Lorsqu’il y avait une octave de l’Ascension, ce vendredi était presque un jour surnuméraire de l’octave, dont il gardait la liturgie de l’Ascension (hors l’évangile, qui était celui de dimanche dernier), en attendant la vigile de la Pentecôte. Et parmi les lectures des matines il y avait la suite et fin du sermon de saint Augustin. Il s’agit d’un développement sur la dernière phrase d’hier : « Car s’il eût été Dieu seulement, le Christ n’aurait pu souffrir la mort ; et s’il n’eût été qu’homme, il n’aurait pu la vaincre. » Mortem enim nec solus Deus sentire, nec solus homo superare potuisset.
Mes bien chers frères, si ce n’est pas dans notre chair que le Sauveur a triomphé du démon, il a combattu, en manière d’exercice, mais il n’a pas vaincu pour nous. Si ce n’est pas dans notre corps qu’il est ressuscité, il n’a rien changé à notre condition en ressuscitant. Celui qui parle ainsi ne comprend pas la raison pour laquelle le Sauveur s’est revêtu de notre chair et l’a élevée au ciel, il confond l’ordre de la rédemption, et en détruit l’utilité. Si ce n’est pas dans notre chair que le Christ a poursuivi l’œuvre de notre guérison, il n’a donc rien pris de la nature humaine que la bassesse de la naissance. Chassons loin de notre esprit une croyance aussi dangereuse, ce qu’il a pris est du nôtre, ce qu’il a donné est du sien. J’atteste que ce qui a succombé est mien, afin que ce qui est ressuscité m’appartienne. Je confesse que ce qui a été enseveli dans le tombeau est à moi, afin que ce qui est monté au ciel soit à moi. C’est donc dans ce corps appartenant à notre nature que la mort du Christ nous a donné la vie, que sa résurrection nous a relevés, que son ascension nous a consacrés. C’est en ce corps, d’une origine identique à la nôtre, qu’il a placé dans le royaume céleste l’arrhe de notre condition future. Travaillons donc, très chers frères, afin que, de même que le Seigneur est en ce jour monté au ciel avec notre chair, ainsi, autant que nous le pouvons, nous montions par notre espérance après lui et que nous le suivions de cœur. Montons après lui par notre affection, par notre avancement dans la vertu, et même au moyen de nos vices et de nos passions. Certes, si chacun de nous s’efforce de les soumettre à sa volonté, s’accoutume à se tenir debout au-dessus d’eux, il s’en fera comme un degré pour monter plus haut. Ils nous élèveront, s’ils restent au-dessous de nous. De nos vices nous nous faisons une échelle, si nous les foulons eux-mêmes aux pieds. Car la malice ne monte pas au ciel avec l’auteur du bien, ni la passion déréglée et la vie sensuelle avec le Fils de la Vierge. Les vices, dis-je, ne montent pas après l’auteur des vertus ; les péchés après le juste ; les infirmités et les maladies ne peuvent aller après le médecin. Si donc nous voulons entrer dans le royaume du médecin lui-même, guérissons d’abord nos blessures. Établissons et conservons en nous l’ordre qui doit exister entre les deux substances de notre être, afin que la partie inférieure ne fasse pas rouler dans l’enfer l’âme qui est, sans aucun doute, la plus noble portion de l’homme ; mais que cette substance plus glorieuse attire plutôt au ciel avec elle le corps sanctifié, par le secours de celui-là même qui vit et règne dans les siècles des siècles. Amen.