Si le cœur vous en dit, voici la dépêche de l'AFP...
Femmes accouchant de paquets de M&M's dans un caddie, homme nu aboyant tel un chien baveux: le Flamand Jan Fabre présente en France sa dernière création, "L'orgie de la tolérance", très applaudie à Paris mais qui ne devrait pas réconcilier partisans et détracteurs de l'artiste.
Donné à guichets fermés au Théâtre de la Ville jusqu'à samedi soir, le spectacle sera à l'affiche du Festival d'Avignon du 9 au 15 juillet, dans le cadre d'une tournée mondiale qui mènera les neuf "performers" de Jan Fabre à Londres, Seattle, Montréal, Athènes et Vienne.
Le quinquagénaire belge est devenu une institution: "artiste associé" - controversé - d'Avignon 2005, invité au Louvre en 2008, futur docteur honoris causa de l'Université d'Anvers (sa ville natale)...
Ce qui n'empêche pas cet artiste protéiforme de se réclamer de l'avant-garde, en dynamitant les frontières des genres qu'il aborde (théâtre, danse, arts plastiques) avec un rapport sans tabou au corps.
Dès la première scène, un long concours de masturbation qui suscite le rire dans la salle et pousse les concurrents à l'épuisement, le ton du spectacle est donné.
Jan Fabre entend dénoncer le culte de la performance qui règne dans les sociétés contemporaines, gouvernées par l'argent (des billets de banque sont utilisés dans une séance de relaxation) et la consommation (trois femmes "accouchent" en hurlant de divers produits dans des chariots de supermarché).
Des sociétés où le nivellement par le bas et le relativisme moral sont la règle, comme l'illustrent ces bourgeois qui profèrent des injures racistes, assis la braguette ouverte dans des fauteuils ou canapés Chesterfield, avec parfois un pénis à la place du nez.
Maniant le blasphème sans prendre trop de risques, le spectacle fait intervenir un jeune homme chevelu portant une grand croix en bois qu'un professionnel de la mode prend pour un "sommier Ikea", avant de relooker ce "J.C." en "fashion victim" consommatrice de poppers.
Les interprètes apostrophent ("fuck you"...) le public, "le ministre de la Culture" (applaudissements dans la salle), Jan Fabre lui-même et l'ensemble de l'humanité avec eux.
Ayant fait de la provocation calculée son fonds de commerce, le chorégraphe-metteur en scène semble ici prisonnier de lui-même, d'autant qu'il fait rire en utilisant justement les ressorts (pulsionnels, amoraux...) d'un système qu'il entend dénoncer.
"L'orgie de la tolérance", heureusement servie par une troupe à l'énergie communicative, se réclame des Monty Python mais passe leur humour fin au crible "trash" et gros de la danse-théâtre flamande. Sans faire un spectacle, cette suite de saynètes réserve quand même quelques moments de grâce, notamment quand une musique de Johann Strauss donne lieu à un ballet de caddies virevoltant.