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La fin du secret de l’instruction

Ces dernières années, on a pu constater que le secret de l’instruction est de plus en plus allègrement et impunément violé, notamment par la presse, mais aussi par des avocats, des magistrats, les justiciables eux-mêmes. Les journalistes appuient dans ce sens, au nom, bien sûr, de la liberté d’expression et du devoir d’informer. Alors qu’il s’agit d’un principe du droit qui devrait être intangible, car le secret de l’instruction est une condition sine qua non d’une justice sereine, impartiale et tout simplement digne de ce nom.

Par le biais de l’affaire Albert Lévy, qui traîne depuis huit ans, le tribunal correctionnel de Paris vient de porter un nouveau coup à ce qui restait du respect du secret de l’instruction.

Le magistrat Albert Lévy était poursuivi pour recel de violation du secret de l’instruction pour avoir transmis à un journaliste de VSD, poursuivi lui aussi pour le même motif, des pièces de procédure accusant la mairie FN de Toulon de pratiques frauduleuses dans l’attribution du marché des cantines scolaires.

Le tribunal a considéré que les éléments constitutifs du délit n’étaient pas réunis pour condamner le magistrat. Parce qu’il n’était pas question de condamner le journaliste. En effet, selon le tribunal, puisqu’un journaliste a le droit de produire des pièces couvertes par le secret de l’instruction pour se défendre lorsqu’il est poursuivi en diffamation, la condamnation du journaliste pour recel de violation du secret de pièces « utilisées par lui pour des publications contribuant à l’information du public ne peut être considérée comme nécessaire dans une société démocratique ».

 Dans ces conditions, il n’y a donc plus du tout de secret de l’instruction : tout journaliste peut librement publier toutes les pièces qu’il peut se procurer, au nom de « l’information du public ». Et la justice se moque totalement des conséquences éventuellement dramatiques que cela peut avoir.

En bref, le délit de recel de violation du secret de l’instruction est toujours dans la loi, et puni de 3.750 euros d’amende, mais en réalité il n’existe plus.

Ce jugement n’aurait pas pu être rendu si le tribunal n’avait pu se fonder sur la jurisprudence de la Cour de cassation, exemple parmi d’autres de sa dérive multiforme.

C’est la Cour de cassation, en effet, qui dans deux arrêts récents (2002 et 2003) a décidé qu’un journaliste avait le droit de produire pour sa défense des pièces de procédure couvertes par le secret de l’instruction.

A vrai dire, quoi qu’on pense de cette décision, elle n’entraîne pas, en soi, que le journaliste puisse publier dans son journal des pièces couvertes par le secret de l’instruction. Mais le tribunal fait découler son jugement de cette jurisprudence comme si cela allait de soi. C’est une mécanique bien huilée, qui va toujours dans le même sens, et que rien ne semble pouvoir arrêter. On a le droit de tout dire et de tout publier… surtout si ça va dans le sens de la subversion des valeurs jusqu’ici reconnues par tous. Car dans les autres cas, la liberté d’expression est de plus en plus strictement contrôlée et surveillée, voire interdite.

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