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Samedi de la Passion

Je l’entends nous dire lui-même « L’heure est venue où il faut que le Fils de l’homme soit glorifié; si le grain meurt, il produit beaucoup de fruit». Je l’entends encore ajouter : « Celui qui hait son âme en ce monde, la garde pour la vie éternelle». Non seulement il m’est permis d’admirer, il m’est aussi ordonné d’imiter. Il ajoute ensuite : « Si quelqu’un me sert, qu’il me suive, et où je suis, là aussi sera mon serviteur ». Je me sens alors enflammé du désir de mépriser le monde, et la vie tout entière, quelque longue qu’elle soit, n’est pour moi qu’un néant, une vapeur : l’amour des biens éternels rend viles et méprisables à mes yeux les choses du temps; et ce Seigneur, qui est le mien, qui par ses paroles m’a transporté du sein de ma faiblesse au sein de son inébranlable fermeté, je l’entends me dire encore : « Maintenant mon âme est troublée ». Qu’est-ce que cela? Comment ordonnez-vous à mon âme de vous suivre, si je vois la vôtre plongée dans le trouble ? Comment supporterai-,je ce que votre inébranlable fermeté trouve trop lourd ? Sur quel fondement m’appuyer, si la pierre fléchit ? Mais il me semble entendre en moi-même le Seigneur ; il me répond et me dit : Tu me suivras bien plus aisément, si je m’interpose ainsi pour t’apprendre à souffrir. Tu as entendu venir à toi la voix de ma force, écoute en moi la voix de ta faiblesse. Je te donne des forces pour que tu hâtes ta course, et je ne fais rien pour l’arrêter ; au contraire, je prends pour moi ce qui t’effraie, et j’aplanis le chemin où tu dois passer. O Seigneur, notre médiateur, Dieu, si élevé au-dessus de nous, fait homme à cause de nous, je reconnais votre miséricorde ! Car si, grand comme vous l’êtes, vous avez voulu dans votre amour ressentir du trouble, c’est pour consoler ceux de vos membres chez qui le trouble est la suite inévitable de leur faiblesse. Vous ne voulez pas qu’ils périssent victimes du désespoir.

Enfin, que l’homme qui veut suivre Jésus-Christ apprenne par où il doit le suivre. Se présente-t-il un de ces moments terribles où il faut commettre un péché ou subir la mort ? Cette âme faible, pour laquelle l’âme invincible de Jésus s’est troublée volontairement, tombe dans le trouble; mais alors je lui dis : Préfère la volonté de Dieu à ta volonté propre. Ecoute ce que va ajouter ton créateur et ton maître, celui qui t’a fait et qui, pour t’instruire, est devenu lui-même une créature comme celles qu’il a faites ; car celui qui a fait l’homme est devenu homme lui-même. Mais il est resté Dieu sans aucun changement, et l’homme, il l’a transformé en mieux. Ecoute donc ce qu’il ajoute à ces paroles: « Maintenant mon âme est troublée. « Et que dirai-je », continue-t-il. « Père, délivre-moi de cette heure, mais c’est pour cette heure que je suis venu. Père, glorifie ton nom ». Il t’apprend par là ce que tu dois penser, ce que tu dois dire, qui tu dois invoquer, en qui il te faut espérer, quel est le maître dont nous devons toujours préférer la volonté certaine et immuable à la volonté humaine pleine de faiblesses. Ne t’imagine donc pas qu’il perde de sa grandeur, pour vouloir nous tirer de notre bassesse ; car il a voulu être tenté par le diable, qui certes ne l’aurait pas tenté s’il ne l’avait pas voulu ; comme aussi il n’aurait pas souffert, s’il n’y avait préalablement consenti. Et il a répondu au diable ce que tu dois lui répondre toi-même au moment de la tentation. Jésus fut tenté, il st vrai, mais non pas ébranlé, afin de te montrer ce qu’il faut répondre au tentateur quand on est ébranlé par la tentation ; pour t’apprendre encore qu’il ne faut pas marcher à la suite du tentateur, mais sortir du danger de la tentation. Lorsque Jésus dit ici : « Maintenant mon âme est troublée » ; comme lorsqu’il dit : « Mon âme est triste jusqu’à la mort » ; et ailleurs : « Père, s’il se peut faire, que ce calice passe loin de moi », il revêt l’infirmité de l’homme, afin d’apprendre à celui qui est ainsi attristé et troublé, à dire ce qui suit : « Cependant, Père, qu’il soit fait non comme je veux, mais comme tu veux ». C’est ainsi qu’en préférant la volonté de Dieu à la sienne propre, l’homme s’élève des choses humaines aux choses divines. Mais que veulent dire ces paroles : « Glorifie ton nom », sinon : glorifie-le dans sa passion et dans sa résurrection ? Qu’est-ce autre chose, sinon que le Père glorifie son Fils, qui à son tour glorifie son nom, dans les souffrances que ses serviteurs endurent à son exemple; comme il est écrit que Notre Seigneur dit à Pierre : « Un autre te ceindra et te portera où tu ne voudras pas », indiquant par là « par quelle mort il devait glorifier Dieu ? » C’est donc ainsi que Dieu a glorifié son nom en Jésus-Christ, parce que c’est ainsi qu’il glorifie Jésus-Christ lui-même dans ses membres.

Saint Augustin, traité 52 sur l’évangile de saint Jean, 2-3

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