« Jésus donc, six jours avant la Pâque, vint à Béthanie, où était mort Lazare, qu’il avait ressuscité. On lui donna à souper, Marthe le servait et Lazare était un de ceux qui étaient à table avec lui. » De peur que les hommes ne s’imaginassent que sa résurrection d’entre les morts n’était qu’un vain fantôme, Lazare était du nombre de ceux qui étaient à table avec lui ; il était vivant; il parlait, il prenait part au festin : la vérité se manifestait ainsi au grand jour, et l’incrédulité des Juifs se trouait confondue. Le Seigneur était donc à table avec Lazare et les autres, et Marthe, une des sœurs de Lazare, les servait. Or Marie, l’autre sœur de Lazare, « prit une livre de vrai (?) nard, parfum précieux (libram unguenti nardi pistici), et le répandit sur les pieds de Jésus, et elle les essuya avec ses cheveux, et toute la maison fut remplie de l’odeur du parfum ». Vous avez entendu le fait, cherchons le mystère qu’il renferme. O âme, qui que tu sois, si tu veux être fidèle, avec Marie verse sur les pieds du Sauveur un parfum précieux. Ce parfum n’était autre que la justice, c’est pourquoi il y en avait une livre (« libra » veut dire aussi balance). C’était un parfum précieux « nardi pistici ». Le nom donné à ce parfum indique, à ce que je crois, la contrée d’où il venait ; mais ce mot n’est pas exempt de mystère, et il convient bien à celui que nous voulons découvrir. En grec, pistis signifie la foi. Tu voulais savoir comment pratiquer la justice ? « Le juste vit de la foi ». Oins les pieds de Jésus par une vie sainte, suis les traces du Seigneur. Essuie ses pieds avec tes cheveux ; si tu as du superflu, donne-le aux pauvres, et tu auras essuyé les pieds du Seigneur, car les cheveux sont pour le corps comme quelque chose de superflu. Tu vois ce qu’il faut faire de ton superflu ; il est superflu pour toi, mais il est nécessaire aux pieds du Seigneur. Peut-être que, sur la terre, les pieds du Seigneur se trouvent dans le besoin. De qui donc, sinon de ses membres, doit-il dire à la fin du monde: « Ce que vous avez fait au moindre des miens, c’est à moi que vous l’avez fait ? » Vous avez donné des choses qui ne vous étaient pas nécessaires, mais vous avez soulagé mes pieds.
(saint Augustin, commentaire sur saint Jean)