Tout occupés à nous esclaffer à propos de la Bécassine qui croit visiter la Chine et les Chinois alors qu’elle se fait l’otage et le faire-valoir du parti communiste, nous n’avons, pas plus que les autres commentateurs, remarqué tout de suite son ahurissant propos sur la rapidité de la justice chinoise. C’était à la fin de son voyage, dans sa conférence de presse à Pékin, alors que tout le monde daubait encore sur sa « bravitude ». Evoquant les « coopérations judiciaires qui se renforcent pour bien faire fonctionner les tribunaux en Chine », elle ajoutait : « J’ai rencontré hier un avocat qui me disait que parfois les tribunaux sont plus rapides qu’en France. Voyez, avant de donner des leçons aux autres pays, regardons toujours les éléments de comparaison ».
L’avocat dont elle parle était naturellement un avocat du régime, dans les deux sens du mot. Cela dit, un avocat de la dissidence, un de ceux-là du mouvement des weiquan dont Human’s Right Watch, dans son rapport pour 2006, vient tout juste de souligner qu’il est une des cibles prioritaires du régime, aurait pu dire la même chose, mais en donnant au mot « rapide » sa véritable signification : la justice chinoise est en effet très rapide, à savoir expéditive.
Elle consiste notamment à envoyer au Laogai tous ceux qui osent prétendre à la moindre liberté religieuse, intellectuelle, culturelle ou politique.
Non seulement la justice chinoise condamne ceux-là à la mort lente dans les camps de concentration, quand ils sont condamnés à de longues peines, mais en outre elle condamne à mort à tour de bras. Plus de 5 000 exécutions en 2004, selon les chiffres officiels, et le nombre réel est estimé à près du double. C’est, de très loin, le record mondial.
Voilà de quoi aussi se félicite Marie-Ségolène. On ne savait pas que le parti socialiste avait changé d’opinion sur la peine de mort. Or, même quand on est partisan de la peine de mort, on ne peut qu’être choqué par cette barbarie : la peine de mort ne peut être utilisée qu’avec parcimonie et circonspection, pour les auteurs des crimes les plus odieux. Sous Bécassine il y avait donc toujours la mère Ubu, dont la justice rapide est légendaire. On a entendu quelques personnalités de l’opposition stigmatiser ce scandaleux et affligeant propos de Marie-Ségolène. Mais ses amis socialistes gardent le silence. Il est vrai que celui-là est autrement plus difficile à défendre que le lapsus bravitudien.