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Lettre ouverte à mon ami Craig

Mon cher Craig,

J’ai été attristé par ta réaction aux résultats du référendum. Au point que j’ai dû forcer sur le Paddy, ce midi, pour ne pas sombrer dans la mélancolie. On connaît en France « la tristesse du Breton », mais celle de l’Irlandais paraît battre tous les records.

Tu dis que tu ne peux pas célébrer la victoire parce que tu t’inquiètes de l’avenir.

Mais chaque chose en son temps !

Vous avez donné un spectaculaire coup de pied au cul des eurocrates, bon sang ! Tu ne vois pas cela ? Tu ne vois pas qu’ils ont les fesses toutes rouges, et qu’ils grimacent de douleur ?

Vous avez vengé tous les peuples auxquels l’eurocratie a interdit de donner son avis. Notamment les peuples français et néerlandais qui avaient dit non à la Constitution et auxquels on a refourgué le même texte découpé en morceaux, sans leur demander leur avis…

Vous avez été la voix des peuples d’Europe. Votre seul devoir est d’en être fier, extrêmement fier.

La suite, on la connaît, parce qu’on l’a déjà connue.

D’abord, vous êtes un petit peuple de demeurés, de minables, d’analphabètes, qui ne sait pas de quoi il parle et qui répond n’importe quoi quand on lui pose une question.

On a connu cela en mai 2005. Ce sont les pauvres, les salauds de pauvres, qui veulent mettre des bâtons dans les roues de la glorieuse construction européenne qu’on bâtit pour eux, ces ignares, ces ingrats.

On a connu cela encore davantage en avril 2002, quand Le Pen est arrivé au second tour de l’élection présidentielle. C’était par pages entières dans les journaux, par dossiers spéciaux dans les magazines : ceux qui ont voté Le Pen, ce sont les exclus, les chômeurs incapables de trouver un travail, les tarés, les « petits blancs » des banlieues, les paysans demeurés, etc., etc.

Eh bien oui, je suis un paysan demeuré qui vote Le Pen, je suis un va-nu-pieds du Donegal qui dit tranquillement Merde à l’eurocratie.

Maintenant, il est évident qu’il vont tout faire pour contourner votre vote. On ne le sait que trop. C’est déjà ce qu’ils ont fait après notre Non à nous. Ils ont découpé la Constitution européenne en petits bouts et l’ont appelée Traité de Lisbonne, et ils se sont bien gardés de le soumettre de nouveau à notre vote. Et les grotesques médias à leurs bottes continuent de l’appeler « traité simplifié », alors que tout le monde sait aujourd’hui qu’il est infiniment plus compliqué que la Constitution européenne !

Mais ce qui apparaît aujourd’hui, bien plus fort, grâce à votre Non, c’est à quel point ils méprisent les peuples. Non seulement ils montrent combien ils se moquent totalement de la démocratie et du suffrage populaire (avec ce magnifique cri du cœur de l’éditorialiste du Figaro, aujourd’hui : « Heureusement, l'Irlande est le seul pays dont la Constitution l'oblige à soumettre tout traité au vote populaire… »), mais ils n’hésitent pas à proclamer qu’ils s’assoient sur les règles qu’ils ont eux-mêmes édictées. Un traité européen doit être ratifié à l’unanimité pour être mis en application. Mais ils énoncent que le Non irlandais ne remet pas en cause le traité de Lisbonne…

Cela, c’est nouveau : ils n’avaient pas osé le dire ouvertement jusqu’ici. Et tu crois que ça passe inaperçu ?

Voilà l’intérêt historique de votre vote. Tout le monde peut voir désormais que l’eurocratie est une dictature sans foi ni loi. Les conséquences seront énormes. En témoigne la réaction de notre bouffon Bayrou, qui se met à gémir que « depuis des années, un fossé s'est creusé entre les peuples européens et leurs institutions », que « ce fossé est presque devenu un gouffre », et que « les Irlandais ont voté comme auraient voté tous les peuples européens ». Or ce Bayrou est chez nous le symbole même de l’européisme le plus caricatural, il est l’homme qui a fait une campagne acharnée en faveur de tous les traités européens, il était le héraut de la Constitution européenne, et il a applaudi des deux mains au traité de Lisbonne. Et il nous dit maintenant que « tous les peuples européens » auraient voté comme vous ? Contre le traité qui est pour lui la panacée ? Et ce Bayrou prétend vouloir représenter le peuple ? Mais marre-toi, Craig, marre-toi ! Je ne pensais pas qu’un jour j’entendrais une telle bouffonnerie !

Alors maintenant, après avoir sévèrement grondé votre Premier ministre (ça aussi, c’est drôle.. le pauvre…), ils vont inventer une façon de vous faire accepter le traité de Lisbonne. Comme ils l’ont fait pour le traité de Nice. Ils ont une longue pratique. Puisqu’ils se moquent totalement de leurs propres principes, ils sont prêts à tout. Ils l’ont montré il y a longtemps déjà, lorsqu’ils ont accepté que le Danemark soit en dehors de TOUTES les principales dispositions du traité de Maastricht pour que les Danois votent oui à ce traité. Et rebelote avec le traité d’Amsterdam…

On verra bien quelle sera leur immonde tambouille pour que le traité de Lisbonne entre en application malgré notre Non. Mais cette tambouille (à condition que tout le monde l’accepte, ce qui n’est pas du tout certain : les Tchèques risquent fort de bloquer le processus de ratification, et ils ne seront peut-être pas les seuls) ne fera que souligner auprès des peuples d’Europe leur mépris de la démocratie et de la volonté populaire. A long terme, c’est très mauvais pour eux. Notre Bayrou n’a pas fini de se lamenter. Quelle que soit leur initiative, ils se couperont encore un peu plus des peuples. Même cela est une bonne nouvelle. Car à terme, ça ne peut pas durer. Même l’Union soviétique est morte.

Alors, mon bon Craig, arrête de t’angoisser ! Ce que vous avez fait est fabuleux ! Merci encore ! Et je te promets qu’on n’a pas fini de rire !

De tout cœur,

Yves Daoudal

Commentaires

  • Merci !

    Ma réponse:

    http://theconnollycolumn.blogspot.com/2008/06/ma-rponse-yves.html

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