Extrait de l'homélie de la messe de Benoît XVI à l'église de la Sainte-Croix à Chypre, samedi :
Le bois de la Croix est devenu le moyen de notre rédemption, tout comme l'arbre duquel elle a été tirée a entraîné la Chute de nos premiers parents. La souffrance et la mort, qui ont été la conséquence du péché, sont devenues les moyens mêmes par lesquels le péché a été vaincu. L'agneau innocent fut immolé sur l'autel de la Croix, et une vie nouvelle a jailli alors de l'immolation de la victime: le pouvoir du mal était détruit par le pouvoir de l'amour qui s'offre en sacrifice.
La Croix est donc quelque chose de beaucoup plus grand et plus mystérieux qu'elle ne l'apparait au premier abord. C'est en effet un instrument de torture, de souffrance et d'échec mais, en même temps, elle exprime la complète transformation, le renversement définitif de ces afflictions: c'est ce qui en fait le symbole d'espérance le plus éloquent que le monde ait jamais vu. Elle parle à tous ceux qui souffrent - les opprimés, les malades, les pauvres, les parias, les victimes de la violence - et elle leur offre l'espérance que Dieu peut transformer leur souffrance en joie, leur solitude en communion, leur mort en vie. Elle offre une espérance sans limite à notre monde déchu.
C'est pourquoi le monde a besoin de la Croix. La Croix n'est pas uniquement un symbole privé de dévotion. Elle n'est pas seulement l'insigne des membres d'un groupe particulier au sein de la société, et, en son sens le plus profond, elle n'a rien à voir avec l'imposition par la force d'un credo ou d'une philosophie. La Croix parle d'espérance, elle parle d'amour, elle parle de la victoire de la non-violence sur l'oppression. Elle dit que Dieu relève celui qui est humble, qu'il fortifie le faible, qu'il triomphe des divisions et surmonte la haine par l'amour. Un monde sans la Croix serait un monde sans espérance, un monde dans lequel la torture et la brutalité seraient sans contrôle, où la faiblesse serait exploitée et l'avidité aurait le dernier mot. L'inhumanité de l'homme pour l'homme se manifesterait de façon toujours plus horrible, et il n'y aurait aucune fin au cycle vicieux de la violence. Seule la Croix y met fin. Alors qu'aucun pouvoir terrestre ne peut nous sauver des conséquences de nos péchés, et qu'aucun pouvoir terrestre ne peut vaincre l'injustice à sa source, l'intervention salvatrice de notre Dieu d'amour a pourtant transformé la réalité du péché et de la mort en leur contraire. C'est ce que nous célébrons quand nous nous glorifions dans la Croix de notre Rédempteur. C'est ce que fait, à juste titre, saint André de Crête en décrivant la croix comme «le meilleur et le plus magnifique de tous les biens; car c'est en lui, par lui et pour lui que tout l'essentiel de notre salut consiste et a été restauré pour nous».