Sandro Magister reproduit sur son blog Chiesa l’intégralité du rapport du cardinal Kasper, lu en ouverture de la réunion des cardinaux sur l’œcuménisme, le 23 novembre dernier. Le président du conseil pontifical pour l’unité des chrétiens y fait le point, de façon à la fois précise et concise, de l’état des relations entre l’Eglise catholique et les autres confessions chrétiennes. C’est fort intéressant pour quiconque s’intéresse à cette question.
D’autre part, on y voit comment a été forgée la seule information donnée par les agences et par la presse, et que Le Monde retranscrivait ainsi, après avoir évoqué les « cinq réponses » de la congrégation pour la doctrine de la foi sur l’Eglise, qui avait suscité des remous chez les protestants :
« Désavouant ses collègues de l'ex-Saint-Office, le cardinal allemand Walter Kasper a jugé "souhaitable" de revoir "la forme, le langage et la présentation au public de telles déclarations". Ce souci a été pris en compte par les cardinaux qui ont souligné la nécessité "d'user de formes de communication attentives à ne pas blesser la sensibilité des autres chrétiens". »
Les citations qui ont été données proviennent de deux paragraphes (éloignés l’un de l’autre) du rapport du cardinal Kasper. Le premier est dans le chapitre sur « les relations avec les communautés ecclésiales issues de la Réforme », et dit ceci :« Les "Cinq réponses" publiées en juillet dernier par la congrégation pour la doctrine de la foi ont suscité la perplexité et une certaine mauvaise humeur. L’agitation qu’a engendrée ce document était en général injustifiée, puisque le texte ne dit rien de nouveau, mais réaffirme de manière synthétique la doctrine catholique. Cependant, il serait bon de revoir la forme, le langage et la présentation au public de ce genre de déclarations. »
Le second est dans le chapitre final sur les perspectives de l’œcuménisme :
« Ce n’est qu’en s’appuyant sur notre foi commune qu’il est possible de dialoguer sur nos différences. Cela doit se faire de manière claire mais non polémique. Nous ne devons pas heurter la sensibilité des autres ou les discréditer; nous ne devons pas mettre l’accent sur ce que nos interlocuteurs œcuméniques ne sont pas et ce qu’ils n’ont pas. Nous devons plutôt témoigner de la richesse et de la beauté de notre foi de manière positive et accueillante. Nous attendons le même comportement de la part des autres. »
On voit que l’interprétation qui a été faite des quelques mots sortis de leur contexte est très abusive. Dans le premier paragraphe, le cardinal Kasper commence par justifier les « Cinq réponses » et juger injustifiées les réactions. Ce qu’il dit ensuite sur la forme mérite réflexion. Le document en question, qui n’était pas du tout destiné à une large diffusion, et qui n’est pas un exposé, est constitué de réponses lapidaires à des questions précises, comme cela a toujours été fait dans ce genre de document de la congrégation pour la doctrine de la foi. Il est vrai que si la presse doit s’emparer de ces documents, et puisqu’elle s’empare désormais de tout, il serait sans doute judicieux d’en revoir la forme. Ou d’en donner une forme « publique ». Mais cela reviendrait à demander à la congrégation de rédiger une instruction chaque fois qu’on lui pose une question, et l’on peut se demander si c’est raisonnable...
En ce qui concerne le second paragraphe, on voit tout de suite qu’il n’est pas légitime d’isoler l’expression sur la « sensibilité des autres ». Si le dialogue implique de ne pas blesser l’autre inutilement, il implique aussi et d’abord de « témoigner de la richesse et de la beauté de notre foi », et le cardinal ajoute que nous attendons un même comportement positif de nos interlocuteurs : ce n’est pas à sens unique.