On lit dans l’Histoire littéraire de la Congrégation de Saint-Maur (1770) :
Dom Bernard Audebert, supérieur général, ayant établi en 1673 la fête de sainte Gertrude, dont le culte devenait très célèbre à Rome, en Espagne et aux Indes, dom Vaillant composa l’office de cette sainte abbesse bénédictine, et l’on commença cette année à le chanter dans les monastères de la congrégation. L’auteur se sert des expressions les plus tendres et les plus vives du Cantique des cantiques : langage qui ne convient qu’à un très petit nombre de saintes âmes élevées au-dessus des sens.
Cet office est devenu celui du bréviaire monastique. Voici l’hymne des vêpres, qui se chante sur l’air de l’hymne du commun des vierges « Jesu corona virginum » (traduction dom Guéranger).
Gertrudis, arca Numinis,
Sponsoque juncta virginum,
Da nuptialis pangere
Castos amores fœderis.
O Gertrude, sanctuaire de la divinité, unie à l’Époux des vierges, laissez-nous célébrer vos chastes amours et votre alliance nuptiale.
Quadrima Christo nubilis
In claustra prompte convolas;
Spretoque nutricis sinu,
Sponsi requiris oscula.
A peine âgée de quatre ans et déjà fiancée au Christ, vous prenez votre vol vers le cloître ; vous vous arrachez aux bras de votre nourrice, n’aspirant qu’aux divines caresses de l’Époux.
Candentis instar lilii
Odore mulces sidera;
Et virginali cœlitum
Regem decore pertrahis.
Semblable au lis sans tache, vous exhalez un parfum qui réjouit les cieux, et l’éclat de votre virginale beauté attire vers vous le Roi de cet heureux séjour.
Qui vivit in sinu Patris
Cinctus perenni gloria,
Amanter, ut sponsus, tua
Recumbit inter ubera.
Celui qui vit au sein du Père, entouré d’une gloire éternelle, devient votre Époux, et daigne se reposer dans votre amour.
Amore Christum vulneras;
Hic te vicissim vulnerat,
Tuoque cordi propria
Inurit alte stigmata.
Par cet amour, vous avez blessé le Christ, à son tour il blesse aussi votre cœur, il y grave en traits de feu les stigmates des plaies qu’il a reçues.
O singularis charitas,
O mira commutatio;
Hic corde respirat tuo:
Tu vivis hujus spiritu.
O ineffable amour ! ô échange merveilleux ! c’est lui qui respire dans votre cœur ;son souffle devient en vous le principe de la vie.
Te, sponse Jesu, virginum
Beata laudent agmina;
Patri, simul Paraclito,
Par sit per ævum gloria. Amen.
Que l’heureux chœur des Vierge célèbre vos louanges, ô Jésus leur Époux ! gloire égale au Père et au divin Paraclet ! Amen.
Commentaires
On peut préférer l'hymne "Gertrudis, ipse Spiritus" de Lentini… - Le monastère d'Helfta (le monastère des trois mystiques : Gertrude et les deux Mechtilde) a repris vie, il y a quelques années, dans l'austère ex-RDA. Clin d'œil de l'histoire : Helfta est aujourd'hui un faubourg d'Eisleben, la ville où est né et mort Martin Luther. (Officiellement, le nom de la ville est d'ailleurs Lutherstadt-Eisleben.)