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Saint Romuald

On lit ici ou là la « petite règle de saint Romuald ». Le texte originel se trouve dans la Vie des cinq frères de saint Bruno de Querfurt. La traduction est généralement très édulcorée, pour rendre le texte « présentable ». Mais c’est le trahir, parce que ce qui est remarquable dans ces quelques lignes, comme dans toute la spiritualité (et le style de vie) de saint Romuald, est son étonnante parenté avec les pères du désert. On croirait lire une lettre de saint Barsanuphe ou de saint Jean de Gaza, ou un père cité par Jean Cassien. Il faut garder toute la radicalité du propos, qui fait pleinement partie de l’enseignement. Voici donc le texte latin authentique, et une traduction aussi littérale que possible.

Sede in cella quasi in paradiso.

Assieds-toi dans ta cellule comme au paradis.

Proice post tergum de memoria totum mundum.

Jette le monde entier derrière toi et oublie-le.

Cautus ad cogitationes, quasi bonus piscator ad pisces.

Surveille tes pensées comme un bon pêcheur qui surveille les poissons.

Una via est in psalmis; hanc ne dimittas. Si non potes omnia, qui venisti fervore novicio, nunc in hoc, nunc in illo loco psallere in spiritu et intelligere mente stude, et cum ceperis vagare legendo, ne desistas, sed festina intelligendo emendare.

L’unique chemin est dans les psaumes - ne le quitte jamais. Si toi qui es venu avec la ferveur du novice, ne peux tout, saisis toutes les occasions qui se présentent pour dire les psaumes dans ton cœur et les comprendre avec ton esprit. Et quand ton esprit commence à s’égarer pendant que tu lis, n'abandonne pas, mais dépêche-toi de corriger et d'appliquer ton esprit.

Pone te ante omnia in presentia Dei cum timore et tremore, quasi qui stat in conspectu imperatoris.

Mets-toi avant tout en présence de Dieu avec crainte et tremblement, comme celui qui se tient devant l'empereur.

Destrue te totum, et sede quasi pullus, contentus ad gratiam Dei, qui, nisi mater donet, nec sapit nec habet quod comedat.

Détruis-toi entièrement, et assieds-toi comme un poussin qui se contente de la grâce de Dieu et qui, si sa mère ne lui donne rien, ne goûte rien et n’a rien à manger.

Dans une de ses catéchèses (le 28 mars 2001), Jean-Paul II avait commenté « Una via est in psalmis » :

Si, au cours de certaines périodes de l'histoire, est apparue une tendance à préférer d'autres prières, les moines ont eu le grand mérite de conserver allumée dans l'Eglise la flamme du Psautier. L'un d'eux, saint Romuald fondateur des Camaldules, à l'aube du second millénaire chrétien, arrivait à soutenir que - comme l'affirme son biographe Bruno de Querfurt - les Psaumes sont l'unique voie pour faire l'expérience d'une prière vraiment profonde : "Una via in psalmis".

Avec cette affirmation, à première vue excessive, il restait en réalité ancré à la meilleure tradition des premiers siècles chrétiens, quand le Psautier était devenu le livre par excellence de la prière ecclésiale. Ce fut un choix juste face aux tendances hérétiques qui menaçaient sans cesse l'unité de foi et de communion. A ce propos, il est intéressant de mentionner une lettre merveilleuse que saint Athanase écrivit à Marcellin dans la première moitié du IVe siècle, alors que l'hérésie arienne sévissait, portant atteinte à la foi dans la divinité du Christ. Face aux hérétiques qui attiraient les gens à eux, notamment à travers des chants et des prières qui en gratifiaient les sentiments religieux, le grand Père de l'Eglise se consacra de toutes ses forces à enseigner le Psautier transmis par l'Ecriture. Ce fut ainsi qu'au "Notre Père", la prière du Seigneur par antonomase, s'ajouta la pratique, vite devenue universelle parmi les baptisés, de la prière psalmodique.

Commentaires

  • Outre la radicalité c'est la simplicité de la voie à suivre qui parait évidente.

    Magnifique enseignement en effet qui remet les choses dans la bonne perspective évitant l'écueil de la dissipation et de la distraction.

    A nos bréviaires et psautiers donc !

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