Le 1er novembre 1950, Pie XII proclamait le dogme de l’Assomption. Je n’ai toujours pas compris la raison de ce geste. Toutes les Eglises, d’Orient et d’Occident, ont toujours célébré l’Assomption ou Dormition de la Mère de Dieu. En outre Pie XII ne définit rien, contrairement à ce qu’il affirme, et reste en deçà de ce que dit la tradition :
… pronuntiamus, declaramus et definimus divinitus revelatum dogma esse : Immaculatam Deiparam semper Virginem Mariam, expleto terrestris vitae cursu, fuisse corpore et anima ad caelestem gloriam assumptam.
Il évite de préciser que la Sainte Vierge est morte et ressuscitée. Il s’agit uniquement d’une proclamation de… ce que les Eglises d’Orient et d’Occident proclament chaque année le 15 août depuis des temps immémoriaux.
En outre c’est un geste d’hostilité envers les orthodoxes, qui célébraient cette fête avant les Latins, et qui n’admettent pas qu’on proclame des dogmes après les grands conciles du premier millénaire.
Sans doute Pie XII avait-il le dessein de donner plus d’éclat à cette fête, et d’attirer davantage l’attention sur sa signification.
Or, à peine quatre ans et demi plus tard, le 23 mars 1955, il supprime l’octave de l’Assomption (en même temps que toutes les octaves hormis Noël, Pâques et Pentecôte). Curieuse façon de rehausser l’éclat d’une fête, que de supprimer son octave. Il est clair qu’il y avait trop d’octaves qui s’étaient accumulées au fil de siècles, mais s’il y en avait une à garder en dehors des trois citées, c’était bien celle de la principale fête de Notre Dame.
D’autre part, au fil du temps, et surtout récemment, on avait, en outre, malencontreusement ajouté des fêtes dans l’octave de l’Assomption, qui l'oblitéraient quelque peu : celle de saint Hyacinthe (au XVIIe siècle), de sainte Jeanne de Chantal (1779), de saint Joachim (1911), de saint Jean Eudes (1928).
J’omets à dessein la fête de saint Bernard, le 20 août, qui fut la première, et qui aurait dû rester la seule. Saint Bernard, mort le 20 août, dans l’octave de l’Assomption, est un des plus grands chantres de Marie, et son plus grand sermon marial, chef-d’œuvre absolu, est celui qu’il écrivit pour le dimanche dans l’octave de l’Assomption. Ce seul fait aurait dû empêcher de supprimer cette octave…
Le bréviaire monastique, jusqu’à la suppression de l’octave, n’avait que la fête de saint Bernard. Il y avait ainsi une parfaite unité liturgique de la semaine, car on ne quittait Marie que pour Bernard qui parlait de Marie, et après avoir lu aux matines une partie du deuxième sermon de saint Jean Damascène sur la dormition, on embrayait, dès le 19, avec des extraits des sermons de saint Bernard sur l’Assomption. (Et cette année, la fête de saint Bernard étant supplantée par le dimanche, l'octave est complète.)
J’avoue que je ne peux pas me résoudre à abandonner cette merveille. Cette année je ne fais donc pas semblant de respecter le calendrier de 1960.
Voici donc le deuxième jour dans l’octave de l’Assomption. Voici la lecture des matines, extraite de l’homélie de saint Jean Damascène [entre crochets le passage qui ne se trouve pas dans le bréviaire].
Quant à nous, comme celui que nous adorons est Dieu, un Dieu qui n'est pas venu du non-être à l'existence, mais qui est éternel engendré de l'éternel, qui dépasse toute cause, parole, idée soit de temps soit de nature, c'est la Mère de Dieu que nous honorons et vénérons. Nous ne voulons pas dire qu'il tienne d'elle la naissance intemporelle de sa divinité - la génération du Verbe de Dieu est hors du temps et éternelle comme le Père - mais nous confessons une seconde naissance, par incarnation volontaire, et de celle-ci nous connaissons la cause et nous la proclamons par nos louanges. Il se fait chair, celui qui est éternellement incorporel, "à cause de nous et à cause de notre salut", pour sauver le semblable par le semblable. Et s'incarnant, il naît de cette Vierge sacrée sans union humaine, restant lui-même Dieu tout entier, et tout entier devenu homme; pleinement Dieu avec sa chair, et pleinement homme avec son infinie divinité. C'est en reconnaissant ainsi cette Vierge comme Mère de Dieu que nous célébrons sa dormition [: nous ne l'appelons pas une déesse - loin de nous ces fables de l'imposture grecque! puisque nous annonçons aussi sa mort. Mais nous la reconnaissons pour la Mère de Dieu incarné].
Célébrons-la aujourd'hui, par des chants sacrés, nous qui avons été enrichis au point d'être le peuple du Christ et de porter ce nom ! Honorons-la par des stations nocturnes ! Réjouissons-la par la pureté de l'âme et du corps, elle qui réellement est plus pure que tous les êtres sans exception après Dieu car le semblable se plaît au semblable. Rendons-lui hommage par notre miséricorde et notre compassion à l'égard des indigents. Si rien ne fait honneur à Dieu comme la miséricorde, qui contestera que sa Mère soit honorée par les mêmes sentiments, elle qui a mis à notre disposition cet abîme ineffable, l'amour de Dieu pour nous ?
Par elle nos hostilités séculaires avec le Créateur ont pris fin. Par elle notre réconciliation avec Lui fut proclamée, la paix et la grâce nous furent données, les hommes unissent leurs chœurs à ceux des anges, et nous voilà faits enfants de Dieu, nous qui étions auparavant un objet de mépris ! Par elle nous avons vendangé le raisin qui donne la vie; d'elle nous avons cueilli le germe de l'incorruptibilité. De tous les biens elle est devenue pour nous la médiatrice. En elle Dieu s'est fait homme, et l'homme est devenu Dieu. Quoi de plus paradoxal ? Quoi de plus heureux ?
Le premier répons des matines, tiré essentiellement du psaume 44 :
℟. Diffúsa est grátia in lábiis tuis : * Proptérea benedíxit te Deus in ætérnum. ℣. Myrrha, et gutta, et cásia a vestiméntis tuis, a dómibus ebúrneis, ex quibus delectavérunt te fíliæ regum in honóre tuo. * Proptérea benedíxit te Deus in ætérnum.
La grâce est répandue sur vos lèvres : c’est pourquoi le Seigneur vous a bénie pour l’éternité. La myrrhe, l’aloès et la cannelle s’exhalent de vos vêtements et de vos maisons d’ivoire, dont vous ont fait présent des filles de rois pour vous honorer. C’est pourquoi le Seigneur vous a bénie pour l’éternité.
Commentaires
Un dogme peut avoir deux objectifs : affirmer que telle vérité appartient à la Révélation, afin de guider les croyants face aux hérésies (et c'est pour ça que je trouve absurde le caprice des orthodoxes qui voudraient interdire la proclamation des dogmes après qu'ils eurent quitté le navire)
2) la glorification de Dieu, ce qui est explicitement dans le début de la phrase dont vous citez la fin. Le Cal Ratzinger, dans La fille de Sion, explique bien cet aspects des définitions dogmatiques.
Quant à Pie XII, il ne peut pas inventer : s'il ne précise pas, c'est qu'avec l'ensemble de l'épiscopat, il a discerné que cela n'avait pas été révélé. On n'écrit pas un dogme comme un article de journal.
@eric
Je suis d'accord avec vous. Un dogme oblige absolument.
Parmi les raisons, voir:
https://schola-sainte-cecile.com/2012/08/15/proclamation-du-dogme-de-lassomption-le-1er-novembre-1950/
dont voici un extrait:
"A partir du XIXème siècle, des pétitions commencent à affluer à Rome pour que soit officiellement défini le dogme de l’Assomption. De 1854 à 1945, huit millions de fidèles écriront à Rome en ce sens ! Chiffre auquel il faut ajouter les pétitions de 1 332 évêques (représentant 80 % des sièges épiscopaux) et 83 000 prêtres, religieux et religieuses. Face à ces demandes répétées, Pie XII, par l’encyclique Deiparae Virginis, publiée en mai 1946, demande à tous les évêques du monde de se prononcer sur la question. La réponse est quasi unanime : 90 % des évêques y sont favorables. La plupart des 10 % restant s’interrogent sur l’opportunité d’une telle déclaration, seulement six évêques émettant des doutes sur le caractère « révélé » de l’Assomption de Marie. A la suite de ces réponse, le Pape décide de proclamer solennellement le dogme de l’Assomption en 1950" (fin de citation).
Pourquoi donc les orthodoxes devraient-ils s'en offusquer?
Et comme exemple de gouvernement de l'Eglise, on ne peut pas rêver mieux: tous les évêques catholiques furent consultés.
@ éric.
Et quand saint Jean Damascène écrit que la Mère de Dieu est morte et qu'elle a été ressuscitée, il écrivait un article de journal ?
Et quand l'Eglise latine a repris ce texte dans sa liturgie, elle écrivait un article de journal ?
Et quand les liturgies orientales disent toutes que Marie est morte et a été ressuscitée, c'est un article de journal ?
Depuis quand les liturgies ne sont plus des lieux théologiques ?
Pie XII ne savait pas ce que les liturgies, y compris la liturgie latine, savent depuis toujours ?
A quoi peut servir de proclamer un dogme qui est en deçà de la liturgie vécue par le peuple de Dieu ?
@Yves Daoudal
Iriez-vous jusqu'à critiquer le dogme de l'Immaculée conception de Marie, puisque cette notion était connue avant le XIXe siècle chez les Pères de l'Eglise?
Et l'infaillibilité pontificale pour de pas faire de peine aux pauvres petits orthodoxes?
Les dogmes servent à séparer les vérités révélées des hérésies. Ce ne sont pas les dogmes qui provoquent les hérésies, ce sont les hérésies qui obligent à une formulation définitive par les dogmes.
@ Monsieur Daoudal question : Comment Marie toujours vierge et Immaculée Conception peut elle mourir ? C'est impossible selon ma croyance en la Sainte Vierge Marie. Son corps n'a jamais été corrompu en rien ! Or la mort naît du péché originel.
@Dauphin 14h27 : D'accord avec vous !
A Dauphin.
Je suis plutôt d'accord avec les orientaux, qu'il n'est pas nécessaire de formuler des dogmes après la définition des grands dogmes christologiques et trinitaires, qui suffisent. Je n'aurais donc pas été partisan de la proclamation du dogme de l'Immaculée Conception, mais puisque c'est fait... Je constate toutefois que ce que Marie a dit à Bernadette va beaucoup plus loin que ce qu'a "défini" Pie IX, et donc que c'était inutile.
Pour ce qui est de l'infaillibilité du pape, qu'aucun pape n'a osé mettre en oeuvre (ainsi qu'en témoigne la préparation du dogme de l'Assomption), vous savez sans doute que les deux tiers des évêques orientaux étaient partis de Rome pour ne pas signer ce texte, et qu'aucun patriarche ne le signa, en dehors de l'arménien qui était une créature de Pie IX et dut démissionner peu après.
A Onclin.
Le Christ est mort. Il eût été extravagant que la seule personne humaine à échapper à la mort fût sa mère. Saint Jean Damascène évoque la question dans la lecture des matines du jour de la fête:
Aujourd’hui la Vierge immaculée, étrangère à toutes les affections terrestres et habituée aux pensées du ciel, n’est pas retournée en terre ; mais comme elle était un ciel vivant, elle a été placée dans les célestes tabernacles. Car, étant la source d’où la vraie vie s’est épanchée pour tous les hommes, comment aurait-elle connu les ignominies de la mort ? Il est vrai, elle fut assujettie à la loi portée par celui qu’elle engendra, et comme fille du vieil Adam, elle dut subir l’ancien arrêt. Car son Fils, lui qui est la vie par essence, ne l’a pas même évité ; mais sa qualité de Mère du Dieu vivant lui a justement valu d’être élevée jusqu’auprès de lui. L’Ève qui avait consenti aux suggestions du serpent, fut condamnée aux douleurs de l’enfantement et à la peine de mort, et demeura ensevelie dans le sein de la terre. Mais cette Ève réellement bienheureuse, qui prêta une oreille docile au langage de Dieu, que le Saint-Esprit a fécondée par son opération, qui, à la chaste salutation d’un Archange, conçut en dehors des lois humaines, le Fils de Dieu et qui l’a enfanté sans aucune douleur ; qui s’est enfin consacrée tout entière à Dieu, comment la mort l’aurait-elle en proie à dévorer ? Comment aurait-elle été enfouie au sein de la terre ? Comment la corruption envahirait-elle ce corps où la vie est venue s’incarner ? A cette Ève là, Dieu a frayé une voie droite, plane et facile pour monter au ciel. Car si Jésus-Christ, la vie et la vérité, a dit : « Là où je suis, sera aussi mon serviteur », à combien plus forte raison sa Mère devra-t-elle être avec lui ?
@Monsieur Daoudal : Le dogme de l’infaillibilité du pape repose sur une parole de Jésus Christ voir Mathieu chap 16 (18 et 19). Les protestants et les orthodoxes n’y voient goutte, le catholique y voit, l’infaillibilité du vicaire du Christ, donc ils sont différents déjà sur ce point. Comme dit monsieur Dauphin « Ce ne sont pas les dogmes qui provoquent les hérésies, ce sont les hérésies qui obligent à une formulation définitive par les dogmes. » Ceux-ci déjà évident pour le catholique.
« Pour ce qui est de l'infaillibilité du pape, qu'aucun pape n'a osé mettre en œuvre », c’est normal puisqu’il est à l’œuvre de manière permanente dans son ministère strict. D’où le gros problème de ce pape François, méprisant la doctrine et donc le Christ il change la religion en changeant de religion tout simplement.
« Le Christ est mort. Il eût été extravagant que la seule personne humaine à échapper à la mort fût sa mère. » et l’écrit de Saint-Jean Damascène mon commentaire : Saint Jean Damascène d’abord n’était pas « saint » au moment de son écriture et il aurait dû regarder d’abord sous l’œil de la situation.
Au niveau de la situation : Saint-Luc chap 1 : 30 L'ange lui dit : « Ne craignez point, Marie, car vous avez trouvé grâce devant Dieu. 31 Voici que vous concevrez en votre sein, et vous enfanterez un fils, et vous lui donnerez le nom de Jésus. 32 Il sera grand, on l'appellera le Fils du Très-Haut .. : Ici l’ange dit “vous avez trouvé grâce devant Dieu” et non “vous venez de trouver grâce devant Dieu” ou “vous allez trouver grâce devant Dieu” il faut conclure que l’ange par la formulation du mot “grâce” déclarait déjà Marie “Immaculée” dès sa conception.
Saint Jean Damascène dit : “qui prêta une oreille docile au langage de Dieu, que le Saint-Esprit a fécondée par son opération” cette analyse souffre de carences, car que dit le texte Saint-Luc chap 1 : “35 L'ange lui répondit : ‘L'Esprit-Saint viendra sur vous, et la vertu du Très-Haut vous couvrira de son ombre. C'est pourquoi l'être saint qui naîtra (de vous) sera appelé Fils de Dieu”. Il n’y a pas seulement l’action du Saint Esprit. Mais bien l’action de la “substance” Divine Trinitaire en totalité ici opérante, car si l’Esprit Saint est à l’œuvre ici il est en coopération avec Dieu le Père (Vertus) et c’est parce que les “deux” sont à l’œuvre que la substance Divine “doit” constituer en Marie une substance semblable à leur propre substance et donc le Christ est aussi substance Divine. En fait la conception de Marie exprime en son sein l’action de la “substance” Trinitaire Divine quand “deux” personnes Divines sont à l’œuvre elle ne peux “formé” que ce qui manque de la Divinité Trinitaire: “C'est pourquoi l'être saint qui naîtra (de vous) sera appelé Fils de Dieu”.
Une personne (Marie) qui est capable d’être acceptée ou visitée et même de recevoir l’action en totalité de la substance Divine est sans péché originel, aucune personne n’est comme elle. Elle est donc immaculée. Or ce qui est sans péché originel ne meurt jamais. Si Jésus à dit dans Saint Jean 24 : “En vérité, en vérité, je vous le dis, celui qui écoute ma parole et croit à celui qui m’a envoyé a la vie éternelle, et n’encourt point la condamnation, mais il est passé de la mort à la vie.” et cela pour les pécheurs que dirait-Il pour sa Mère alors, qui Elle « a cru dès le départ à celui qui l’a envoyé parce qu’elle a écouté sa parole jusque dans son sein mérite aussi dès le départ la vie éternelle » sans pour autant être substance divine.
Pour les théologiens de BFM, l'Assomption est "une survivance d'une fête chrétienne" : http://www.bfmtv.com/societe/assomption-pourquoi-le-15-aout-est-il-ferie-1235611.html
@cp
Il faut se rendre à l'évidence : la majorité des Français ne connaissent pas plus les éléments de la religion catholique qu'ils ne maîtrisent les règles de l'accord du participe passé...
Aussi, je ne trouve rien à redire à cet article de bfmtv, écrit sur un ton neutre, sans ironie, si ce n'est une impardonnable faute d'orthographe dans le dernier paragraphe...