Benoît XVI a bien expliqué aux séminaristes de Rome que le christianisme n'est pas un moralisme. La parabole de ce jour en est une illustration, car elle a été travestie en morale alors qu'elle ne l'est pas, du moins au sens où ce mot est généralement compris.
On parle en effet souvent du « mauvais riche », ce qui laisse entendre qu'il s'agirait d'un homme sans scrupules, qui a amassé des richesses en exploitant ses semblables ou par des opérations louches. La parabole ne dit rien de tel.
Quant au pauvre Lazare, la parabole ne dit pas davantage qu'il serait un homme vertueux.
Le riche a pu devenir riche de façon parfaitement honnête, et le pauvre peut aussi bien être le seul responsable de sa misère.
Pourtant, après leur mort, le premier souffre dans les flammes de l'enfer, et le second jouit de la paix céleste.
L'explication se trouve dans l'épître de ce jour, un passage de Jérémie : « Maudit soit l'homme qui se confie en l'homme, qui met sa force en la chair, et dont le cœur s'éloigne du Seigneur. » Le sort de celui-là est celui du riche de la parabole : « Il habite les lieux brûlés du désert, une terre salée, solitaire. » En revanche, « heureux est l'homme qui se confie dans le Seigneur, et dont le Seigneur est l'espoir. Il est comme un arbre planté au bord des eaux ».
Lazare est le seul personnage, de toutes les paraboles, qui porte un nom. Ce nom veut dire : Dieu aide, Dieu a secouru, Dieu est mon secours. Dieu a secouru Lazare parce que Dieu est avec ceux qui souffrent, avec les pauvres, c'est-à-dire ceux qui n'ont pas d'autre espoir que Dieu.
Ce pauvre a le même nom que l'ami de Jésus dans l'évangile de saint Jean. Ce Lazare-là était riche, mais il habitait Béthanie : la « maison du pauvre ». Et il y a un point commun essentiel entre ces deux Lazare, particulièrement en cette « montée vers Jérusalem » que constitue le carême.
La parabole se termine par cette réponse d'Abraham au riche : « S'ils n'écoutent pas Moïse et les prophètes, même si quelqu'un ressuscite des morts, ils ne croiront pas. » Or, à Béthanie, quelqu'un est ressuscité des morts : Lazare... Et ils n'ont pas cru.
Quelques jours plus tard, un autre ressuscitera des morts. Pour toujours. Et les riches, ceux qui ne mettent leur confiance qu'en eux, ne croiront pas. Tandis que tous les Lazare ressusciteront, parce qu'ils n'ont pas d'autre espérance qu'en Dieu, qui pour cela vient à leur secours. Bienheureux les pauvres en esprit, car le Royaume des cieux est à eux.
D'autre part, si le Lazare de la parabole a un NOM, c'est parce qu'il est une figure du Christ Dieu. Car c'est le Christ qui est le Pauvre par excellence, nu, couvert de plaies, et crucifié, et qui se fait le mendiant de l'amour auprès des riches. Et c'est lui qui s'appelle vraiment « Dieu est le secours ».