Brigitte est née en 1303, d'une famille aristocratique, à Finsta, dans la région suédoise d'Uppland. Elle est connue surtout comme mystique et fondatrice de l'Ordre du Très Saint Sauveur. Toutefois, il ne faut pas oublier que la première partie de sa vie fut celle d'une laïque qui eut le bonheur d'être mariée avec un pieux chrétien dont elle eut huit enfants. En la désignant comme co-patronne de l'Europe, j'entends faire en sorte que la sentent proche d'eux non seulement ceux qui ont reçu la vocation à une vie de consécration spéciale, mais aussi ceux qui sont appelés aux occupations ordinaires de la vie laïque dans le monde et surtout à la haute et exigeante vocation de former une famille chrétienne. Sans se laisser fourvoyer par les conditions de bien-être de son milieu, elle vécut avec son époux Ulf une expérience de couple dans laquelle l'amour conjugal alla de pair avec une prière intense, avec l'étude de l'Écriture Sainte, avec la mortification, avec la charité. Ils fondèrent ensemble un petit hôpital, où ils soignaient fréquemment les malades. Brigitte avait l'habitude de servir personnellement les pauvres. En même temps, elle fut appréciée pour ses qualités pédagogiques, qu'elle eut l'occasion de mettre en œuvre durant la période où l'on demanda ses services à la cour de Stockholm. C'est dans cette expérience que mûriront les conseils qu'elle donnera en diverses occasions à des princes ou à des souverains pour un bon accomplissement de leurs tâches. Mais les premiers qui en bénéficièrent furent assurément ses enfants, et ce n'est pas par hasard que l'une de ses filles, Catherine, est vénérée comme sainte.
Cette période de sa vie familiale n'était qu'une première étape. Le pèlerinage qu'elle fit avec son mari Ulf à Saint-Jacques de Compostelle en 1341 mit symboliquement fin à cette étape, préparant Brigitte à la nouvelle vie qu'elle inaugura quelques années plus tard lorsque, après la mort de son époux, elle entendit la voix du Christ qui lui confiait une nouvelle mission, la guidant pas à pas par une série de grâces mystiques extraordinaires.
Ayant quitté la Suède en 1349, Brigitte s'établit à Rome, siège du Successeur de Pierre. Son transfert en Italie constitua une étape décisive pour l'élargissement non seulement géographique et culturel, mais surtout spirituel, de l'esprit et du cœur de Brigitte. Beaucoup de lieux d'Italie la virent encore en pèlerinage, désireuse de vénérer les reliques des saints. Elle visita ainsi Milan, Pavie, Assise, Ortona, Bari, Benevento, Pozzuoli, Naples, Salerne, Amalfi, le Sanctuaire de saint Michel Archange sur le Mont Gargano. Le dernier pèlerinage, effectué entre 1371 et 1372, l'amena à traverser la Méditerranée en direction de la Terre Sainte, lui permettant d'embrasser spirituellement, en plus de beaucoup de lieux sacrés de l'Europe catholique, les sources mêmes du christianisme dans les lieux sanctifiés par la vie et par la mort du Rédempteur.
En réalité, plus encore que par ce pieux pèlerinage, c'est par le sens profond du mystère du Christ et de l'Église que Brigitte participa à la construction de la communauté ecclésiale, à une période notablement critique de son histoire. Son union intime au Christ s'accompagna en effet de charismes particuliers de révélation qui firent d'elle un point de référence pour beaucoup de personnes de l'Église de son époque. On sent en Brigitte la force de la prophétie. Son ton semble parfois un écho de celui des anciens grands prophètes. Elle parle avec sûreté à des princes et à des papes, révélant les desseins de Dieu sur les événements de l'histoire. Elle n'épargne pas les avertissements sévères même en matière de réforme morale du peuple chrétien et du clergé lui-même (cf. Revelationes, IV, 49; cf. aussi IV, 5). Certains aspects de son extraordinaire production mystique suscitèrent en son temps des interrogations bien compréhensibles, à l'égard desquelles s'opéra le discernement de l'Église; celle-ci renvoya à l'unique révélation publique, qui a sa plénitude dans le Christ et son expression normative dans l'Écriture Sainte. Même les expériences des grands saints, en effet, ne sont pas exemptes des limites qui accompagnent toujours la réception par l'homme de la voix de Dieu.
Toutefois, il n'est pas douteux qu'en reconnaissant la sainteté de Brigitte, l'Église, sans pour autant se prononcer sur les diverses révélations, a accueilli l'authenticité globale de son expérience intérieure. Brigitte se présente comme un témoin significatif de la place que peut tenir dans l'Église le charisme vécu en pleine docilité à l'Esprit de Dieu et en totale conformité aux exigences de la communion ecclésiale. En particulier, les terres scandinaves, patrie de Brigitte, s'étant détachées de la pleine communion avec le siège de Rome au cours de tristes événements du XVIe siècle, la figure de la sainte suédoise reste un précieux « lien » œcuménique, renforcé encore par l'engagement de son Ordre dans ce sens.
Jean-Paul II, Lettre apostolique Spes aedificandi pour la proclamation de sainte Brigitte de Suède, sainte Catherine de Sienne et sainte Thérèse-Bénédicte de la Croix co-patronnes de l’Europe, 1er octobre 1999.