, Jean, conjuré par ses frères d'écrire ses souvenirs avant de mourir (selon le canon de Muratori), raconta à sa façon des faits déjà connus et d'autres inconnus. La résurrection de Lazare ne manifeste pas de la part de Jésus une puissance supérieure à celle qu'il fallut pour ressusciter le fils de la veuve de Naïm, mais elle est l'occasion de manifester l'opposition irréductible des chefs juifs contre Jésus. C'est d'ailleurs cette dernière résurrection qui engagea le processus de condamnation à mort du Messie.
    Evidemment notre mentalité moderne comprend mal que trois évangélistes sur quatre aient omis l'épisode de la résurrection de Lazare, mais l'essentiel avait été dit sur la puissance de Jésus par les autres miracles. S. Jean écrit lui-même que Jésus a fait bien d'autres miracles qui ne sont pas narrés dans les évangiles.
    Dans les synoptiques, certains épisodes sont résumés en une phrase, là où Jean prend le temps de les décrire (notamment les vives discussions théologiques avec les Scribes et les Pharisiens). Ceci est compréhensible si l'on sait que Jean doit avoir écrit son Evangile après la chute de Jérusalem et la destruction du Temple. Les controverses entre Jésus et ses opposants juifs en prenaient davantage de relief.

    Y.D. Merci beaucoup pour ces précisions (notamment sur Luc). Toutefois elles ne répondent pas complètement à ma question. La différence entre la résurrection du fils de la veuve et celle de Lazare est que la première concerne un inconnu dans une obscure petite ville, et que la deuxième concerne un notable, aux portes de Jérusalem, et qu'elle a lieu en présence d'autres éminents notables. On dirait aujourd'hui qu'il ya une grande différence "médiatique" entre les deux événements. Ce qui explique précisément la réaction populaire des Rameaux. Or cela ne me dit pas pourquoi les synoptiques parlent des Rameaux sans évoquer le moindre motif qui pousse tout à coup les foules à faire de Jésus un héros, et même un roi.

  • Votre pertinente question m'intrigue décidément.
    Dans son homélie du dimanche des Rameaux 2000, le pape Jean-Paul II fait clairement le lien entre la résurrection de Lazare et l'entrée triomphale à Jérusalem. Mais le pape n'est pas un évangéliste...

    "La conviction que les temps messianiques étaient désormais arrivés s'accrut au sein du peuple, tout d'abord en raison du témoignage du Baptiste, puis grâce aux paroles et aux signes accomplis par Jésus et, de façon particulière, à cause de la résurrection de Lazare, qui eut lieu quelques jours avant l'entrée à Jérusalem, dont parle l'Evangile, d'aujourd'hui. Voilà pourquoi, lorsque Jésus arrive en ville, monté sur un ânon, la foule l'accueille avec une explosion de joie: "Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur! Hosanna au plus haut des cieux" (Mt 21, 9)."

  • @ M. Daoudal et au Pr Mélon

    Cette question m'a vraiment interpellé aussi, et je n'ai pas de réponse. Mais je crois que les évangélistes avaient des intentions différentes dans leurs textes, et proposaient plus une vision, selon leurs personnalités. Je me permets de vous soumettre un texte que j'ai trouvé en cherchant des renseignements sur internet à ce sujet, évoquant la symbolique du récit sur Lazarre:

    "Je chante aux funérailles et j'entends à l'occasion le récit de la résurrection de Lazare et l'explication qui en est donnée ne me satisfait pas. On s'en tient à la description physique et à tout ce qui entoure les sentiments humains en de telles circonstances. Il me semble, d'abord que ce ne soit pas raisonnable de commenter ce texte sans lui donner une référence symbolique que je ne retrouve pas dans les discours que j'entends à l'église. Je veux savoir comment interpréter ce passage de l'Évangile. (Alain R.)
    Le texte de la résurrection de Lazare (Jn 11,1-46) a connu plusieurs couches rédactionnelles successives où s'affirme progressivement une conviction de plus en plus profonde : celle que les morts ressusciteront. Selon la croyance juive, l'âme du défunt rôdait encore pendant trois jours autour de son corps avant de s'en aller au lieu des morts. Dans la rédaction finale de ce texte, Jésus arrive quatre jours après le décès, montrant ainsi que Lazare était vraiment mort.

    Mais dans ce texte, l'accent de l'évangéliste porte non pas sur Lazare mais sur Marthe. C'est elle qui tient le rôle principal dans ce récit, dès le v. 5. C'est à elle que s'adressent les paroles de Jésus. Il lui explique que la maladie de Lazare n'est pas mortelle pour celui ou celle qui croit en lui. « Je suis la résurrection et la vie, qui croit en moi, fut-il mort, vivra » (v. 25). Pour les chrétiens de la communauté johannique, la gloire de Dieu, qui s'est manifestée lors de la résurrection de Jésus, se manifestera à nouveau pour chaque personne qui croit en Lui.

    Dans ce texte, la gloire de Dieu se manifeste en Jésus de deux façons : par le geste de la résurrection de Lazare, mais aussi par cette révélation qu'il fait à Marthe. C'est la foi en Jésus qui garantit la résurrection et la vie éternelle. C'est lui qui fait vivre (Jn 5,21.25.28)! Il est la vie parce que son Père la lui a donnée (Jn 5,26) et qu'il la communique aux hommes (Jn 10,10.28). Le signe présent dans ce texte est celui de la vie éternelle donnée par Jésus à celui qui croit en lui.

    Yolande Girard
    bibliste

    http://www.interbible.org/interBible/source/lampe/2004/lampe_040402.htm

    Merci de cette interrogation! Cette question est très intéressante et mérite d'être développée.

  • J'ai mon hypothèse perso.
    L'évangile de Jean parle d'un mystérieux "disciple bien-aimé": il intervient rarement, mais toujours à des endroits et moments cruciaux: au cours du dernier repas où il reçoit de Jésus la révélation que c'est Judas qui le trahit.
    Au pied de la croix, où Jésus lui dit de s'occuper de sa mère.
    Au tombeau, où il comprend tout de suite (contrairement à Pierre) que Jésus est ressuscité, cela en voyant les bandelettes et le suaire bien rangés.
    Pourquoi ça a fait "tilt" chez lui, et pas chez Pierre qui avait pourtant certainement bien meilleure connaissance des annonces du Christ que lui-même?
    Mon hypothèse est que ce disciple bien-aimé n'était autre que Lazare, que Jésus aimait (cf Jn 11; 1) et qui avait été ressuscité comme c'est raconté dans un récit où il y a beaucoup de points communs avec celui de la résurrection de Jésus (voir Jn 20). Cela même si théologiquement parlant, les deux résurrections ne sont pas équivalentes.
    De plus, à la fin de l'évangile, une dernière intervention nous le montre rédacteur de l'évangile de Saint Jean (d'où la tradition qu'il s'agissait de l'apôtre Jean dans ce disciple bien aimé, mais maintenant plus grand monde n'affirme dans les milieux exégétiques que l'apôtre Jean soit l'auteur de l'évangile à son nom). Donc il est normal, si mon hypothèse est exacte, que l'évangéliste de l'évangile dit de Saint Jean parle de ce qu'il a vécu lui-même et qui lui a fait ensuite comprendre beaucoup plus rapidement que les autres disciples ce qui est arrivé au corps de Jésus dans son tombeau.

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