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Un jour, en feuilletant un livre...

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Un jour, en feuilletant un livre, je suis tombé sur ce portrait de Jésus que j’avais étudié des années auparavant, aux Beaux-Arts de Bologne. J’ai littéralement été saisi par ce regard qui plonge dans vos yeux : j’ai marqué une pause, très longue, qui n’avait rien de naturelle et j’ai compris qu’une rencontre s’opérait. Je n’étais pas seulement devant une page de l’histoire de l’art, mais devant autre chose. Il y avait un appel dans ce regard. C’était lui qui me regardait, tout simplement. Dans Sur le concept du visage du Fils de Dieu, ce regard du Christ est central et rencontre chaque spectateur, individuellement. Le spectateur est sans cesse observé par le Fils de Dieu. Montrer le visage du Fils de Dieu, c’est montrer le visage de l’Homme, Ecce Homo saisi au moment de la fragilité qui ouvre à la Passion.

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L’incontinence du père est une perte de substance, une perte de soi. Elle est à mettre en regard avec le projet terrestre du Christ qui passe par la kenosis – du verbe grec kénoô : se vider –, c’est-à-dire par l’abandon de sa divinité pour intégrer pleinement sa dimension humaine, au sens le plus concret du terme. C’est le moment où le Christ entre dans la chair de l’homme en mourant sur la croix. Jésus est depuis toujours le modèle de l’Homme. Depuis la crucifixion, Dieu s’est abaissé jusque dans notre misère la plus triviale : il nous précède dans la souffrance en général, et dans celle de la chair en particulier.

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Un homme mis devant d’autres hommes – les spectateurs –, qui, par un effet de miroir, se retrouvent eux-mêmes mis à nus. Nous regardons l’action théâtrale devant nous : un vieux père incontinent que son fils nettoie. Mais nous sommes en permanence regardés par le Christ. Notre apparent voyeurisme se retourne par un inattendu jeu de miroir. Nous sommes tous, nous les spectateurs, l’objet de Son regard. Cette histoire-là, cette condition nous appartient. C’est nous qui sommes sur le plateau. Cette condition de kenosis nous concerne : elle regarde chacun de nous. Dans ce travail, je me tiens particulièrement à distance de la mystique et de la mystification parce qu’il s’agit, en définitive, du portrait d’un homme, un homme mis à nu devant d’autres hommes lesquels sont, à leur tour, mis à nu par cet homme.

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À la fin du spectacle, un voile noir coule sur le portrait du Fils de Dieu : Dieu se retire dans le brouillard du fond de scène, depuis lequel il avait fait son apparition. Il est venu à nous et nous a regardés : il l’a fait. Le noir représente la couleur de l’univers infini. Déchirer la toile figurant le visage du fils de Dieu ne constitue pas un geste iconoclaste : ce geste nous indique au contraire un chemin, un passage à accomplir à travers la membrane d’une image, un passage à travers le Christ, une identification complète avec le Christ, un bain en lui, une mise au monde de lui en nous.

Romeo Castellucci, Avignon, juillet 2011

Commentaires

  • ...Il n'en reste pas moins que cette pièce est nulle à ch.... ! Et que s'il s'agit de revivre la passion du Christ je préfère aller à la messe et si possible suivre sa forme la plus extraordinaire.

  • Quel intérêt que de mettre cette interview pseudo intellectuelle sur votre blog ? Castellucci est un artiste contemporain sans foi ni loi ! Quelques mois auparavant, il encensait Satan... Avec des positions comme celle-ci, cher Yves, vous allez finir critique littéraire à Télérama...

  • comme disait Michel Audiard:

    "Ya que les cons qui osent tout, c'est d'ailleurs à ça qu'on les reconnait!"

    Je pense que monsieur Castellucci correspond bien à la description.
    Mr Daoudal, à vouloir défendre l'indéfendable et en voulant y persister vous risquez vous-même d'y correspondre.

  • A l'époque soviétique l'on savait très bien faire passer pour des fous les dissidents. En tant que dissidente à "l'art castelluccien," je dois être à enfermer d'urgence car je continue, avec mon bon sens paysan (eux aussi on ne les aimait pas chez les soviets) à dire que ce type cultive sciemment l'ambigüité et joue avec l'image du Christ d'une façon perverse et "diabolique" et veut en plus contaminer les autres. Il sait aussi parfaitement quel sujet peut lui rapporter de l'argent et des mécènes (rien donc du poète maudit à la Modigliani!!!!).

    Mais comme l'immigration est une chance pour la France, "l'art transcendant de ce mystique catholique" est sans doute aussi une chance pour nous les catholiques. Zut (j'allais dire un autre mot, mais j'ai peur de plagier M. Castellucci) je n'arrive toujours pas à m'en rendre compte.

    Est ce qu'une cure de Castellucci (55mn tous les soirs pendant 15 jours) est remboursée par la sécu? Ah non c'est vrai j'ai déjà payé pour que la pièce subventionnée soit montée. Vraiment je suis incurable, à euthanasier, sans doute et pourtant je ne suis pas encore incontinent...

  • à Mgr d'Ornellas, archevêque de Rennes:

    Bonjour Monseigneur,

    suite à votre défense de la pièce de théâtre objet de scandale à Paris et Avignon et qui sera proposée à Rennes cette semaine, je vous porterai dans ma prière afin que l'Esprit Saint vous éclaire mieux dans vos jugements artistiques et que vous défendiez vos frères dans la foi (voir communiqué qui suit) plutôt que des artistes stipendiés par l'État ne s'adressant qu'à une petite élite parisienne dont je craignais déjà que vous ne fassiez partie. Votre interprétation de la pièce est non seulement complaisante ou alors naïve, mais surtout fausse.

    De nombreuses interviews, autres que celles présentées sur le site internet du diocèse prouvent le caractère iconoclaste, provocateur et profondément malsain, sinon maléfique du projet artistique de Castelluci (exemple sur http://www.ledevoir.com/culture/theatre/453/genesi-a-theatres-du-monde-castellucci-provocateur). Le détournement d'un portrait du Christ à des fins théâtrales est donc blasphématoire.

    Les simples gens ont besoin de paroles claires sur leur façon d'agir en chrétien, pas de leçons de critique artistique. Soit vous défendez la scatologie de ce Castellucci, soit vous défendez la Foi et son eschatologie (pour reprendre son propre jeu de mot). Là est votre mission. Alors, Monseigneur, il est encore temps de venir à la rencontre des manifestants, de prier avec eux en réparation des offenses faites à la foi chrétienne et de dire clairement avec eux que le prétendu dialogue avec cette anti-culture n'a pas lieu d'être.

    "Malheur à moi si je ne témoigne pas !" Ou bien votre martyre sera d'aller supporter cette triste mise en scène en assistant à chaque représentation de la pièce à Rennes ? Encore cette éternelle tentation de dialogue avec le siècle, une Ostpolitik appliquée à l'intelligentsia médiatico-artistique ? Cette dernière n'a que mépris et haine pour l'Eglise, qu'allez vous donc chercher à vouloir lui complaire ? Un célèbre auteur de pièce de théâtre devenu pape nous a appris comment agir dans le monde ! De jeunes catholiques sont allés et iront encore en prison pour le Christ, ils n'ont pas peur !

    Avec l'assurance de nos prières,

    Pierre G.

  • Très beau texte M. Pierre G.
    Nous les simples nous ne comprenons rien aux termes d'eschatologie scatologique! Par contre nous savons ce que nous nous voulons pas montrer à nos enfants pour qu'ils puissent grandir dans les meilleures conditions possibles et devenir avec la grâce de Dieu des hommes et des femmes de bien. Et les oeuvres à la castellucci ne poursuivent absolument pas ce but.
    Un communiqué très intéressant sur "La passion du Christ" de Mel Gibson, rappelé par Jeanne Smits ici
    http://www.riposte-catholique.fr/perepiscopus/nos-eveques-face-a-lart-un-poids-et-deux-mesures#.TrcDBHItVio
    Les avis artistiques de certains de nos évêques seraient ils "politiques" et non pas catholiques? Mais je fais sans doute du mauvais esprit. ce n'est pas bien

  • "L’incontinence du père est une perte de substance, une perte de soi. Elle est à mettre en regard avec le projet terrestre du Christ qui passe par la kenosis – du verbe grec kénoô : se vider –, c’est-à-dire par l’abandon de sa divinité pour intégrer pleinement sa dimension humaine, au sens le plus concret du terme."

    Monsieur Castellucci est-il chrétien ? Peut-être. Mais s'il l'est, il est à la fois hérétique et blasphémateur.
    D'une part, jamais le Christ n'a "abandonné" sa divinité (dans l'entretien au Monde du 26 septembre, il dit même "se vider"). Il a caché sa divinité en "assumant" (c'est le terme théologique) le nature humaine. Mais la personne du Christ est, même dans l'Incarnation, une Personne divine, le Verbe de Dieu.

    D'autre part, il est grave, inconséquent et irresponsable de mettre en parallèle l'incontinence humaine et l'Incarnation du Verbe de Dieu. Si l'on pousse la comparaison jusqu'au bout, le metteur en scène, qui est bien drôle de chrétien, compare la divinité du Christ aux excréments humains. Mais c'est bien là la clé de lecture véritable de a pièce : un rapprochement provocant, typique de l'art contemporain, dans un renversement total des valeurs, de la m**** et du Fils de Dieu.

    Je conseille à monsieur Daoudal de se documenter sur la personne de Castellucci, ses maîtres à penser (Antonin Artaud), ses références culturelles, le mouvement théâtral qu'il défend, ses oeuvres précédentes (Gènesi, la divine Comédie, Ministre au voile noir). Il se rendra vite compte de l'aberration qu'il y a à défendre un tel auteur.

  • Cher Daou,

    ce qui me gêne (entre autres !) chez Castellucci, c'est tout de même ce qu'il dit sur le "voile noir" qui recouvre la Face du Christ à la fin de son spectacle. Il affirme même, scandalisé, que jamais il n'aurait fait quelque chose d'aussi horrible que de recouvrir l'image avec des excréments.

    Or plusieurs spectateurs, et notamment une journaliste de MetroFrance qui a assisté à la pièce au 104, ainsi qu'une personne qui m'en a donné le témoignage direct ce soir, affirment et attestent qu'à ce moment de l'« action », le vieillard grimpe sur une échelle derrière le portrait qui se déchire au son d'une « musique » stridente et insupportable, et déverse du liquide brun par l'orifice de l'œil et que c'est à ce moment précis qu'est répandue dans la salle une odeur nauséabonde d'excréments.

    Faudrait savoir !

    Amités

  • Cher monsieur,

    Quand je lis ces commentaires passionnés (pour ne pas dire hargneux), je me demande pourquoi toute cette énergie n'est pas mise au service de causes plus urgentes et graves!
    Tout cela fleure assez le pharisaïsme et le repli communautaire, si rassurants... et si bourgeois finalement...
    Bravo pour votre indépendance d'esprit, cher monsieur Daoudal!

  • Vos réflexions spécieuses sur un opus qui ne mérite que mépris et oubli sont choquantes : tout n'est cependant pas perdu, des juges sauront se servir de votre prose inspirée pour condamner les dangereux fondamentalistes qui mettent en péril la liberté d'expression et de création. Compliments à vous.

  • "Mais prenez garde que cette liberté dont vous usez ne devienne pour les faibles occasion de chute." (1Co 9)
    Au delà des discussions à n'en plus finir pour savoir si la pièce de Castellucci est signe d'un questionnement spirituel ou blasphématoire, il semble incontestable qu'elle soit objet de scandale et donc offense à la charité ! Je ne me prononce pas sur une pièce que je n'ai pas vue et que je n'aiaucune intention d'aller voir, mais uniquement sur ce qu'elle provoque !

  • Ce texte de Castellucci est un modèle du "double langage" auquel se livrent les gnostiques concernant la "kénose" de Dieux. Pour comprendre ce que Castellucci veut dire en réalité il faut regarder la dimension gnostique et satanique de son théatre, inspiré du "Théâtre de la cruauté" d'Antonin Artaud. Ce lien est très expressif là-dessus: http://avenirdelaculture.fr/article/christianophobie/la-dimension-gnostique-et-satanique-de-romeo-castellucci

  • Si Jeanne Smits avait pris le temps de se cultiver et d'étudier vraiment Castellucci, elle saurait que le "voile noir" est pour lui une référence directe à la nouvelle de Nathaniel Hawthorne, La voile du pasteur.

  • “Taisez-vous les incultes! On vous dit que c’est de l’art chrétien. Et l’auteur lui-même de s’expliquer, et les coulures de simili-chiasse, ce n’est pas ce que vous croyez, pas du tout. Il faut y voir aussi le voile noir, celui décrit par un auteur nord-américain Nathaniel Hawthorne, dont on se rappelle peut-être en France, les adaptions cinématographiques de notamment sa « Lettre Écarlate » écrit au milieu du XIXème siècle et décrivant l’enfer puritain de premières colonies anglo-saxonnes d’Outre-Atlantique. Enfin pour les moins incultes d’entre nous…qui pourraient comprendre le rapport sans l’explication de texte de M. Castellucci. Pour Nathaniel Hawthorne, nul ne peut dire s’il aurait vu le rapport !

    C’est vrai que dans l’art contemporain, c’est l’auteur qui expose une toile blanche, qui peut écrire un livre sur ce que veut dire son œuvre, et les visiteurs de l’admettre au « garde-à-vous » et sans piper mot : « Puisqu’on vous dit que c’est de l’art, bandes d’incultes ».
    Ce Castellucci serait risible si le sujet qu’il aborde pour gagner sa vie n’avait pas ce côté sulfureux et si en plus il l’abordait avec honnêteté, en ne changeant pas sa pièce (et les interprétations qu’il en donne au fil des circonstances et des entretiens) et sa mise en scène en fonction des réactions du public et en le déclarant pas voie d’affiche. Ces artistes autoproclamés avec l'argent des contribuables ne sont que des imposteurs qui utilisent le scandale et le mensonge pour asseoir une notoriété qui ne repose sur rien d’artistique. Dans le temps l’on nous apprenait que « Ce que l’on conçoit bien s’énonce clairement et les mots pour le dire vous viennent aisément ». L’on nous disait aussi que « Le Papier ne refusait pas l’encre » pour nous apprendre à nous méfier de l’écrit qui pouvait être très loin de la réalité (surtout si c’est écrit par un auteur qui justifie lui-même sa pièce) et des actes, et qui n’était surtout pas vérité d’Évangile, mais c’est vrai qu’aujourd’hui tout le monde veut s’arroger le droit de réécrire l’Évangile, sauf bien évidemment le Pape qui ne se le permettrait d’ailleurs pas mais qui se contente de parler haut et clair pour dire ce qui ne va pas dans ce bas monde et où se trouve la voie du salut (Nota : au fait des incultes comprennent très bien ce que dit Benoît XVI).

    Les incultes ne résistent pas non plus au plaisir de revoir cette vidéo sur un autre excellent artiste contemporain incompris, Romano Chucalescu
    http://www.youtube.com/watch?v=G0WoW7hbOWA

    Foi d'inculte incurable

  • Sur le site d’Anne Kerjean un article de Jean Clair (Jean Clair : “On liquide le passé au nom du futur”
    article de Valeurs Actuelles du 12 juillet 2011

    Ancien directeur du musée Picasso, commissaire de grandes expositions nationales, ancien professeur à l’École du Louvre, l’académicien porte un regard sévère sur les dérives de l’art contemporain.)

    Ce que dit Jean Clair du Piss Christ et de cet Rouet qui est notre honte ::

    « N’avez-vous pas l’impression que la roue tourne et que le public, qu’il s’agisse du grand public ou du public cultivé, éprouve une immense lassitude vis-à-vis de ces provocations ? Je n’ai pas un sentiment de solitude ni l’impression de parler dans le désert. Vous citiez Fabrice Luchini. Nombreux sont les artistes qui ne participent pas de ce mouvement général, même s’il continue d’être appuyé par l’État et parfois par l’Église. Si je mentionne l’Église, c’est parce que j’ai été amené à intervenir lors du Parvis des gentils organisé par le Conseil pontifical de la culture. L’ironie de l’histoire en ces matières, c’est qu’on a tout d’abord vidé les églises de magnifiques oeuvres anciennes pour les remplir d’objets immondes qui font étalage d’une fascination pour le sang ou pour les excréments, quand on n’a fait le choix de corps mutilés ou automutilés.
    Il y a des théologiens qui vous expliqueront très doctement que si l’on veut participer de la souffrance du Christ sur la croix, il faut considérer les effets d’une souffrance ou d’une agonie extrême, entraînant des effets physiologiques des plus pénibles, plutôt que d’admirer une crucifixion de Bellini. Quand on voit cela, on en vient à se dire que le diable possède d’étranges ressources puisqu’il parvient à séduire d’éminents dignitaires ecclésiastiques comme Mgr Albert Rouet, qui a cru bon de faire l’éloge de Piss Christ. Fort heureusement, les ouailles sont de moins en moins nombreuses à le suivre. »
    Propos recueillis par François Bousquet

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