« Si vous ne croyez pas que Je Suis, vous mourrez dans votre péché. Ils lui dirent donc : Qui es-tu ? Jésus leur dit : Le Principe, moi-même qui vous parle. »
La Vulgate a ainsi traduit un texte grec difficile qui occupe les exégètes depuis toujours et les occupera jusqu'à la fin du temps.
A priori, le texte grec dit à peu près : « Depuis le commencement, cela même que je vous dis. » C'est-à-dire : Je Suis ce que je dis, Je Suis ma Parole, Je Suis le Verbe. Depuis le commencement, dès l'origine. Or il est lui-même cette Origine. Le Principe. L'évangile de saint Jean commence par "In principium" (èn arkhè). Comme c'est le même mot qui est ici utilisé (tèn arkhèn), il est logique de traduire « Le Principe, moi-même qui vous parle ». Le sens complet étant : Je Suis le Principe, celui qui est ce qu'il dit. (« Je Suis » étant évidemment une allusion directe à la révélation du Sinaï, l'affirmation de sa divinité.)
Le problème grammatical est que "tèn arkhèn" est un accusatif. On considère qu'il s'agit d'un accusatif de durée pour le traduire par "depuis le commencement", et les hellénistes disent qu'on ne peut pas traduire "le Principe", parce que le mot serait au nominatif (hè arkhè) et non à l'accusatif. Mais il est attesté que l'accusatif peut être utilisé dans une "apostrophe véhémente" qui sous-entend "je vous dis que". Or ici il y a "apostrophe véhémente", et "je vous dis que" n'est pas seulement sous-entendu, il est carrément souligné par ce qui suit.
C'est pourquoi la traduction de la Vulgate, pour audacieuse qu'elle soit, est parfaitement légitime. Et divinement géniale, comme le plus souvent.
Commentaires
magnifique, que Dieu vous bénisse.
« Si vous ne croyez pas que Je Suis, vous mourrez dans votre péché. Ils lui dirent donc : Qui es-tu ? Jésus leur dit : Le Principe, moi-même qui vous parle. »
Quelle est la référence de ce texte de l'Evangile ? Merci d'avance de votre réponse.
Oui, pardonnez-moi, j'aurais dû donner la référence:
Evangile selon saint Jean, 8, 24-25. Et au verset 32 il dira: "la vérité vous rendra libres."
Merci, monsieur Daoudal, de défendre la vulgate abandonnée par notre clergé et ce n'est pas d'hier hélas !
Beaucoup de membres de clergé tentent de révêtir en abusant de leurs fonctions, les critiques impies de saint Jérôme de l'autorité de Jésus-Christ.
Cela se rencontre, et depuis longtemps, pour le darwinisme et même pour le marxisme !
Il faut beaucoup de vertus pour ne pas verser dans le sédévacantisme ou le protestantisme (deux courants analogues), mais cela est nécessaire. Nous avons sur ce point l'attitude de Jésus avec les autorités religieuses de son temps (dont Caïphe, le souverain pontife de l'époque)
Merci de tout coeur pour votre travail si nécessaire et si consolant.
L'idée d'apostophe véhémente ne s'applique pas ici.
http://books.google.com/books?id=evURAAAAYAAJ&pg=PA262&lpg=PA262&dq=accusatif+apostrophe+v%C3%A9h%C3%A9mente&source=bl&ots=pT7SKuv0xP&sig=MySVMi0fAXbUL6Iw5eenmtE2MJg
i.e. Burnouf 1836
donne comme exemple
Se dé... (Et toi...!)
et
Ho de tén porfyrida outosi... (Eh, l'homme à la robe de pourpre!).
Donc, 2e personne.
Mais Jésus ne s'apostrophe pas Lui-même.
La Vulgate semble corriger intelligemment une anomalie du texte grec.
Une version en katharevoussa (Helléniké Bibliké Hetairia) dit plus explicitement: ap'arkhé ((depuis le commencement).
Une version en grec moderne (également de la Helléniké Bibliké Hetairia), de même : apo tén arxhé (depuis le commencement)
Je peux vous scanner les passages.
Il y a une discussion en anglais sur
http://lists.ibiblio.org/pipermail/b-greek/2000-April/010878.html
mais ce n'est pas très concluant: l'accusatif vaut pour pendant, ou pour depuis ?
Ho glossologos