Se tenir en présence de Dieu et se mettre en la présence de Dieu, ce sont à mon avis deux choses; car pour s'y mettre il faut révoquer son âme de tout autre objet et la rendre attentive à cette présence actuelle. Mais après, quand on s'y est mis, on s'y tient toujours, tandis que, ou par l'entendement ou par la volonté, on fait des actes envers Dieu, soit en le regardant ou regardant quelque chose par amour de lui; ou en ne regardant rien, mais en lui parlant, ou ne le regardant ni parlant, mais demeurant simplement où il nous a mis comme une statue dans sa niche.
Si une statue que l'on aurait mise en une niche au milieu d'une salle pouvait parler et qu'on lui demande: Pourquoi es-tu là?
– Parce que, dirait elle, le statuaire mon maître m'a mise ici.
– Pourquoi ne te remues-tu point?
– Parce qu'il veut que j'y demeure immobile.
– A quoi sers-tu là?
– C'est pour servir et obéir à la volonté de mon maître.
– Mais tu ne le vois pas?
– Non, mais il me voit et prend plaisir que je sois où il m'a mis.
– Mais ne voudrais tu pas avoir du mouvement pour aller plus près de lui?
– Non, sauf s'il me le commande.
– Ne désires-tu donc rien?
– Non, car je suis où mon maître m'a mise, et son plaisir est l'unique contentement de mon être.