A la mi-janvier, l’INSEE faisait savoir que la publication de son enquête emploi annuelle, qui a lieu traditionnellement au mois de mars, était reportée à l’automne. Or cette enquête est celle qui établit chaque année le taux de chômage « au sens du BIT » (c’est-à-dire selon les normes du Bureau international du travail, et non selon les magouilles de l’ANPE).
Cette annonce a légitimement provoqué une polémique : comme par hasard on serait privé du taux de chômage au sens du BIT en pleine campagne présidentielle. Et voici que les prétextes invoqués par l’INSEE étaient démentis par des agents de l’INSEE et de l’ANPE.
Selon l’INSEE, le report de cette publication était uniquement dû à des « difficultés techniques », principalement au taux important de non-réponses à son enquête. Selon des syndicalistes de l’INSEE et de l’ANPE, le taux de réponses a été de 80,7% en 2006 contre 80,9% en 2005, soit une variation minime qui en aucun cas ne peut justifier le sabordage.
La polémique continuant d’enfler, l’INSEE a entrepris, hier 8 mars, de convoquer la presse pour y mettre un point final en donnant toutes les explications et en dissipant les malentendus. Le résultat est l’inverse.
L’institut a expliqué qu’il n’était pas en mesure de valider un taux de chômage annuel en raison de « résultats incohérents » de l’enquête, faisant état au pire d’un taux stable à 9,8% en 2006, au mieux d’une baisse à 9,2% (alors que le gouvernement, sur la foi des chiffres de l’ANPE, claironne une baisse à 8,6%...).
Ce sont des incohérences « constatées entre l’enquête emploi et les autres sources d’information sur le marché du travail, sur l’emploi comme sur le chômage », affirme l’INSEE.
C’est là en effet que se situe le problème. L’ANPE livre mois après mois des statistiques du chômage qui sont particulièrement bidouillées depuis juin 2005, afin de montrer une baisse du chômage. Chaque mois, l’ANPE revoit donc aussi le taux de chômage « au sens du BIT » en estimant l’évolution de ce taux selon ses mirifiques statistiques. Mais voici qu’arrive le moment où il ne s’agit plus d’extrapoler, mais de donner le véritable taux annuel. Celui qui est calculé, non à partir des chiffres de l’ANPE, mais de l’enquête auprès des gens : qui travaille ? qui ne travaille pas ? qui cherche un emploi ?
Et c’est la catastrophe. Car cette enquête fait apparaître un fossé entre les statistiques de l’ANPE et la réalité du chômage. « Au mieux », comme dit l’INSEE, en tirant sur toutes les ficelles, on aboutit à un taux de 9,2%, très nettement supérieur au taux estimé par l’ANPE d’après ses statistiques, et désastreux en terme d’image, puisqu’il montre que l’on n’est toujours pas descendu au-dessous de 9%, et « au pire », comme dit l’INSEE, ce taux est de 9,8%, c’est-à-dire exactement le même que l’année précédente.
C’est le travail de l’INSEE de resserrer cette fourchette, selon les divers paramètres dont il dispose, pour donner un taux qui soit le plus proche possible de la réalité. Mais il n’en est pas question, puisque déjà la branche inférieure de la fourchette fait exploser le mythe de la forte baisse du chômage.
Il faut donc reporter la mauvaise nouvelle après les élections...