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Epiphanie

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Mosaïque du jésuite slovène Marko Rupnik (dans la chapelle de l’université du Sacré-Cœur, Fairfax, Connecticut).

Chaque année, il se trouve des prêtres pour nous avertir doctement que les « rois mages », qui ne sont bien entendu qu’un mythe, n’étaient pas des rois, mais seulement des « mages », c’est-à-dire en l’occurrence des astronomes (puisqu’ils ont vu une étoile) : l’évangile de saint Matthieu parle bien de mages, et non de rois mages, et en outre il n’en donne pas le nombre.

Il faut avoir singulièrement perdu le sens de la liturgie, de la tradition et de l’Ecriture sainte pour débiter de telles âneries.

Toute la liturgie de l’Epiphanie est tissée de citations du psaume 71, l’un des grands psaumes messianiques, et du chapitre 60 d’Isaïe, qui lui est très proche. Ainsi ces textes prophétiques nous disent-ils que des rois, les rois d’Ethiopie, de Tharsis et des îles, d’Arabie et de Saba, les puissances des nations, viendront pour adorer le Messie, et lui apporteront des présents, de l’or et de l’encens, « dans une inondation de chameaux », comme dit la Vulgate de façon savoureuse. Car celui qui doit venir pour libérer les pauvres, celui qui est la gloire même du Seigneur, et dont le règne sera éternel, est né comme une rosée sur la terre, pour y faire germer la justice.

Oui, les prophètes parlaient de rois, parce qu’ils annonçaient la venue d’un roi, le fils de David, qui règnerait pour toujours. Les mages eux-mêmes demandent à Hérode où est le roi qui vient de naître. Jésus s’inscrira ouvertement dans les prophéties. Si bien que ses apôtres lui demanderont encore au dernier moment, juste avant l’Ascension : « Est-ce maintenant que tu vas rétablir la royauté en Israël ? » Oui, il est le roi qui devait venir : il le proclamera devant Pilate, mais en précisant que sa royauté n’est pas de ce monde. Il proclame sa royauté entre les deux phases de l’acte sacerdotal suprême, celui du Sacrifice : entre la Cène et la Croix. Car ce roi est le souverain prêtre.

La fête de l’Epiphanie est du reste la vraie fête du Christ Roi. Du Roi Prêtre. Du… Roi Mage. La liturgie insiste sur ce point. On peut remarquer, par exemple, que l’antienne d’introït n’est pas, comme on s’y attendrait, un verset du psaume 71, mais un texte qui concentre encore davantage l’idée royale : « Voici que vient le Seigneur dominateur, et le règne est dans sa main, et le puissance, et l’empire. » Avec le jeu de mots sur « dominator Dominus », le mot regnum qui dit aussi bien le royaume que le règne, le mot potestas qui désigne à la fois le pouvoir et la puissance, le mot imperium qui indique le pouvoir impérial, l’autorité suprême et universelle. (Ce texte ne figure pas tel quel dans la Sainte Ecriture. C’est une composition ecclésiastique, inspirée par une formule de la fin du premier livre des Chroniques.)

Dans l’Orient antique, le roi est souvent aussi le chef suprême de la religion. Cela se verra même à Rome, quand l’empereur se fera décerner le titre de Pontifex maximus, et bien entendu dans les empires musulmans, mais aussi dans les royaumes protestants, encore de nos jours en Angleterre.

L’évangéliste parle de mages (1) pour insister sur le côté religieux, et non politique, de la venue du Seigneur. Mais ces mages sont bel et bien aussi des rois, car ils offrent au Nouveau Né de l’or, de l’encens et de la myrrhe. L’or est ce que les rois offrent aux rois, l’encens est ce que les prêtres offrent aux prêtres, la myrrhe est ce que les humains offrent aux humains pour leur sépulture. Le Dieu qui naît à Bethléem est à la fois roi et prêtre éternel, et homme mortel.

Un roi et prêtre était venu rendre hommage à Abraham : « Melchisédech, roi de Salem, offrant le pain et le vin car il était prêtre du Dieu Très-Haut ».

L’épître aux Hébreux souligne que ce Melchisédech est, chose insolite parmi les personnages bibliques, sans généalogie, sans père, sans mère, sans commencement ni fin indiquée de sa vie. De ce fait il est une préfiguration du Christ, dont le psaume dit bien qu’il est « prêtre à jamais selon l’ordre de Melchisédech ».

D’une certaine façon, les mages sont Melchisédech en trois personnes. Ils « viennent d’Orient », de l’Orient divin, ils viennent de la part de la Sainte Trinité pour authentifier la naissance sur terre du véritable Melchisédech, roi de la paix et de la justice, l’un de la Sainte Trinité, devenu homme sans cesser d’être Dieu. Et ils se prosternent devant le Roi des cieux venu sur terre sauver les hommes.

(1) Le mot mage est un mot persan, passé tel quel en grec, puis en latin, puis en français (etc.). Dans son sens premier et technique, il désigne un prêtre spécialisé dans l’interprétation des songes.

PS - Pour prendre en compte la juste objection faite par Philibert dans les commentaires, il convient de préciser qu'en ce qui concerne Melchisédech et les Mages il s'agit en quelque sorte d'une analogie inversée, venant du fait que dans l'histoire d'Abraham Melchisédech est la figure du Christ, alors que dans l'évangile c'est le Christ qui est face aux Mages. (Il y a aussi une analogie entre les 3 Mages et les 3 "hommes" qui viennent rencontrer Abraham, qui lui annoncent la naissance miraculeuse de sont fils, et auxquels il parle au singulier: dans les deux cas il s'agit d'une image de la Sainte Trinité.)

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Commentaires

  • Dans l'étrange commentaire de "lapinos", je ne retiendrai qu'une chose : à la différence de ce que vous avez écrit, ce n'est pas, en effet, Melchisédech qui verse un tribut à Abraham, c'est bien Abraham qui, reconnaissant sa dépendance, verse un tribut à Melchisédech, le Roi-de-paix, roi de Salem, personnage mystérieux dont les Pères disent qu'il était la figure du Christ, Ange sacerdotal, prince de la Paix.
    Par ailleurs, j'admire aussi toujours ce genre de phrase : "Pour être un récit de type mythologique, le récit de la chute d'Adam et Eve n'en est pas moins vrai"; elle est caractéristique des théologiens qui ne croient plus aux miracles et croient bien plus à l'évolution qu'à la Parole de Dieu dans la Genèse -ou ailleurs-! surtout si c'est extra-ordinaire (car, il faut être honnête avec soi-même : dire que c'est un récit mythologique, c' est dire que ce récit n'est pas historique, n'est pas vérité historique, qu'il est seulement "vrai" de la vérité d'une parabole, d'un récit pieux transmettant une pieuse morale); autant dire, rien à voir avec ce que l’Église a toujours enseigné.
    Sur le site du diocèse de Poitiers, il y a un remarquable exemple de cette "pirouette" intellectuelle : le prêtre en question refuse au fond l'idée de "Présence réelle" mais il ne le dit pas clairement, laissant entendre que cette présence réelle est d'autant plus réelle qu'elle est symbolique...; l'Eucharistie est un merveilleux symbole; quant à la transsubstantiation, il n'en est pas question.
    Vous dites :"l’encens est ce que les prêtres offrent aux prêtres"; c'est bien pour le balancement de la phrase, mais c'est curieux comme remarque; l'encens est ce que les prêtres offrent à Dieu; c'est que le Christ Jésus est le prêtre éternel et les mages en ont eu la prescience.

  • Effectivement j'ai eu l'année dernière un sermon dans lequel le prêtre insistait de manière passionnée voire énervée sur cette histoire de mages qui ne seraient pas rois ...

  • iconographe de profession , je souhaiterais publier dans un ouvrage scolaire une image numérique en haute définition de la mosaïque qui illustre votre article et demander les droits de publication, pouvez-vous me communiquer les sources et le crédit de cette image . Avec mes remerciements
    Edith Garraud

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