La fête de saint Raymond de Pegnafort a supplanté au XVIIe siècle celle de sainte Emérentienne (ou Emérance), qui demeure néanmoins une mémoire. Voici ce qu’en dit dom Guéranger, dans un texte très joli et émouvant, mais peu conforme aux canons du dialogue interreligieux…
Le troisième jour n’est pas écoulé depuis le martyre de sainte Agnès ; et la Liturgie, fidèle à recueillir toutes les traditions, nous rappelle à son tombeau. Voici que la Vierge Émérentienne, amie et sœur de lait de notre héroïne de treize ans, s’en est allée prier et pleurer sur le lieu où repose celle qui lui a été si tôt et si cruellement ravie. Émérentienne n’a pas encore été régénérée dans les eaux du Baptême ; elle suit encore les exercices du catéchuménat ; mais son cœur est déjà au Christ par la foi et par le désir.
Tandis que la jeune fille épanche ses regrets et son admiration sur la tombe d’Agnès, des païens surviennent ; insultant à sa douleur, ils veulent troubler ces hommages rendus à leur victime. C’est alors que Émérentienne, enflammée du désir de se réunir au Christ, et d’être bientôt dans les bras de sa douce compagne, puisant un mâle courage sur ce sépulcre glorieux, se tourne vers les barbares, et, confessant Jésus-Christ, maudissant les idoles, leur reproche l’atroce cruauté dont l’innocente Agnès est tombée victime.
La férocité païenne s’indigne dans les cœurs de ces hommes asservis au culte de Satan, et à peine la jeune fille a cessé de parler, qu’elle tombe sur le sépulcre de son amie, accablée sous les pierres meurtrières que lui lancent ceux qu’elle a osé défier. Baptisée dans son propre sang, Émérentienne laisse sur la terre sa dépouille sanglante ; et son âme s’envole sur le sein de l’Emmanuel, pour jouir éternellement de ses embrassements divins, et de la chère présence d’Agnès.
Unissons-nous à l’Église, qui recueille avec tant d’amour de si touchants souvenirs ; demandons à Émérentienne la grâce d’être réunis à Jésus et à Agnès, et saluons son triomphe par les prières de la sainte Liturgie.