Toute personne qui commence à prendre de l’âge prend peu à peu conscience du décalage qui s’opère entre son corps et son esprit. Alors que le corps vieillit, l’esprit reste intact. Les jeunes ne peuvent pas avoir conscience de cela, parce qu’il y a chez eux adéquation parfaite entre le corps et l’esprit : tous deux sont « jeunes ». Ils peuvent toutefois constater chez nombre de vieux que si leur corps est affaibli et diminué, leur esprit « reste jeune ». En fait, plus on vieillit, plus on se rend compte que notre esprit, lui, ne change pas, qu’on pense et qu’on réfléchit à 80 ans exactement comme à 20 ans. Je parle ici du « mécanisme » de la pensée, qui reste identique même si l’on a changé d’opinion sur des sujets importants, changé de goûts en matière de culture, etc. L’expérience accumulée n’y change rien non plus, sinon qu’elle enrichit cette pensée et cette réflexion. On connaît l’adage : Quand on aime, on a toujours 20 ans. Cela est très profondément vrai : on est toujours le même « dans sa tête » et « dans son cœur ».
Il y a là, me semble-t-il, une preuve évidente de l’immortalité de l’âme. Je n’ai jamais rien lu à ce sujet. D’autres que moi ont pourtant certainement déjà fait ce constat, et en ont traité de façon plus savante et plus profonde. Si des lecteurs ont lu de tels livres, je leur serais très reconnaissant de m’en faire part.
Dans la Bible, comme je crois dans toutes les anciennes doctrines, le centre de l’être est le cœur (comme il l’est physiquement). C’est le cœur qui est le « siège » de l’âme. Cela a le mérite de distinguer la pensée discursive, produite « par le cerveau », et l’âme spirituelle proprement dite, qui n’est pas tributaire du cerveau.
Il est pourtant saisissant de constater que si l’on demeure le même « dans son cœur », on reste aussi le même « dans sa tête » (sauf maladie spécifique ou dégénérescence, bien sûr, je ne parle ici que des personnes en bonne santé). Pourtant le cerveau lui aussi vieillit ? Logiquement, il devrait lui aussi vieillir comme le reste. Mais l’idée reçue selon laquelle on perd des milliers (ou des millions) de neurones par jour est aujourd’hui battue en brèche, et même le dogme selon lequel notre stock de neurones, contrairement aux autres cellules, ne peut pas se renouveler. Et ceux qui croient en l’autodestruction des neurones affirment que cela n’a aucune influence sur les capacités intellectuelles. De fait le cerveau reste curieusement intact, comme on peut le constater chez des gens très vieux qui ont gardé l’esprit vif, ce qui est très impressionnant quand le corps de ces personnes est réduit à l’état de loque.
Le prix Nobel de médecine John Eccles, qui a passé toute sa vie à étudier les neurones du cerveau, a fini par conclure qu’aucune théorie sur leur fonctionnement ne permettait d’expliquer la conscience, et particulièrement la conscience de l’unicité du moi. Il en a été conduit, lui qui était agnostique, à conclure à l’existence nécessaire d’une entité surnaturelle, autrement dit une âme (immortelle, puisqu’elle ne dépend pas de la matière), et à postuler l’existence de psychons agissant comme une interface entre l’âme (qui n’est donc située nulle part, mais qui est le « cœur » de notre être) et les dendrons du cortex cérébral. S’il existe une âme surnaturelle, c’est qu’il existe un Dieu. Et Eccles est devenu chrétien…
Dans certains schémas, pour faire comprendre l’interaction, Eccles montre les dendrons comme enveloppés par les psychons. On ne peut s’empêcher d’y voir les neurones comme protégés par l’âme qui veille sur ses instruments physiques. Ce qui correspond aussi à ce que constatent les chercheurs, à savoir que le neurone est physiquement la plus protégée de nos cellules.
Si le cerveau ne vieillit pas, ou vieillit beaucoup moins que le reste de notre corps, c’est parce qu’il est en contact avec l’âme qui reste éternellement « jeune ». Cette mise en évidence de l’âme, dont l’existence est ainsi prouvée par l’expérience et rendue nécessaire par la science, détruit radicalement le matérialisme dans lequel baigne notre monde.
On en revient ici à la réflexion récurrente de Joseph Ratzinger, aujourd’hui Benoît XVI, sur les rapports entre foi et raison, sur la science qui en se coupant de Dieu mutile l’homme, sur la nécessité d’intégrer toutes les dimensions de la personne humaine. Laquelle est créée par Dieu pour vivre dans son Amour éternel.