« Le saint concile, voulant rendre plus intense l’activité apostolique du peuple de Dieu… » : le titre du décret « sur l’apostolat des laïcs » évoque l’activité apostolique de l’ensemble du peuple de Dieu. Car celle des laïcs ne peut se comprendre que dans la communion hiérarchique de l’Eglise.
Ce décret vise à insister sur ce qui est une des caractéristiques de Vatican II : l’Eglise peuple de Dieu où les laïcs doivent avoir toute leur place, et l’insistance sur le rôle multiforme des laïcs dans l’Eglise, et dans la société.
Mais il se trouve que ce thème a déjà été largement traité dans Lumen gentium, encore plus largement dans Gaudium et spes, et qu’il l’est aussi sur un point spécifique dans la constitution sur la liturgie, et d’autre part dans divers autres décrets. Apostolicam actuositatem donne donc largement l’impression de répéter ce qui est déjà dit par ailleurs, et d’être donc beaucoup, beaucoup trop long. (1)
On peut saluer ce qui est dit de la famille, de la responsabilité des laïcs dans l’œuvre missionnaire de l’Eglise, mais on constatera ici encore que si l’on exhorte aussi les laïcs à agir « dans les régions où la liberté de l’Eglise est gravement compromise » et à faire preuve d’un « courage héroïque au milieu des persécutions », on cherche en vain où et sous quel régime cela peut se trouver…
On ne peut lire sans une certaine tristesse le couplet sur les diverses formes d’Action catholique qui « exercent aujourd’hui un apostolat précieux ». Suit la description de quatre caractéristiques (2) de l’Action catholique qui rendent cet apostolat particulièrement précieux pour l’Eglise. Or nous sommes en 1965. La dérive des mouvements d’action catholique est déjà patente. Elle va s’accélérer après le concile, éloignant toujours davantage l’Action catholique des caractéristiques qui étaient censées rendre son apostolat fructueux, en raison de l’interprétation subversive de Gaudium et spes (de l’avant-propos de Gaudium et spes) qui conduit à canoniser la théologie de la libération, et de l’irruption de Mai-68. Les mouvements d’Action catholique vont ainsi tous devenir subversifs d’une façon ou d’une autre. En 1970, la JEC (jeunesse étudiante chrétienne) s’engage officiellement dans « la voie révolutionnaire », tandis que la JOC (Jeunesse ouvrière chrétienne), ancrée dans le socialo-communisme, rejette le gauchisme ; en 1971 le bureau de l’ACO (Action catholique ouvrière) vote une motion en faveur de l’« élaboration d’une société socialiste » associant le mouvement au « combat de la classe ouvrière internationale » (il y a alors 12 membres du parti communiste au bureau de l’ACO) ; en 1972 l’ACU (Action catholique universitaire) adopte une « charte révolutionnaire » ; en 1972 également le MRJC (Mouvement rural de jeunesse chrétienne) se divise en deux branches : l’une favorable au militantisme syndical soutenant l’union de la gauche, l’autre s’engageant dans l’action gauchiste. On n’oubliera pas que tout cela est soutenu par nombre d’évêques. En 1974, il y a 10 évêques au congrès de l’ACO qui prend officiellement position pour la candidature de François Mitterrand. Mais c’est Georges Marchais qui participe à la rencontre « JOC 74 » en compagnie des 14 évêques de la commission épiscopale du monde ouvrier ; laquelle commission avait publié en 1972, sous la signature de son président Mgr Marius Maziers, archevêque de Bordeaux, un manifeste de 17 pages à la gloire du socialisme (y compris communiste).
Voilà ce que devenait chez nous « l’activité apostolique » des laïcs… et l’on se référait bien entendu au concile… Cependant que les laïcs vraiment catholiques se voyaient méchamment exclus de tout apostolat selon les objectifs réels du concile…
(1) Jusqu’à Vatican II, les décrets des conciles avaient toujours été brefs (comme les décrets civils) : puisqu’il s’agit de définir la bonne application de principes qui ont été amplement définis dans une constitution, il est inutile de recommencer l’explication. « La révision du droit canon concernant l’apostolat des laïcs devra prendre pour règle tout ce qui est contenu dans ce décret », lit-on à la fin du préambule. Et il vaut mieux se reporter au code, qui dans ses canons 224 à 231 dit tout en quelques mots.
(2) a) Le but immédiat des organisations de ce genre est le but apostolique de l’Église dans l’ordre de l’évangélisation, de la sanctification des hommes et de la formation chrétienne de leur conscience, afin qu’ils soient en mesure de pénétrer de l’esprit de l’Évangile les diverses communautés et les divers milieux.
b) Les laïcs collaborant, selon un mode qui leur est propre, avec la hiérarchie, apportent leur expérience et assument leur responsabilité dans la direction de ces organisations, dans la recherche des conditions de mise en œuvre de la pastorale de l’Église, dans l’élaboration et la poursuite de leur programme d’action.
c) Ces laïcs agissent unis à la manière d’un corps organisé, ce qui exprime de façon plus parlante la communauté ecclésiale et rend l’apostolat plus fécond.
d) Ces laïcs, qu’ils soient venus à l’apostolat de leur propre mouvement ou en réponse à une invitation pour l’action et la coopération directe avec l’apostolat hiérarchique, agissent sous la haute direction de la hiérarchie elle-même, qui peut même authentifier cette collaboration par un mandat explicite.
Commentaires
Merci pour toutes ces réflexions qui nous permettent de faire l'inventaire des reniements et des avachissements successifs de la pratique catholique au prétexte du concile, et de montrer qu'ils étaient souvent contraires aux vrais textes de ce concile.
De toute façon le principe d'adopter des canons à la majorité me parait une absolue stupidité mais peut être était ce déjà une pratique habituelle voire antique ... Est-ce le cas ?
Sur un tout autre sujet permettez moi de vous demander si vous avez identifié quelque part la source de cette pratique abominable qui consiste à tutoyer notre Seigneur Dieu dans les traductions en français des prières et des écritures saintes! Est-ce caché quelque part dans les archives de Vatican II ?
Sur le premier point:
Si l'on avait attendu que les conciles fussent unanimes, il n'y aurait jamais eu de définitions dogmatiques...
Car c'est seulement depuis 1870 que le pape dit qu'il peut le faire tout seul... Ce qu'il n'a jamais fait.
Sur le deuxième point:
Je ne trouve pas abominable de tutoyer le Seigneur. Peut-être en partie parce que l'essentiel de ma prière est en latin, et que le latin ne connaît pas le vouvoiement. Vous pouvez constater que dans les traductions que je donne le tutoiement est fréquent. Cela dit quand je prie en français c'est plutôt avec le vouvoiement. En réalité, Dieu est à la fois le très transcendant à la majesté infinie, que l'on vouvoie, et l'ami le plus intime des intimes, que l'on tutoie... Nous sommes fils de Dieu et frères du Christ, en toute vraie réalité... Mais cela dépend aussi des traditions familiales et culturelles: il y a des régions où tout le monde se tutoie, et des familles où les époux se vouvoient...