L’européiste patenté de Libération Jean Quatremer publie un nouvel article contre le « monolinguisme anglophone » dans les institutions européennes. On y apprend notamment que notre ministre Michel Sapin écrit en anglais au commissaire européen Pierre Moscovici, que le secrétariat général français aux affaires européennes envoie aux députés français un document en anglais sur la position de la France concernant le plan de relance présenté par Jean-Claude Juncker, que depuis Jacques Chirac il n’y a plus de dirigeant français qui critique la nomination, aux plus hauts postes de Bruxelles, de personnalités qui ne parlent pas un mot de français, et qui sont de plus en plus nombreux, alors que le français est toujours officiellement l’une des trois langues de travail de l’UE. Et la section française de l’Association des journalistes européens (AJE) vient d’envoyer une lettre à Jean-Claude Juncker pour se plaindre de « l’abandon du français dans la communication de la Commission européenne comme du Service européen d’action extérieure et du Conseil européen ». La Commission, ajoute notamment Jean Quatremer, travaille désormais presque exclusivement en anglais, même dans les services où il n’y a aucun Anglais (ou Irlandais).
On pourra se demander pourquoi un européiste fanatique, farouche militant anti-national et anti-identitaire, se plaint de voir marginalisée une langue qui, manifestement, serait aujourd’hui un frein à la construction européenne si l’on respectait ses prérogatives.
Erreur, répond-il, car l’anglais que l’on parle et que l’on écrit est ce « globish » qui est très imprécis et qui commence à poser de sérieux problèmes aux juristes.
Mais surtout… la vraie raison apparaît à la fin du long article : c’est contre-productif pour la construction de l’Europe unie dont on rêve. L’AJE explique que le monolinguisme anglophone est « doublement pénalisant pour les idées européennes : celles-ci paraissent l’apanage d’une minorité technocratique et élitiste, le discours anti-européen (professé dans la langue nationale) paraît supérieur au discours pro-européen »…
En bref, pour lutter contre le Front national, il faut défendre la langue française. Amusant, non ?
Commentaires
Très amusant! Ou désolant?
Et on ne pourrait pas trouver un fanatique catho de gauche qui pour lutter contre les traditionnalistes proposerait de défendre le latin et la messe tridentine?
Ces gens-là à force de dérailler tous azimuts, tombent juste de temps en temps?
Consternant... mais pas étonnant, comme vous le soulignez fort justement, Ce n'est pas d'aujourd'hui que nos dirigeants ont jeté l" éponge. En réalité, preuve de plus de leur cécité, ils s'en fichent, nos "responsables" politiques. Tant qu'ils peuvent faire leurs interventions en français (et ce sera toujours le cas, même si un jour on envoie la facture au pays dont le représentant aura exigé de s'exprimer dans sa langue) dans les conseils à Bruxelles...Petite anecdote pour montrer que cette domination de l'anglais concerne la totalité des institutions "européennes " (à ne pas confondre avec le Conseil de l'Europe, où le français est l'une des deux langues officielles et le bilinguisme à peu près respecté) et pas que la Commission : outré de constater que, sur le site de l'eurogroupe, qui est le véritable "gouvernement" de l'eurozone, il n'y avait qu'une seule langue, j' avais écrit au Président Hollande ainsi qu'au Président de l'eurogroupe pour signaler la chose. Réponse insignifiante de Hollande, bien dans son genre (transmission au ministre compétent, lequel ministre a fait une réponse générique ne se référant même pas au cas précis mentionné, du genre accusé de réception). Réponse émouvante du secrétariat de l'eurogroupe : "nous n'avons pas les moyens budgétaires" de traduire les textes dans les langues des pays membres...Les bras en tombent. En fait, depuis Pompidou, qui était un vrai défenseur du français (sans aller jusqu'à prendre les précautions nécessaires avant d'introduire le "loup dans la bergerie", le Royaume-Uni dans la CEE), aucun de nos Présidents n'a considéré et ne considère la défense du français comme une vraie priorité. Et je ne vois comment ça va changer La position extrémiste de M.Schaüble (mentionnée dans l'article de JFQ) est celle qui prévaut dans les faits. Pas besoin de l'officialiser.
dois-je rappeler que la première déclaration faite par Valéry Giscard d'Estaing après l'annonce de son élection à la présidence de la République l'a été en anglais ? il y a donc longtemps que le ver est dans le fruit; quant au problème des moyens budgétaires, il est certainement exact : imaginez ce que peut coûter par exemple la traduction simultanée dans les multiples réunions que nécessite la gestion de l'Union Européenne dans son état actuel, avec le nombre de langues utilisées