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Notules sur un concile (32) "Dignitatis humanæ" (2)

« La dignité de la personne humaine est, en notre temps, l’objet d’une conscience toujours plus vive. » Cela va de pair avec la revendication de la liberté sous la motion de la conscience, ce qui suppose que l’autorité des pouvoirs publics soit limitée. Cette revendication concerne d’abord les biens spirituels, donc l’exercice de la religion dans la société.

Ainsi commence la déclaration. Aussitôt après, le concile rappelle que Dieu a fait connaître à l’homme la voie du salut : il s’agit de cette « unique vraie religion » qui demeure (« subsistere ») dans l’Eglise catholique. Et tous les hommes « sont tenus de chercher la vérité », et « de l’embrasser et de lui être fidèle » quand ils l’ont connue.

Mais ce processus ne peut avoir lieu que dans la liberté. Et cette liberté « concerne l’exemption de contrainte dans la société civile » : telle est la « liberté religieuse », qui n’est pas religieuse mais est une liberté civile concernant l’exercice de la religion, et qui par conséquent « ne porte aucun préjudice à la doctrine catholique traditionnelle au sujet du devoir moral de l’homme et des sociétés à l’égard de la vraie religion et de l’unique Église du Christ ».

Donc le droit à la liberté religieuse « doit être reconnu de telle manière qu’il constitue un droit civil ».

Une application de ce droit est que la famille a le droit d’organiser librement sa vie religieuse. Que c’est aux parents que « revient le droit de décider, selon leur propre conviction religieuse, de la formation religieuse à donner à leurs enfants ». « C’est pourquoi le pouvoir civil doit leur reconnaître le droit de choisir en toute liberté les écoles ou autres moyens d’éducation, et cette liberté de choix ne doit pas fournir prétexte à leur imposer, directement ou indirectement, d’injustes charges. En outre, les droits des parents se trouvent violés lorsque les enfants sont contraints de suivre des cours ne répondant pas à la conviction religieuse des parents ou lorsque est imposée une forme unique d’éducation d’où toute formation religieuse est exclue. »

Le pouvoir civil doit veiller au respect de la liberté religieuse, c’est-à-dire tout simplement à ce que l’égalité juridique des citoyens, qui relève du bien commun, ne soit jamais lésée. « Il s’ensuit qu’il n’est pas permis au pouvoir public, par force, intimidation ou autres moyens, d’imposer aux citoyens la profession ou le rejet de quelque religion que ce soit, ou d’empêcher quelqu’un de s’agréger à une communauté religieuse ou de la quitter. A fortiori, est-ce agir contre la volonté de Dieu et les droits sacrés de la personne et de la famille des peuples que d’employer la force, sous quelque forme que ce soit, pour détruire la religion ou lui faire obstacle, soit dans tout le genre humain, soit en quelque région, soit dans un groupe donné. »

Avec cette déclaration, l’Eglise a pris acte du fait qu’il n’y avait plus de chrétienté, et qu’il était donc devenu absurde de faire de la reconnaissance de la royauté du Christ une obligation civile. L’Eglise se trouve à partir du XXe siècle dans une situation comparable où elle se trouvait au cours des premiers siècles. Sous l’empire romain, entre deux persécutions, elle demandait la liberté de conscience et de culte. Pour elle-même, certes, mais elle ne pouvait pas demander une quelconque exclusivité. Or, comme le dit la déclaration, « un régime de liberté religieuse contribue, de façon notable, à favoriser un état de choses dans lequel l’homme peut être sans entrave invité à la foi chrétienne, peut l’embrasser de son plein gré et la confesser avec ferveur pendant toute sa vie ».

Il va de soi que la doctrine de la liberté religieuse permet à l’Eglise de peser sur les gouvernants et les élites de pays où les chrétiens sont persécutés ou marginalisés, d’autant que le droit à la liberté religieuse est aujourd’hui proclamé dans nombre de chartes de droits de l’homme. L’expérience montre, notamment dans les pays du Proche Orient, ou au Pakistan, que des personnalités influentes, souvent musulmanes de façon seulement sociologique, peuvent devenir favorables à la liberté religieuse et prêter main forte aux chrétiens pour la revendiquer. Ce qui ne pourrait évidemment pas avoir lieu si les chrétiens revendiquaient la reconnaissance du Christ Roi.

J’ai personnellement constaté que dans la défense des chrétiens persécutés, des personnalités qu’on peut classer comme « traditionalistes » se mettaient à revendiquer, tout naturellement, la liberté religieuse, sans même voir qu’ainsi elles avalisaient la déclaration Dignitatis humanæ que par ailleurs elles condamnent… De même que la défense des chrétiens persécutés conduit tout naturellement à un œcuménisme de fait même chez des gens qui condamnent l’œcuménisme de Vatican II…

La déclaration avait un aspect prophétique, car la poursuite de la déchristianisation et la montée du laïcisme font qu’il devient urgent de revendiquer le respect de la liberté religieuse, et de la liberté de conscience, dans les pays européens. Or ce n’est pas un hasard si ce sont des catholiques qui montent d’abord au créneau. Les activités d’organismes comme l’Observatoire sur l'intolérance et la discrimination contre les chrétiens en Europe (1) ou le Centre européen pour la loi et la Justice (2) montreraient, si besoin était, qu’il ne s’agit pas de fantasmes. Au moment même où j’écris, les lobbies homosexualistes et les partis d’extrême gauche se déchaînent contre François Hollande parce qu’il a osé parler de la « liberté de conscience » des maires. Les Verts affirment que « cette déclaration est ressentie comme une humiliation pour des millions de citoyens de notre pays » et le parti de gauche affirme que si l’on respectait la liberté de conscience « tout l'édifice républicain s'écroulerait ». Voilà où nous en sommes. Et il ne s’agit que de la dictature homosexualiste. Dans le même temps on apprenait que la Commission européenne exigeait que la Slovaquie retire les auréoles et les croix des effigies des saints Cyrille et Méthode sur un projet de pièce commémorative de 2 euros.

In fine, la déclaration Dignitatis humanæ élabore une intéressante synthèse de l’obligation qu’a l’Eglise de répandre la vérité, et de la liberté religieuse. Elle rappelle qu’elle doit obéir au précepte divin d’enseigner toutes les nations. Les fidèles doivent donc prier pour que cela se fasse. Ils doivent aussi se former la conscience en étudiant la doctrine de l’Eglise. Car « l’Eglise catholique est maîtresse de vérité ; sa fonction est d’exprimer et d’enseigner authentiquement la vérité qui est le Christ, en même temps que de déclarer et de confirmer, en vertu de son autorité, les principes de l’ordre moral découlant de la nature même de l’homme ». Le chrétien doit donc toujours annoncer davantage la vérité. « Mais la charité du Christ le presse aussi d’agir avec amour, prudence, patience, envers ceux qui se trouvent dans l’erreur ou dans l’ignorance de la foi. Il faut donc prendre en considération tant les devoirs envers le Christ, Verbe vivifiant, qui doit être annoncé, que les droits de la personne humaine et la mesure de grâce que Dieu, par le Christ, a accordée à l’homme, invité à accueillir et à professer la foi de son plein gré. »

Mais peut-être aurait-il mieux valu, pour éviter toute ambiguïté d’interprétation, s’abstenir de toute considération proprement religieuse dans une déclaration qui ne l’était pas.

(1) La fondation de l’Observatoire avait été annoncée en 2010 par le président du Conseil des conférences épiscopales d'Europe (CCEE), le cardinal Péter Erdö. L’Observatoire est codirigé par la juriste autrichienne Gudrun Kugler et un évêque hongrois, Mgr Andras Veres.

(2) Le CELJ est dirigé, avec pugnacité et une grande compétence juridique par Grégor Puppinck. Il a déjà contribué à plusieurs victoires de la liberté religieuse, c’est-à-dire de la liberté de l’Eglise catholique, devant la Cour européenne des droits de l’homme. C’est notamment grâce à lui qu’a été jugé contraire à la liberté religieuse de

Commentaires

  • « Avec cette déclaration, l’Eglise a pris acte du fait qu’il n’y avait plus de chrétienté, et qu’il était donc devenu absurde de faire de la reconnaissance de la royauté du Christ une obligation civile. »

    Vous n'avez pas compris deux choses :

    1) L'« ordre public juste » que vous ignorez. Dommage car vous semblez penser que la liberté religieuse est arbitraire.

    2) La chrétienté repose non sur une obligation juridique, mais sur une faculté juridique et une obligation spirituelle et morale. Cette faculté juridique permet d'étendre la notion d'ordre public juste à un ensemble culturel particulier. Le droit positif dépend aussi d'une certaine liberté législative.

    Ce que vous dites est particulièrement dommage car vous encouragez les laïcistes. Vous donnez à croire que des lois tyranniques sont justes au regard de la liberté religieuse.

    Cette déclaration est très juste, voire, selon moi, géniale, encore faut-il la lire attentivement et mot à mot et avoir réfléchi à la notion d'ordre public juste, de culture juridique nationale, de liberté, d'obligation de faculté…

    Vous faites justice des accusations au sujet de "subsistit in", c'est déjà cela.

  • Vous me faites penser à cet évêque qui récemment écrivait que Pie IX avait écrit le Syllabus sur le coup de la colère parce qu'on venait de lui enlever ses Etats.

    Furax, il se serait mis à sa table de travail en se disant, à la manière du maître de philosophie de Molière "Je vais composer contre eux une satire en style de Juvénal qui les déchirera de la belle façon." Dire qu'un évêque peut se représenter le Pape comme cela !

    Cela a l'avantage d'être comique mais fort peu respectueux du Pape et en tous cas très éloigné de la réalité. C'est d'autant plus comique à entendre quand c'est un évêque qui le dit. J'en ris, mais je devrais en pleurer très amèrement si j'étais parfaitement conscient des enjeux.

    En fait bien sûr, Pie IX a affirmé la liberté des peuples chrétiens contre la tyrannie laïciste. La chrétienté non seulement n'est pas condamnée par Dignitatis humanæ, mais encore elle reste une ardente obligation morale et spirituelle et une possibilité juridique qui doit être inscrite dans l'ordre public juste, donc respectueux des droits universels de l'homme. Paul VI et les Pères de Vatican II sont donc dans la parfaite lignée de Pie IX, il a simplement explicité le fondement naturel et inébranlablement juridique de la chrétienté.

  • « Cette faculté juridique permet d'étendre la notion d'ordre public juste à un ensemble culturel particulier. Le droit positif dépend aussi d'une certaine liberté législative. »

    Plus exactement, la liberté religieuse et la liberté politique permettent à un Etat de se référer explicitement à ses traditions juridiques et culturelles et en conséquence, dans la limite de la justice naturelle, de décider de ce qui est d'ordre public dans sa législation sur le fondement de sa culture propre et du consensus des citoyens pour confesser la foi catholique. L'Etat peut donc décider qu'en matière matrimoniale par exemple, parce que c'est une matière sacrée, ce sont les lois de l'Eglise qui seront applicables sur son territoire. C'est la liberté des nations que les laïcistes (et aujourd'hui beaucoup d'évêques sont inconsciemment laïcistes parce qu'ils lisent La Croix) veulent leur enlever.

    Dans le respect des droits de l'homme et de l'ordre public juste : Mort à la tyrannie du laïcisme ! tout le pouvoir au peuple, liberté pour le peuple !

    (Je critique la pensée de certains évêques pourtant, je les aime bien et j'en connais qui sont vraiment des saints.)

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