C'est par ce sentiment d'humilité qu'André Avellin se crut obligé de cacher aux yeux des peuples toutes les bonnes œuvres de sa vie ; mais il y en eut qu'il ne put dérober à leur connaissance, parce que souvent ils en étaient eux-mêmes les objets ; parce que le Seigneur, pour remplir les desseins de sa miséricordieuse providence, le mettait dans l'obligation de faire des actions d’éclat. Il va encore s'y trouver. Ayant fini son supériorat de la maison Saint-Paul de Naples, il voulait mener une vie cachée en Jésus-Christ, et n'avoir plus pour témoin de ce qu'il ferait pour Dieu que Dieu lui-même ; le Père céleste avait des vues sur lui bien différentes des siennes. Saint Charles (Borromée) étant à Rome auprès de son Oncle Pie IV fréquentait souvent la maison de Saint-Silvestre, où il allait voir le Cardinal Sirlet. Il y fut édifié de la régularité des Théatins et forma dès lors le dessein de les établir à Milan. A peine y fut-il de retour qu'il sollicita le Général de lui envoyer quelques-uns de ses religieux. Il le fit, et en choisit quatre à la tête desquels il mit saint André Avellin. Ce saint cardinal alla les recevoir à l'entrée de la Ville et les logea dans une petite maison, d'où ensuite il les transféra dans celle de Saint-Antoine, proche la cathédrale. Cette communauté est une des principales de l'Ordre. Saint Charles ne tarda guère à concevoir de hauts sentiments pour la vertu d'un si digne supérieur ; il lia une étroite amitié avec lui, il le consulta pour la conduite de son diocèse et lorsqu'il eut été témoin du zèle avec lequel il travaillait à la vigne du Seigneur, son estime augmenta, jusqu'à le faire le dépositaire de sa conscience.
Cette communauté naissante ne s'attira pas moins de vénération par la pureté de sa doctrine que par la régularité de ses mœurs. C'est pour cela qu'elle devint bientôt fort nombreuse, et que tous les gens de bien s’empressaient, les uns d'y entrer eux-mêmes, les autres d'y faire entrer leurs enfants ; c'est pour cela que saint Charles redoubla ses attentions sur elle et qui contribua à sa subsistance, en lui faisant tous les mois une libéralité de 25 écus ; somme qui étoit plus employée aux ornements de l’église qu'à l'entretien de la maison ; mais somme qui n'ayant été acceptée par André Avellin que parce que les peuples étaient dans l'abondance, en fut généreusement refusée lorsqu'ils furent dans la disette ; il pria saint Charles de l'employer à les secourir. Cette démarche parut au cardinal si tendre pour les pauvres qu'il la publia partout, et qu'il ne se lassait point de dire que tous les riches de son diocèse avaient un grand modèle à suivre dans la charité d'André Avellin. Il ajoutait qu'il s'estimait heureux d'avoir fait venir à Milan un homme qui était véritablement saint, et qui par l’éminence de ses vertus autant que par la vivacité de son zèle ne contribuait pas peu à la conversion de son troupeau. En effet un désintéressement si rare parut alors un prodige, et fut la source de la confiance que les grands et les petits eurent ensuite dans notre Saint.
Il fit donc autant de fruit dans Milan qu'il en avait fait dans Naples, et toujours avec le même regret d'en avoir les hommes pour témoins. Au nombre des conversions que Dieu opéra par le ministère de son fidèle serviteur fut celle d'un pécheur endurci que l'énormité de ses crimes éloignait de la fréquentation des sacrements. II dit au Père André Avellin : Je n'oserai jamais en approcher : mes dérèglements sont trop honteux. Le saint religieux l'assura qu'il prierait Dieu pour lui, et le conjura de prononcer mais de cœur seulement tous les jours cette courte prière : Seigneur, j'ai mille fois violé vos ordres ; mais accordez-moi la grâce de m'y soumettre. Il y a longtemps que je suis à mes passions ; mais touchez mon cœur, pour que je ne sois plus qu'à vous. Mon âme est entre vos mains ; étouffez le penchant quelle a au mal, et inspirez-lui tout l'amour quelle doit avoir pour la vertu. Rendez-moi aussi pénitent que je suis pécheur. Cette prière si humble dite de cœur éteignit enfin le feu des passions dans le cœur de ce coupable ; il répara sa vie scandaleuse par une vie édifiante ; il approcha très souvent de nos augustes mystères, et eut le bonheur de mourir de la mort des Justes.
Extrait du chapitre 8 de l’Abrégé de la vie de saint André Avellin, par Olympe du Marché, 1713.