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Saint Janvier

Le soir même de l'exécution, vers neuf heures, deux personnes, pareilles à deux ombres, s'avançaient timidement vers le forum désert, en cherchant des yeux les trois cadavres, que l'on avait laissés sur le lieu même du supplice.

La lune, qui venait de se lever, répandait sa lumière sur la plaine jaunâtre de la Solfatare, de sorte que l'on pouvait distinguer chaque objet dans tous ses détails.

Les deux personnages qui hantaient seuls ce lieu désolé étaient, l'un un vieillard, l'autre une vieille femme.

Tous deux s'observèrent un instant avec défiance, puis, enfin, se décidèrent à marcher l'un vers l'autre.

Arrivés à la distance de trois pas seulement, tous deux portèrent la main à leur front en faisant le signe de la croix.

S'étant alors reconnus pour chrétiens :

– Bonjour, mon frère, dit la femme !

– Bonjour, ma sœur, dit le vieillard.

– Qui êtes-vous ?

– Un ami de saint Janvier. Et vous ?

– Une de ses parentes.

– De quel pays êtes-vous ?

– De Naples. Et vous ?

– De Pouzzoles. Qui vous amène à cette heure ?

– Je viens pour recueillir le sang du martyr. Et vous ?

– Je viens pour ensevelir son corps.

– Voici les deux fioles avec lesquelles il a dit sa dernière messe, et qu'il m'a données en sortant de l'église et en m'ordonnant de boire l'eau et le vin qui y restaient. J'étais paralytique, ne pouvant remuer ni bras ni jambes depuis dix ans ; mais à peine, selon l'ordre du bienheureux saint Janvier, eus-je vidé les fioles, que je me levai et que je marchai.

– Et moi, j'étais aveugle. Je demandai au martyr, au moment où il marchait au supplice, un souvenir de lui : il me promit de me donner, après sa mort, le mouchoir avec lequel on lui banderait les yeux. Au moment même où le bourreau lui trancha la tête, il m'apparut, me donna le mouchoir, m'ordonna de l'appuyer sur mes yeux et de venir le soir ensevelir son corps. Je ne savais comment exécuter la seconde partie de son ordre ; car j'étais aveugle ; mais à peine eus-je porté la relique sainte à mes paupières, que, pareil à saint Paul sur la route de Damas, je sentis tomber les écailles de mes yeux, et me voici prêt à obéir aux ordres du bienheureux martyr.

– Soyez béni, mon frère ! car je sais maintenant que vous étiez bien véritablement l'ami de saint Janvier, qui m'est apparu en même temps qu'a vous pour m'ordonner une seconde fois de recueillir son sang.

– Soyez bénie, ma sœur ! car, à mon tour, je vois que vous êtes bien véritablement sa parente. Mais, à propos, j'oubliais une chose...

– Laquelle ?

– Il m'a bien recommandé de chercher un doigt qui lui a été coupé en même temps que la tête, et de les réunir religieusement à ses saintes reliques.

– Il m'a dit de même que je trouverais dans son sang un fétu de paille, et m'a ordonné de le garder avec soin dans la plus petite des deux fioles.

– Cherchons, ma sœur.

– Cherchons, mon frère.

– Heureusement, la lune nous éclaire.

– C'est encore un bienfait du saint ; car, depuis un mois, la lune était couverte de nuages.

– Voici le doigt que je cherchais.

– Voici le fétu de paille dont on m'a parlé.

Et, tandis que le vieillard de Pouzzoles plaçait dans un coffre le corps, la tête et le doigt du martyr, la vieille femme napolitaine, agenouillée pieusement, recueillait, avec une éponge, jusqu'à la dernière goutte du sang précieux et en remplissait les deux fioles que le saint lui avait données.

C'est ce même sang qui, depuis quinze siècles et demi, se met en ébullition, chaque fois qu'on le rapproche du saint, et c'est dans cette ébullition prodigieuse, inexplicable, et qui se produit deux fois par an, que consiste le fameux miracle de saint Janvier, qui fait tant de bruit de par le monde et que, de gré ou de force, Championnet comptait bien obtenir du saint.

Alexandre Dumas, La San-Felice, chapitre 96. On lira le chapitre entier, qui est entièrement sur saint Janvier, ici.

Commentaires

  • Alexandre Dumas est un auteur étonnant, avec des pages comme celles-là, et puis un gros roman certes passionnant mais qui raconte tout de même une abominable vengeance fort peu chrétienne, mais qui visiblement ne gêne aucun des cathos avec qui j'ai pu en parler (mais en revanche, ne lisons surtout pas les contes licencieux de La Fontaine, qui sont proprement scandaleux!).
    Je me rends compte qu'en suivant le calendrier romain, vous n'avez jamais parlé de La Salette? (ou bien le moteur de recherche ne l'a pas trouvé, ce qui est possible) C'est pourtant une apparition mariale très édifiante. Pour l'année prochaine?

  • Je ne vois rien sur les apparitions de La Salette dans mon bréviaire, ni sur le site Introibo, ni sur l'ordo de la FSSP. Je ne vois pas à quel calendrier romain vous faites allusion.

    Je ne m'intéresse pas beaucoup aux apparitions, à l'exception de Lourdes, à cause du "Que soy era immaculada councepciou", et je trouve désagréable, peu digne de la Mère de Dieu, le ton du message de La Salette.

  • Pardon, ma phrase était mal tournée, je voulais dire "comme vous suivez le calendrier...", il n'y a donc rien d'anormal, mais je trouvais ça dommage. Je n'ai pas envie de vous querellez sur votre appréciation de La Salette, mais Abenader, ce n'est pas l'usurpation que vous en faites (d'ailleurs, ça fait près de 50 ans que tout ça traîne dans les revues sédévacantistes, et ça y traînera jusqu'à la fin du monde).

  • Après enquête épiscopale de plusieurs années dirigée par le vicaire général R.P. Jean baptiste Gérin (le curé d'Ars grenoblois), le 19 septembre 1851, Mgr. Philibert de Bruillard, évêque de Grenoble, autorité compétente, publie enfin son "mandement doctrinal". (apparitions le 19 sept 1846)
    En voici le passage essentiel:
    "Nous jugeons que l'apparition de la Sainte Vierge à deux bergers, le 19 septembre 1846, sur une montagne de la chaîne des Alpes, située dans la paroisse de La Salette, de l'archiprêtré de Corps, porte en elle-même tous les caractères de la vérité, et que les fidèles sont fondés à la croire indubitable et certaine".
    Il n'a pas trouvé "désagréable" le message de la Ste Vierge.
    Notez le fort vocabulaire: "doctrinal", "indubitable", "certaine". Ce n'est pas du tout ambigü.
    Des sédévacantistes déclarent que les apparitions sont fausses (P Ricossa, revue Soladitium). D'autres les utilisent quand cela les arrange. Alors vraies ou fausses?
    C'est vrai que le haut clergé français était furieux des appréciations peu amènes de la Ste Vierge. Mais que vivons-nous actuellement: impureté, apostasie à tous les niveaux dans le clergé?
    2016 170e anniversaire app. la Salette
    2017 centenaire des apparitions de Fatima. Alors, vraies ou fausses?
    fêtée au diocèse de Grenoble-Vienne et en certains autres lieux.

  • Eh ben vous feriez mieux de vous y intéresser, mon vieux. La Sainte Vierge (en pleurs !!!) nous y a indiqué tout ce qui est en train de se passer sous notre pif, pour qui a les yeux ouverts.

    "L'Eglise sera éclipsée".

    "Rome deviendra le siège de l'Antéchrist".

    Vous trouvez cela désagréable, mon cher ? Sans doute préférez-vous un bien plus doux et humble de cœur "buonasera", Ou alors, un "buon pranzo"...

    Mais bon, d'un autre côté, chi sono io per giudicare ???

    Moooahahahahaha !!!!!!

    P. S. Merci pour ce chouette passage sur San Gennaro.

  • ...qui aidera Y. Daoudal à changer d'avis.

  • Yves Chiron a écrit il y a une bonne quinzaine d'années un livre remarquable quant aux apparitions de la sainte vierge .
    La question est oui ou non la sainte vierge apparait et non pas on aime ou n'aime pas ses paroles ou son ton...
    Pour les modernistes la sainte vierge n'est pas apparue à Lourdes mais c'est Bernadette Soubirous qui a eu une apparition........
    C'est la même chose pour les voix de sainte jeanne d'arc elle n'a pas entendue mais elle a eu des voix.....
    En allant plus loin, les modernistes trouvent scandaleux la sainte colère de NSJC pour chasser les marchands du temple, or NSJC est parfait .......donc......

  • Ce n'est pas du tout si simple. D'abord aucune apparition n'est de foi. Ensuite la révélation est close à la mort du dernier apôtre donc il n'y a aucune révélation dans les apparitions. Enfin et surtout nul ne peut infailliblement dégager des propos présentés comme ceux de l'apparition ceux qui sont vraiment de l'apparition et ceux qui y sont mêlés - inconsciemment - par le voyant.

    Quand la Sainte Vierge vient me parler de pommes de terres pourries, j'ai un doute.

  • La Grande Famine en Irlande (1846-1851), 1 million de morts , émigration massive aux USA, pour une question de pommes de terre qui pourrissaient en terre. Famines en Europe, moins violentes pour la même raison.
    Bien entendu que les révélations privées ne sont pas de foi, mais quand l'autorité compétente, après enquête minutieuse que même les adversaires de l'apparition n'ont pas pu prendre en défaut, se prononce aussi clairement, il faut peut-être prendre cela en considération.
    Le "message" diffusé au sanctuaire de la Salette est édulcoré et se focalise puérilement sur le blé et les patates pourries alors que le problème c'est l'impiété du clergé.

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