Extrait de la catéchèse de Benoît XVI, hier, sur Jean Scot Erigène.
Erigène écrit dans les Expositiones : « Ce n'est pas l'homme qui a été créé pour l'Ecriture, dont il n'aurait pas eu besoin s'il n'avait pas péché, mais c'est plutôt l'Ecriture - tissée de doctrine et de symboles - qui a été donnée pour l'homme. En effet, grâce à elle, notre nature rationnelle peut être introduite dans les secrets de l'authentique et pure contemplation de Dieu ». La parole de l'Ecriture Sainte purifie notre raison quelque peu aveugle et nous aide à revenir au souvenir de ce que nous portons, en tant qu'image de Dieu, dans notre cœur, rendu hélas vulnérable par le péché.
De là découlent certaines conséquences herméneutiques, en ce qui concerne la façon d'interpréter l'Ecriture qui peuvent indiquer aujourd'hui encore la juste voie pour une lecture correcte de l'Ecriture Sainte. Il s'agit en effet de découvrir le sens caché dans le texte sacré et cela présuppose un exercice intérieur particulier, grâce auquel la raison s'ouvre au chemin certain vers la vérité. Cet exercice consiste à cultiver une disponibilité constante à la conversion. Pour parvenir, en effet, à la vision profonde du texte, il est nécessaire de progresser simultanément dans la conversion du cœur et dans l'analyse conceptuelle de la page biblique, qu'elle soit à caractère universel, historique ou doctrinal. C'est en effet uniquement grâce à la purification constante tant de l'œil du cœur que de l'œil de l'esprit, que l'on peut en acquérir une compréhension exacte.
Ce chemin d'un accès difficile, exigeant et enthousiasmant, fait de conquêtes constantes et de relativisations du savoir humain, conduit la créature intelligente jusqu'au seuil du Mystère divin, là où toutes les notions révèlent leur faiblesse et leur incapacité et imposent donc, avec la simple force libre et douce de la vérité, d'aller toujours au-delà de tout ce qui est continuellement acquis. La reconnaissance adorante et silencieuse du Mystère, qui débouche sur la communion unificatrice, se révèle donc comme l'unique voie d'une relation avec la vérité qui est à la fois la plus intime possible et la plus scrupuleusement respectueuse de l'altérité. Jean Scot - utilisant également dans ce contexte un vocabulaire cher à la tradition chrétienne de langue grecque - a appelé cette expérience à laquelle nous tendons « theosis » ou divinisation, à travers des affirmations hardies au point qu'il fut possible de le soupçonner de panthéisme hétérodoxe. Quoi qu'il en soit, l'émotion demeure profonde face à des textes comme celui-ci, où, ayant recours à l'antique métaphore de la fusion du fer, il écrit : « Ainsi, de même que tout le fer devenu brûlant se liquéfie au point qu'il ne semble plus y avoir que le feu, et toutefois les substances de l'un et de l'autre demeurent distinctes, ainsi, il faut accepter qu'après la fin de ce monde, toute la nature, tant corporelle qu'incorporelle, manifeste uniquement Dieu et demeure toutefois intacte de façon telle que Dieu puisse être d'une certaine façon com-pris tout en restant in-compréhensible et la créature elle-même soit transformée, de façon merveilleusement ineffable, en Dieu».