Voici une belle analyse du film Le grand silence, due à la "mini-agence" RU (UNEC).
Un film magnifique - cela existe encore ! - est sorti le 12 décembre sur les grands écrans, Le grand silence. Il s'agit de l'essai d'une visualisation de la vie des moines de la Grande Chartreuse dans les Alpes françaises. Le réalisateur allemand Philip Groening a pu obtenir l'autorisation de passer six mois dans l'enceinte de ce monastère fondé en 1084 par Saint Bruno, un noble venu de Cologne, basé sur une règle très stricte, celle des Chartreux. Deux heures de film sans commentaires ni aucun bruit ajoutés. Un prodige d'ombre et de lumière, de beauté naturelle et de grâce surnaturelle, du temps qui s'écoule et de l'éternité qui subsiste.D'abord la réponse des moines face à la demande du réalisateur fut "non", mais deux ans plus tard, il s'y prenait autrement: M. Groening passait une semaine de retraite à l'abbaye, et c'est là qu'il a trouvé le moyen d'obtenir cette autorisation unique de filmer ce qui est infilmable : la prière en silence des moines de la Grande Chartreuse. Les exigences des moines furent rigoureuses: pas de lumière artificielle, pas de musique additionnelle, pas de commentaires, pas d'équipe technique, le réalisateur devant être seul. Et il a fait un film sur le temps, ou plutôt sur l'éternité devenue visible, à l'aide de deux petites caméras manuelles: une Super 8 à gros grain, et une caméra vidéo haute définition. Il a filmé la vie de ces hommes en quête de Dieu, avançant solitaires à sa rencontre, but essentiel et final de toute âme humaine.
On vit le quotidien d'un moine dans son « guichet » (sa cellule, en fait une petite maison) enveloppé de son vêtement blanc de prière, alternant entre prière (9 heures), travail (7 heures), et sommeil (8 heures), mais aussi les quelques bouts de vie communautaire : la promenade hebdomadaire dans le "désert" environnant, le seul repas communautaire pris en commun le dimanche, et surtout les offices liturgiques célébrés en communauté 4 fois par jour dans l'église de l'abbaye, y compris celui de minuit. Il paraît que les messes dans l'abbaye ne sont jamais concélébrées et que le latin est conservé. L'office ne comprend aucun texte moderne et ne garde que les textes traditionnels, donc les plus beaux et vénérables chants. Et ils osent chanter : « O bienheureuse solitude ! » Chaque moine doit couper lui-même le bois pour chauffer sa petite cabane. Le « grand silence » règne partout, à tout moment. Même à l'extérieur il n'y a pas de bruit, puisque la route se termine à 1 km de l'abbaye, à 1000 m de hauteur.
Six mois de tournage, deux saisons d'images, neige et fleurs... Ensuite une année entière de montage du film, avec l'immense patience d'un réalisateur devenu presque ce qu'il filmait. Il a fini par s'écrier, après avoir fait ce film : « Le monde seul est impossible. Qu'il ait commencé de marcher est déjà inexplicable; qu'il continue de marcher est encore plus inexplicable ! » Et il devient presque prêcheur lui-même : « On peut comprendre qu'une telle vie est aussi possible dans le monde ordinaire. »
Si vous trouvez ce film à l'affiche, allez le voir, c'est une véritable méditation !
Il faut savoir que les Chartreux ont aujourd'hui 24 maisons (18 monastères de moines, et 6 couvents de moniales) sur 3 continents, regroupant environ 450 moines et moniales (34 moines à la Grande Chartreuse). Leur vie est entièrement contemplative. Les Chartreux ont renoncé à tout apostolat extérieur, à tout contact avec les médias, aux visites (sauf quelques rares contacts avec la famille proche), pour se concentrer dès ici-bas totalement sur Dieu, à l'école de la Sainte Vierge, en Le cherchant, en L'adorant et en s'abandonnant à Lui.
Cela aussi, c'est une réalité de la nouvelle année 2007, un grand sujet de joie au milieu d'un monde qui semble avoir oublié Dieu ! Et méditons une grande petite chose: Dieu se trouve plutôt dans le silence que dans le bruit, même dans la liturgie.
Si vous passez dans la région de Grenoble, montez un dimanche dans ce "désert" spirituel, la Grande Chartreuse, et écoutez cette musique silencieuse par excellence, l'ancien grégorien en latin chanté dans l'immense silence de Dieu.
Après sa mort, le moine est déposé en ses habits sur une planche, sans cercueil, et rendu après le Requiem à la terre, une croix en bois anonyme signalant l'endroit. Seul le sigle de l'Ordre y figure: une croix entourée de 7 étoiles à 5 branches, avec l'inscription S.C.D.V.O. = Stat Crux dum volvitur orbis. La Croix demeure immobile tandis que le monde tourne. - (ru; cf. ru 28/2004, et FC 16.12.2006)
("RU", service de presse de l'UNEC, BP 70114, F-95210 Saint-Gratien, T/F +33-134120268, unec@wanadoo.fr, www.radio-silence.tv)