Aujourd’hui on lit la Passion du Seigneur selon saint Luc (XXII, 1-71 et XXIII, 1-53) qui reflète mieux que tout autre la prédication évangélique de saint Paul, avec lequel il s’accorde même dans les termes de la formule de l’institution eucharistique.
La citation d’Isaïe faite par Jésus lors de la dernière Cène : Et cum iniquis deputatus est, se rapporte au passage lu précédemment [première lecture : Isaïe 53, 1-12], qui reçoit de la sorte une signification authentiquement messianique. On s’explique que les apôtres aient apporté des épées en montant au Cénacle, si l’on tient compte de la coutume des Galiléens, qui avaient en horreur les habitants de la Judée, à ce point qu’ils montaient armés à Jérusalem, pour y célébrer la solennité pascale. Et que les apôtres eux-mêmes ne portassent pas l’épée en vertu d’une simple formalité, on le vit par la suite dans le jardin de Gethsémani, où un ordre de Jésus dût intervenir pour faire remettre l’arme au fourreau. L’Église n’entend pas vaincre en tuant, mais en se laissant tuer.
Sur la route du Golgotha, Jésus réconforte les pieuses femmes qui pleurent sur son supplice, et il les avertit que leur dévotion à sa passion ne doit pas s’arrêter à une sentimentalité stérile, mais servir à corriger leur vie. Celui qui s’afflige, en effet, de la mort du Seigneur, doit arracher et déraciner le péché de son propre cœur, car c’est le péché qui a été le bourreau de Jésus. Si in viridi ligna haec faciunt, in arido quid fiet ? C’est-à-dire, si la divine justice est si rigoureuse pour punir le péché sur son propre Fils innocent, que ne fera-t-elle pas sur le pécheur obstiné, quand, au moment du dernier jugement, le temps sera passé de la miséricorde, et commencera celui de la sainte et terrible justice ?
Après la mort de Jésus, Joseph d’Arimathie et Nicodème paraissent, et, en un moment, quand les apôtres eux-mêmes se cachent, ces deux hommes qui jusqu’alors avaient été timides et n’avaient pas osé trop se compromettre dans la cause de Jésus, sortent à l’improviste de leur réserve, affrontent sans crainte l’opinion publique et sont les premiers à rendre au Crucifié l’hommage de leur dévouement.
Il ne faut jamais juger trop défavorablement notre prochain. La grâce gouverne les cœurs, et, en un instant, peut les transformer conformément à ses desseins.