Dieu est comme un grand, un très grand oiseau. Un jour il m’a vu englué dans la boue, il est descendu, m’a pris du bout de son bec, m’a secoué, et m’a emmené. Et je volais ainsi dans l’air pur, au-dessus des miasmes du monde, dans une lumière de joie et de douce chaleur… J’avançais dans le ciel, sans contrainte, sans entrave… J’étais tellement heureux, et tellement fier… et tellement idiot que je croyais faire cela de moi-même. Voler de mes propres ailes. J’avais oublié que j’étais seulement au bout du bec du grand oiseau… Alors, pour me rappeler à la réalité, le grand oiseau m’a lâché, et je suis retombé dans la boue. Comme je tombai de haut, j’étais encore plus englué qu’avant. Mais le grand oiseau est revenu. Il m’a repris du bout de son bec. Il m’a secoué un peu plus fort que la première fois, et il m’a emmené de nouveau. Et de nouveau c’était le bonheur de la pleine lumière, la joie de l’air pur, la fierté de planer en toute liberté et d’être au-dessus… au-dessus… et le grand oiseau m’a lâché de nouveau, et je suis retombé dans la boue. Puis il est revenu. Et tout cela a recommencé, encore, et encore.
Et puis j’ai pris conscience de ce qui était pourtant évident dès le début : cet oiseau est un oiseau de proie. Alors, un jour que j’étais au bout de son bec, je lui ai demandé de me manger. Et il m’a gobé, d’un seul coup.
Et, depuis, je vois par ses yeux, je vole par ses ailes. Puisque je suis en lui. Puisque je suis lui par digestion, par assimilation, par incorporation. Et nous sommes des myriades, et nous sommes un en lui, un peu comme lui est un en trois personnes.