« Et voici qu'il y avait à Jérusalem un homme du nom de Siméon. Et c'était un homme juste et craignant Dieu, qui attendait la consolation d'Israël. »
Non seulement les anges et les prophètes, les bergers et les parents, mais encore les vieillards et les justes apportent leur témoignage à la naissance du Seigneur. Tout âge, l'un et l'autre sexe, les événements miraculeux en font foi : une Vierge engendre, une stérile enfante, un muet parle, Elisabeth prophétise, le mage adore, l'enfant renfermé dans le sein tressaille, une veuve rend grâces, un juste est dans l'attente. C'était bien un juste, car il attendait non son profit mais celui du peuple, désirant pour son compte être délivré des liens de ce corps fragile, mais attendant de voir le Promis : car il savait le bonheur des yeux qui le verraient.
« Maintenant, dit-il, laissez partir votre serviteur. » Vous voyez ce juste, enfermé, pour ainsi dire, dans la prison de ce corps pesant, souhaiter sa délivrance pour commencer d'être avec le Christ : car « être délivré et avec le Christ est bien préférable » (Phil., I, 23). Mais celui qui veut être libéré doit venir au Temple, venir à Jérusalem, attendre l'Oint du Seigneur, recevoir dans ses mains la Parole de Dieu et comme l'étreindre dans les bras de sa foi. Alors il sera libéré et ne verra point la mort, ayant vu la vie.
Vous voyez quelle abondance de grâce a répandue sur tous la naissance du Seigneur, et comment la prophétie est refusée aux incroyants, mais non pas aux justes. Voici qu'à son tour Siméon prophétise que Notre Seigneur Jésus-Christ est venu pour la ruine et la résurrection d'un grand nombre, pour faire entre justes et injustes le discernement des mérites et, selon la valeur de nos actes, nous décerner, en juge véridique et équitable, soit les supplices, soit les récompenses.
« Et ton âme, dit-il, sera traversée d'un glaive. » Ni l'Écriture ni l'histoire ne nous apprend que Marie ait quitté cette vie en subissant le martyre dans son corps ; or, ce n'est pas l'âme, mais le corps, qu'un glaive matériel peut transpercer. Ceci nous montre donc la sagesse de Marie, qui n'ignore pas le mystère céleste ; car « la parole de Dieu est vivante, puissante, plus aiguë que le glaive le mieux aiguisé, pénétrante jusqu'à diviser l'âme et l'esprit, les jointures et les moelles ; elle sonde les pensées du coeur et les secrets des âmes » (Héb., IV, 12) : car tout dans les âmes est à nu, à découvert devant le Fils, auquel les replis de la conscience n'échappent point.
Ainsi donc Siméon a prophétisé, une femme mariée avait prophétisé, une vierge avait prophétisé ; il fallait encore une veuve pour qu'il n'y manquât aucun genre de vie, aucun sexe. C'est pourquoi Anne nous est présentée : les mérites de son veuvage et sa conduite obligent à la juger tout à fait digne d'annoncer la venue du Rédempteur de tous. Ayant détaillé ses mérites en un autre endroit, dans notre Exhortation aux veuves, nous ne croyons pas devoir les reprendre ici, pressés que nous sommes d'aborder un autre sujet. Pourtant ce n'est pas sans intention qu'ont été mentionnés les quatre-vingt-quatre ans atteints dans son veuvage ; car ces sept douzaines et ces deux quarantaines semblent indiquer un nombre sacré.
(Saint Ambroise, traité sur saint Luc)