Extrait de la catéchèse de Benoît XVI, hier, sur Jean de Salisbury (XIIe siècle) :
Selon Jean de Salisbury, il existe également une vérité objective et immuable, dont l'origine est Dieu, accessible à la raison humaine et qui concerne l'action pratique et sociale. Il s'agit d'un droit naturel, auquel les lois humaines et les autorités politiques et religieuses doivent s'inspirer, afin qu'elles puissent promouvoir le bien commun. Cette loi naturelle est caractérisée par une propriété que Jean appelle « équité », c'est-à-dire l'attribution à chaque personne de ses droits. De celle-ci découlent les préceptes qui sont légitimes chez tous les peuples et qui ne peuvent en aucun cas être abrogés. Telle est la thèse centrale du Polycráticus, le traité de philosophie et de théologie politique, dans lequel Jean de Salisbury réfléchit sur les conditions qui rendent l'action des gouvernants juste et permise.
Alors que d'autres thèmes affrontés dans cette œuvre sont liés aux circonstances historiques dans lesquelles elle fut composée, le thème du rapport entre loi naturelle et organisation juridique positive, au moyen de l'équité, est encore aujourd'hui d'une grande importance. A notre époque, en effet, surtout dans certains pays, nous assistons à une séparation préoccupante entre la raison, qui a la tâche de découvrir les valeurs éthiques liées à la dignité de la personne humaine, et la liberté, qui a la responsabilité de les accueillir et de les promouvoir. Peut-être Jean de Salisbury nous rappellerait-il aujourd'hui que ne sont conformes à l'équité que les lois qui protègent le caractère sacré de la vie humaine et qui repoussent la légalité de l'avortement, de l'euthanasie et des expérimentations génétiques irresponsables, ces lois qui respectent la dignité du mariage entre l'homme et la femme, qui s'inspirent à une correcte laïcité de l'Etat - une laïcité qui comporte cependant toujours la sauvegarde de la liberté religieuse -, et qui recherchent la subsidiarité et la solidarité au niveau national et international. S'il en était autrement, il finirait par s'instaurer ce que Jean de Salisbury définit la « tyrannie du prince » ou, dirions-nous, « la dictature du relativisme » : un relativisme qui, comme je le rappelai il y a quelques années, « ne reconnaît rien comme définitif et ne laisse comme mesure ultime que le propre moi et ses envies ».