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« Forme extraordinaire »

Un lecteur a laissé ce commentaire à ma note sur la messe au Panthéon de Rome :

« Pourquoi n'utilisez-vous pas le terme forme extraordinaire comme l'a défini le Pape ? Vous semblez adhérer à l'herméneutique de continuité du Concile Vatican II, mais pas sur le plan liturgique ? Etes-vous favorable à la réforme de la réforme ? La Concile avait demandé une réforme de la liturgie, est-ce que vous estimez cela légitime ? »

Je pense que ma réponse à ces questions intéresse d'autres lecteurs, c'est pourquoi j'en fais une note.

J'adhère en effet à l'herméneutique de continuité du concile Vatican II. La question est précisément que la messe de Paul VI, présentée comme étant l'application de la Constitution sur la liturgie, est en rupture avec la tradition, et, telle qu'elle fut voulue par Paul VI, en rupture avec le texte même du Concile (la langue de la liturgie est le latin, le chant de la liturgie est le grégorien...). La légitime réforme de la liturgie, commencée par Pie XII, poursuivie par Jean XXIII, s'est transformée en révolution. Je suis a priori favorable à la réforme de la réforme, mais je n'y crois guère, du moins à court terme et même à moyen terme.

L'expression « forme extraordinaire », qu'elle ait été une invention du pape pour tenter de faire passer la pilule auprès des évêques, ou qu'elle corresponde vraiment à la pensée du pape, ne me paraît pas satisfaisante. Par exemple, maintenant que tous les prêtres ont le droit de célébrer cette « forme », imaginons que la majorité d'entre eux la célèbrent une fois chaque dimanche, et imaginons que la majorité des fidèles participent à cette messe et en fassent la messe principale. Si elle devient la messe ordinaire, comment pourrait-on continuer de l'appeler « forme extraordinaire » ?

De plus, comment la messe qui fut ordinaire pendant cinq siècles peut-elle subitement devenir extraordinaire?

Cette expression semble assez généralement admise en France, mais je constate que le cardinal Castrillon Hoyos, qui s'est dépensé pour faire connaître et appliquer le motu proprio, ne l'utilisait guère. Il parlait de la « forme ancienne », de l'« usus antiquior ». Cette dernière expression est assez utilisée dans les pays anglo-saxons. Dans le même esprit, certains disent « Novus Ordo Missae » (NOM) et « Vetus Ordo Missae (VOM). En Angleterre et en Italie, on parle aussi de la « messe en latin », ce qui n'est guère satisfaisant dans la mesure où la messe de Paul VI a été promulguée en latin et peut se célébrer en latin, même si Paul VI lui-même voulait qu'elle soit entièrement célébrée en langue vulgaire (en contradiction avec le texte de Vatican II). Certains suggèrent d'appeler l'ancienne forme « messe de saint Grégoire », et le maître de chœur de l'abbaye de Kergonan l'appelait ainsi il y a trente ans. J'aimerais bien personnellement l'utiliser, mais pour la plupart des fidèles cette expression est inconnue.

Les orientaux parlent de la Divine Liturgie de saint Jean Chrysostome, de saint Basile, de saint Jacques... Ce qui montre qu'il n'est pas du tout illégitime d'« attribuer » une messe à un personnage. L'expression « messe de saint Grégoire » aurait l'avantage de l'attribuer à un père de l'Eglise comme l'était saint Jean Chrysostome. Mais l'expression « messe de saint Pie V » est devenue d'usage courant, et elle exprime parfaitement de quoi il s'agit (une fois précisé qu'elle n'a pas été « faite » par saint Pie V, de même que la liturgie de saint Jean Chrysostome n'a pas été faite par saint Jean Chrysostome).

On ne veut pas dire « messe de saint Pie V » parce qu'on refuse d'appeler la « forme ordinaire » « messe de Paul VI », parce que le fait de l'appeler « messe de Paul VI » implique qu'elle ne serait pas traditionnelle. C'est pourtant un fait qu'il y a une messe de Paul VI, qui outrepasse largement ce que demandait le concile.

C'est pourquoi je continue de dire « messe de saint Pie V » et « messe de Paul VI », expressions qui me paraissent définir le moins mal ce dont il s'agit.

[Il y a un point sur lequel je suis en total désaccord avec la Constitution conciliaire sur la liturgie, mais ça ne concerne pas la messe, c'est la répartition du psautier sur quatre semaines dans l'office divin, ce qui est une rupture de la tradition universelle de toutes les Eglises d'Orient et d'Occident. Cf. ma conférence sur les psaumes.]

Commentaires

  • La réponse est très satisfaisante merci.

    En ce qui concerne l'office divin, j'ai lu avec intérêt votre conférence sur les psaumes.
    J'avoue qu'à la lecture de la Constitution sur la Liturgie, il y aurait eu tout de même moyen de conserver un schéma sur une semaine avec des schémas sur deux ou quatre semaines.
    De même pour la suppression de Prime. A postériori seule une des trois petites heures est désormais obligatoire, donc il n'y avait donc aucun intérêt à le supprimer.

    Je conseille la lecture de ce très bon article, pour les anglophiles :
    http://www.musicasacra.com/publications/sacredmusic/pdf/divineoffice.pdf

    Un élement a retenu mon attention : vous emettez une critique des méthodes d'oraison. Vous pensez aux exercices de St-Ignace en particulier ?

    Merci.

  • Sur le fond, je suis en accord sur tout, sur la forme (c'est le cas de le dire), le terme de forme extrordinaire ne me choque pas, c'est un peu comme le vin, je ne bois plus d'ordinaire depuis longtemps, l'extra, c'est bien meilleur.

  • @Pierre Le Morvan:

    En ce qui me concerne, je suis resté à l'ordinaire. Et j'apprécie
    l'extraordinaire comme un bon Bourgogne :-)

    Sur le fond, j'avoue que ce qui me dérange le plus c'est la disparité des calendriers et des lectionnaires. Même si l'un est plus "antique" que l'autre, le fait est que le Pape en utilise un et pas l'autre.
    J'espère que cela sera règlé intelligemment un jour.

  • A Quaerere Deum, sur les méthodes d'oraison.

    Non, ce n'est pas aux exercices de saint Ignace que je fais allusion. Du moins, pas directement, car c'est lié. Je parle de ces méthodes très "pieuses" mais tout humaines par lesquelles on prétendait apprendre aux fidèles à prier (notamment au XIXe siècle) sans tenir le moindre compte de la liturgie alors qu'elle est faite pour cela, et qu'elle est d'origine divine (particulièrement les psaumes). Le comble a été ces missels où l'on donnait des prières à réciter pendant la messe...

  • Merci de ces précisions.

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