Contemplez la perle, et vous verrez qu'elle renferme deux natures. Elle produit beaucoup d'effet à cause de son essence éthérée ; elle est brillante à cause de son organisation matérielle. Vous voyez sa pureté dans son éclat, et dans l'effet qu'elle produit vous découvrez la puissance qui réside en elle. Elle est dure par sa nature terrestre, elle est légère par sa nature céleste ; elle tient de l'eau par son côté grossier, de la lumière par son côté divin. Tout le monde peut observer que la perle, comme un miroir pur, reflète l'image de chacun. C'est l'art qui façonne les miroirs ; aussi y a-t-il quelque chose de trompeur dans l'image qu'ils donnent de l'objet qu'on leur présente ; mais la perle renferme naturellement cette propriété ; c'est une faculté innée en elle. Il y a beaucoup d'autres choses qui sont le résultat identique et nu du mélange de deux éléments divers, mais ce n'est point comme la perle qu'elles naissent et ce n'est pas de lumière et d'eau qu'elles sont formées.
N'allez cependant pas prendre pour exemple toutes sortes de perles ; car toutes ne sont pas bonnes et ne renferment pas les propriétés dont nous avons parlé : plusieurs, au contraire, participent beaucoup à la nature terrestre. Parmi les huîtres, les unes restent au fond des mers, les autres choisissent les lieux humides, limoneux et pleins de vase, se nourrissent de matières infectes, et produisent rarement des perles de bonne qualité. Une autre cause encore concourt à l'existence de la perle ; car si elle ne reste pas dans la coquille le temps voulu pour sa formation, on l'y trouve à l'état de pierre et comme non à terme. Aussi plusieurs de celles qui sont au fond des eaux, ne valent rien et ne doivent qu'à l'art le peu de valeur qu'elles obtiennent. Du reste, ces qualités, on les trouve rarement hors des coquilles ; il faut aller les y chercher, les en arracher ; celles-là sont appelées bonnes et parfaites, qui, pendant leur espèce d'accroissement, pendant que leur substance s'identifie à la nature, ne sont point ravies à leur enveloppe, mais en sortent d'elles-mêmes ; et voilà précisément ce qui leur donne un si grand prix. Que si vous voulez savoir comment certains animaux viennent au milieu des eaux et de l'eau elle-même, ouvrez le livre de la loi, et vous entendrez Dieu vous dire qu'Il a ordonné aux ondes de produire entre autres choses les moules et les huîtres. Car ce sont deux espèces qui se traînent aussi au fond de la mer, et comme la perle est la dernière dans l'échelle des êtres, de même le Christ est né d'une nature souillée et corrompue que seule la présence d'un Dieu pouvait purifier.
(Extrait du Discours sur l'enfantement de la Vierge)