Cette préface du missel mozarabe est un commentaire en prière de l’évangile de ce jour (la guérison de l’aveugle né, Jean 9, 1-38). On en trouvera le texte latin dans l’Année liturgique de Dom Guéranger, en même temps que cette traduction.
Il est juste et équitable que nous vous rendions grâces, Seigneur saint, Père éternel, Dieu tout-puissant, par Jésus-Christ votre Fils, notre Seigneur.
Lui qui, répandant l’illumination de la foi, a chassé les ténèbres de ce monde, et a fait enfants de la grâce ceux qui étaient captifs sous la juste condamnation de la loi.
Il est venu en ce monde pour exercer un jugement selon lequel ceux qui ne voyaient pas seraient appelés à voir, et ceux qui voyaient deviendraient aveugles : en sorte que ceux qui confesseraient les ténèbres de leurs erreurs recevraient la lumière éternelle qui les délivrerait des ombres du péché.
Quant à ceux qui, fiers de leurs mérites, pensaient avoir en eux-mêmes la lumière de justice, ils devaient, par une juste raison, s’abîmer dans leurs propres ténèbres. Enflés d’orgueil et pleins de confiance en leur propre justice, ils ne songèrent pas à chercher le médecin qui pouvait les guérir. Ils étaient libres d’entrer par Jésus qui disait : Je suis la porte pour aller au Père ; mais parce que dans leur malice ils s’enorgueillissaient de leurs mérites, ils demeurèrent dans leur aveuglement.
Nous venons donc dans l’humilité, ô Père très saint ! Ce n’est point en présumant de nos mérites que nous découvrons nos plaies devant votre autel ; nous confessons les ténèbres de nos erreurs, nous dévoilons le secret de nos consciences. Faites-nous trouver le remède à nos blessures, la lumière éternelle pour éclairer nos ténèbres, l’innocence pour purifier nos âmes. Nous désirons avec ardeur contempler votre face ; mais nos ténèbres ordinaires nous tiennent aveuglés. Nous voudrions voir le ciel, et nous ne le pouvons, ayant les yeux obscurcis par nos péchés ; nous n’avons point imité dans leur vie sainte ceux qui, à cause de leurs vertus, ont été appelés les Cieux.
Venez donc à nous, ô Jésus ! à nous qui prions dans votre temple, et guérissez-nous tous en ce jour, vous qui n’avez pas voulu astreindre au Sabbat ceux qui opèrent vos merveilles. Nous découvrons nos blessures devant la majesté de votre saint Nom ; appliquez le remède à nos infirmités. Secourez vos suppliants, vous qui de rien nous avez créés, faites un collyre, et touchez les yeux de notre cœur et de notre corps, de peur que notre aveuglement ne nous fasse retomber dans les ténèbres de l’erreur. Nous arrosons vos pieds de nos larmes ; ne repoussez point nos abaissements.
O bon Jésus ! que nous ne quittions point vos pieds sacrés, vous qui êtes venu sur la terre dans l’humilité. Écoutez la prière de nous tous, et, dissipant l’aveuglement de nos crimes, faites-nous voir la gloire de votre face dans l’heureux séjour de l’éternelle paix.
Commentaires
Avez vous une idée de pourquoi 'dignum' est rendu par 'équitable'?
Bonne remarque. Je n'y avais pas fait attention. Il s'agit sans doute d'une contamination des Préfaces romaines: "Vere dignum et justum est, æquum et salutare"...
Merci. C'était vraiment une question parce que je ne suis pas sûr de comprendre l'intention de cette transformation. Il me semble pourtant qu'on est là au cœur d'un bouleversement de la doctrine de l'Eucharistie qui a profité de Vatican II pour s'imposer. Dans cette nouvelle théologie, l'eucharistie ne vient plus des hommes pour monter vers Dieu et nous revenir sanctifiée, c'est en ce sens qu'elle est 'digne' d'être présentée au Père, mais elle descend (tombe?) du Ciel vers les hommes et donc ne peut pas être 'digne' mais seulement juste et 'bonne' c'est-à-dire ce que seul Dieu est.
Il était donc intéressant de voir si cette nouvelle traduction était déjà ancienne ou apparue récemment.
Partagez vous cette analyse ?
Cette traduction est celle de Dom Guéranger, qui ne peut pas être soupçonné de la moindre dérive moderniste...