La Transfiguration est un événement de prière. Ce qui devient visible, c'est ce qui se passe quand Jésus parle avec le Père, l'intime unité de son être avec Dieu, qui devient pure lumière. Dans son union avec le Père, Jésus est lui-même lumière de lumière. Ce qu'il est au plus intime de lui-même et ce que Pierre avait tenté de dire dans sa confession de foi, tout cela devient même, à cet instant, perceptible par les sens : l'être de Jésus dans la lumière de Dieu, son propre être-lumière en tant que Fils.
C’est ici que se manifestent tout à la fois le rapport et la différence avec la figure de Moïse : « Lorsque Moïse descendit de la montagne du Sinaï, ayant en mains les deux tables de la charte de l’Alliance, il ne savait pas que son visage rayonnait de lumière depuis son entretien avec le Seigneur » (Ex 34, 29). Du fait qu’il parle avec Dieu, la lumière de Dieu rayonne sur lui et le fait rayonner lui-même. Mais il s’agit d’un rayon qui arrive sur lui de l’extérieur, et qui le fait resplendir ensuite. Jésus, lui, resplendit de l’intérieur, il ne fait pas que recevoir la lumière, il est lui-même lumière de lumière.
Et pourtant le vêtement blanc de lumière que porte Jésus lors de la Transfiguration parle aussi de notre avenir. Dans la littérature apocalyptique, les vêtements blancs sont l'expression des êtres célestes — les vêtements des anges et des élus. Ainsi l'Apocalypse de Jean parle des vêtements blancs que porteront ceux qui seront sauvés (cf. en particulier Ap 7, 9.13 ; 19, 14). Mais nous est aussi communiqué quelque chose de nouveau : les vêtements des élus sont blancs parce qu'ils les ont lavés et blanchis dans le sang de l'agneau (cf. Ap 7, 14), ce qui signifie que, par le Baptême, ils sont liés à la Passion de Jésus, et que sa Passion est la purification qui nous rend le vêtement d'origine que nous avons perdu par le péché (cf. Le 15, 22). Par le Baptême, nous avons été revêtus de lumière avec Jésus et nous sommes devenus nous-mêmes lumière.
C'est alors qu'apparaissent Moïse et Élie qui parlent avec Jésus. Ce que le Ressuscité déclarera plus tard aux disciples sur la route d'Emmaüs est ici de l'ordre du phénomène visible. La Loi et les Prophètes parlent avec Jésus, parlent de Jésus. Luc est le seul à raconter - au moins sous forme de brève allusion - de quoi parlent les deux grands témoins de Dieu avec Jésus : « Apparus dans la gloire : ils parlaient de son départ qui allait se réaliser à Jérusalem » (Lc 9, 31). Le sujet de leur dialogue est la croix, mais il faut la comprendre dans toute son extension en tant qu'« exode de Jésus », qui devait avoir lieu à Jérusalem. La croix de Jésus est un exode, une sortie hors de cette vie, une traversée de la « mer Rouge » de la Passion et un passage vers la gloire, qui porte néanmoins toujours les stigmates de la Passion.
Ce qui indique clairement que le sujet principal de la Loi et des Prophètes est « l'espérance d'Israël », l'exode qui libère définitivement, et que le contenu de cette espérance est le Fils de l'homme souffrant, le serviteur de Dieu, dont la souffrance permet d'ouvrir la porte sur la liberté et la nouveauté. Moïse et Élie sont eux-mêmes des figures et des témoins de la Passion. Avec le Transfiguré, ils parlent de ce qu'ils ont dit sur terre, ils parlent de la Passion de Jésus, mais ce dialogue avec le Transfiguré fait apparaître que cette Passion apporte le salut, qu'elle est envahie par la gloire de Dieu, que la Passion devient lumière, liberté et joie.
Benoît XVI, Jésus de Nazareth, I, pp. 338-339
(Icône de Théophane le Grec, maître d'Andreï Roublev)
Commentaires
"La Transfiguration est un événement de prière."
Certes...
Mais trève un peu au discours indécrottablement universitaire, à l'hypersubjectivité forcenée, qui finit implicitement par transformer l'événement matériel en quasi vue de l'esprit, voire à l'évaporer dans l'évanescence.
Je soupçonne dans cette vision d'une cérébralité desséchante, un protestantisme à dose homéopathique, inconscient de lui-même et qui ne dit pas son nom. Le professeur d'université J. Ratzinger, si cela avait été possible, aurait dû être recadré par des mystiques espagnols comme Ste Thérèse d'Avila ou S. Jean de la Croix sur de telles questions, eux qui en ont la juste vision, matérielle et réaliste, comme l'est toujours l'authentique mysticisme catholique.
La Transfiguration fut un événement d'une matérialité et d'une réalité brutes. En chair, en os, en cheveux et dans ses vêtements tissés, il se transfigura.
Il y eut une heure H, une minute M, une seconde S où l'événement débuta dans le temps, alors que dans les villes, par exemple, on vaquait à ceci ou à cela, on négociait ceci ou cela, on dormait ou l'on marchait. Et un certain nombre de secondes après, l'événement cessa.
Avant toute interprétation théologique (ou théologisante), c'est avant tout un événement historique et matériel, aperçu de manière externe par les yeux de chair des 3 apôtres, entendu de manière externe par leurs oreilles de chair.
Même chose pour la Résurrection, même chose pour la Multiplication des pains, même chose pour l'eau changée en vin à Cana, etc., et même chose pour la naissance charnelle l'enfant Jésus sorti du corps charnel de la Vierge sans léser sa perpétuelle virginité charnelle.
"Comment, me demanderont certains, a-t-il pu sortir charnellement de son sein sans léser sa virginité physique ?" Je leur répondrai comment, quand eux-mêmes m'expliqueront comment Il est entré et et commet il est sorti charnellement du Cénacle, toutes portes étant closes.
Pour ne pas être ridicule il eût été bon que vous n'en restiez pas à la première phrase et que vous lisiez le reste. Par exemple la deuxième phrase.
Il est bien évident que Joseph Ratzinger ne conteste pas une seconde la réalité visible de la Transfiguration.
Il est tout aussi évident que je ne prendrais pas la peine de publier ces notes liturgiques si je devais me contenter de dire tous les jours : c'est une réalité historique.
D'autant que ce qui compte pour la foi et pour la vie spirituelle, c'est la signification de l'événement.
Comme le montre par exemple la liturgie...
Très beau texte, extrêmement profond, lumineux. Merci pour le partage de ce texte.
J'ai dit ce que j'ai dit et n'en retire pas un mot.
Ce n'est pas la première fois où le professeur Ratzinger (jusqu'au bout des ongles,professeur universitaire) perce un peu trop sous la soutane blanche du Pape. Maints de ses discours pontificaux étaient mâtinés de cet indécrottable style universitaire très vite d'une cérébralité "asphyxiante", au lieu d'être __ comme cela devait l'être __ une parole avant tout apostolique, papale, tranchant, immédiatement et sans jargon intellectuel, entre le vrai et le faux, la lumière et l'ombre, le Bien et le mal. Ce n'est pas lui qui aurait été capable du verbe simple, direct et percutant d'un Pie XI ou d'un Pie IX.
A sa décharge, il n'a pas écrit ce livre comme Pape de l'Eglise catholique (heureusement) mais __ bien sûr __ en tant que professeur J. Ratzinger, posant d'emblée que ce qu'il allait dire pouvait être discuté ou contredit... Le professorat lui collait à la peau.
Ce Pape, malheureusement, n'a jamais été habité substantiellement, dans ses fibres intimes, irréversiblement et sans retour, par la mission pétrinienne, le Vicariat du Christ, comme l'ont été un Jean-Paul II, un Pie XII, un Pie VII, un Léon le Grand ou saint Pierre. Il n'a endossé la Papauté que comme un manteau externe à sa personne, donc non inhérent à sa chair, à sa psyché, de manière irréversible et surnaturelle, à la vie, à la mort. C'est la raison pour laquelle il lui a été aussi très naturellement possible de se "déshabiller" de la Papauté comme l'on quitte un manteau pour l'accrocher au clou.
Le droit canon prévoit la démission, mais la logique de l'Eglise implique un tel recours dans la situation inouïe d'un cas de force majeure et extrême, sur lequel il est vain de spéculer quand nous avons eu affaire exclusivement à un fonctionnaire qui a démissionné de la fonction pour raison d'âge et de retraite, offrant le plus calamiteux précédent à son légitime successeur qui s'est aussitôt engouffré dans la brèche, annonçant qu'il va imiter le lamentable exemple, pour encore mieux démoraliser le Troupeau.
Vous tombez à bras raccourcis et tirez sur François Ier à longueur de colonnes. Allez au bout de votre logique et terminez tous vos futurs billets sur lui par la phrase : "MERCI, BENOÎT XVI." Vous le lui devez.