Conformément aux dernières volontés du cardinal Lustiger, le Kaddish des endeuillés a été récité sur le parvis de Notre-Dame avant la messe de ses funérailles.
Il pensait ainsi souligner qu’il était toujours resté juif, conformément à son idée que le christianisme est le judaïsme des païens : il était un juif qui était devenu catholique pour greffer des païens sur l’arbre d’Israël.
Mais l’interprétation obvie de la cérémonie n’était pas celle-là : on voyait que le cardinal Lustiger était juif sur le parvis de l’église, et qu’il était entré dans l’Eglise, laissant les juifs dehors sur le parvis.
Et c’est manifestement l’interprétation qui en a été faite par les autorités juives. A la mort du cardinal Lustiger, toutes les institutions juives ont fait son éloge et ont lui ont rendu hommage, mais il n’y avait aucun représentant officiel du judaïsme à la messe des funérailles (seulement un rabbin libéral).
Le contraste est saisissant. Et significatif.
Commentaires
votre interprétation du sens de la cérémonie est très intéressante et je n'en ai lu d'identique nulle part. il se trouve également que la loi juive interdisant de prier dans une église, l'orthodoxie juive restait sauve si le kaddish était récité sur le parvis. question non subsidiaire: un kaddish n'étant valide qu'en présence d'un quorum de 10 hommes juifs religieusement majeurs, rien n'indique que celui-ci le soit.
plus sérieusement: le véritable problème est que les instances juives n'ont rendu hommage qu'au cardinal qui a favorisé les relations judéo-chrétiennes, et non au religieux qui a mis en cause les Lumières et dénoncé le nazisme comme un paganisme.
il semble que Reconquête d'avril me cite: me l'enverriez-vous?
[YD : La Croix écrit: "D’un bloc, personnalités juives et membres de la famille s’avancent sur le parvis de Notre-Dame, autour du cercueil du cardinal Jean-Marie Lustiger. Un minyane, le groupe d’au moins dix hommes juifs, nécessaire à toute prière dans la tradition israélite."
A propos des Lumières, j'ai vu et entendu sur une chaîne de télévision Dominique Wolton nier que le cardinal Lustiger les aient mises en cause, alors qu'il l'a fait de façon très claire et remarquable dans "Le choix de Dieu", livre d'entretiens avec... Dominique Wolton.
Il est vrai que le même Dominique Wolton est le personnage qui dans un de ses livres m'avait accusé d'être un agent de la police politique roumaine parce que je me permettais de douter de l'anticommunisme de certains "dissidents"...
Envoyez-moi votre adresse par courriel et je vous enverrai volontiers le numéro de Reconquête.
daoudal@fr.oleane.com]
Est-on certain que c'était la volonté du défunt, y-a-t'il des écrits ?
Hier M l'abbé Xavier Beauvais à St Nicolas du Chardonnet a évoqué cette cérémonie comme caractéristique du faux oecuménisme, du syncrétisme (ce ne sont pas ses mots propres), en tout cas j'ai interprété son sermon comme une démonstration que l'Eglise hélas persiste dans ses erreurs conciliaires, à cette occasion comme en d'autres.Et personnellement je pense que considérer touours un cardinal comme un adepte de la religion juive est pour le moins paradoxal et que c'est là un camouflet donné par la famille et la religion d'origine de Mrg Lustiger.Qu'en pensent les autres lecteurs ou vous-mêmes ? J'étais à Ntre Dame des Victoires où était retransmise la cérémonie sur écran avec une assistance notable, je ne rejète pas tout de l'église actuelle mais tout de même je suis très troublé par cette insistance sur la judéité du défunt.
Comme l'a précisé votre premier commentateur, cela me semble cohérent que les représentants des religieux juifs n'aient pas assisté à l'intérieur de la cathédrale à la messe du défunt Cardinal Lustiger.
Ce que votre second commentateur semble totalement ignorer c'est qu'être juif n'est pas nécessairement pratiquer le judaïsme, ce que Monseigneur Lustiger avait lui-même très bien expliqué : juif il était né, juif il était resté, même s'il avait choisi de se faire baptiser (ce qui n'a pas été sans déplaire et choquer beaucoup, mais il reste que c'était son choix).
Ce qui est une religion (le catholicisme) ne l'a pas privé de son identité, telle que sa naissance l'a forgée. Si je comprends bien, un catholique le devient par le baptême, mais cela ne retire en rien l'identité d'une personne.
La majorité des personnes qui ne sont pas juives semblent avoir beaucoup de mal à concevoir que la judéité n'est pas une religion.
Un autre point aussi, les Juifs n'ont pas de clergé. Il se trouvait peut-être beaucoup de personnes juives qui ont choisi d'assister à la messe d'enterrement de J.M. Lustiger, et cela me semble normal que les représentants "officiels" comme vous le dites dans votre billet n'aient pas ouvertement transgressé un interdit religieux, c'est en le faisant qu'ils auraient brouillé le message.
C'était effectivement la volonté de Lustiger que le kaddish soit dit. C'est une affirmation de l'existence de Dieu, de plus il est dit en araméen, la langue vernaculaire de Jésus, il n'y a absolument rien de choquant pour un chrétien que d'entendre cette très belle prière.
Jésus parlait l'araméen et le latin (avec les Romains), il parlait grec avec les lettrés et il lisait l'hébreux (langue morte à son époque) dans la synagogue comme langue liturgique et de la bible.
L'oecuménisme est une façon nouvelle d'envisager les religions acatholique, il n'est nullement une erreur.
A Merlin : « les religions acatholique » ; qu’entendez-vous par là ? Je ne comprends pas ce que vous voulez dire à propos de l’œcuménisme. Pourriez-vous préciser votre point de vue? D’avance merci.
Cher Monsieur abad,
Merci de la confiance que vous voulez bien me témoigner.
I Sur le cardinal Lustiger : il a béni spécialement une de mes filles et lui a dit "tu as de beaux yeux, tu sais", alors qu'elle n'était qu'une enfant. Il est à cette occasion devenu mon bienfaiteur. Je me fiche donc bien qu'il ait fait réciter le kaddisch (en araméen ou dans n'importe quelle langue qui lui aurait plu), avec ou sans dix Juifs et même je ne l'en aime que plus puisqu'il a montré ainsi son culte pour ses ancêtres et sa culture. Il a montré qu'il aimait les siens. Quel plus bel exemple ? Il a gagné encore plus mon admiration lors de sa dernière intervention publique où il a averti ses amis de l'Académie Française qu'il allait mourir. Il a mis alors en évidence le fameux courage juif.
Donc juif et chrétien et en qualité de juif et de chrétien, c'est un père et un bienfaiteur qui, pour moi, s'en est allé.
Je déteste donc toute cette littérature intégriste avec ces allusions stupides au complot-juif-qui-veut-détruire-l'Eglise (d'ailleurs diffusée par un anarchiste, l'illustre Henri Coston). Ce sont des mensonges et diffamations pernicieux qui font tant de mal à leur propagateurs quand ce n'est pas au Juifs.
Je ne peux, en outre, non plus être antisémite depuis qu'un Juif (genre "armoire à glace") a sauvé deux de mes filles d'un individu inquiétant et cela au péril de son intégrité physique, voire de sa vie. Ce jeune homme est mon prochain in aeternum.
II Pour ce qui de l'oeucuménisme.
Autrefois, disons approximativement avant Vatican II, l'Eglise priait pour la conversion des acatholiques (c'est-à-dire de "a" privatif : ceux qui ne sont pas catholiques) à l'unique religion du Christ. Cette prière était formulée surtout lors du Vendredi Saint. Tout en respectant les personnes, elle permettait de penser (sans vraiment prendre position) que les religions a-catholiques étaient oeuvre du démon.
Saint Pie X aurait dit "la synagogue, c'est maman, maman a mal tourné, mais elle reste maman." Cela était un premier pas vers l'oecuménisme, c'est-à-dire vers la nouvelle attitude au regard des religions non-catholiques.
Le cardinal Newman, en effet, au cours du XIXème siècle avait fait observer que l'attitude purement négative à l'égard des religions non-catholiques n'était un regard ni charitable ni vrai (culture de seconde main, veuillez m'excuser, je n'ai pas lu le cardinal, d'ailleurs peu importe cet aspect historique de la question.)
Donc l'Eglise a changé de regard, c'est l'oecuménisme. Ainsi on voit les orthodoxes faisant observer l'importance de la tradition, l'importance de Dieu qui illumine, la réalité de la mutiplicité des théologies toutes orthodoxes, toutes valides, les protestants nous montrant l'importance de la foi, mais aussi de la dignité et de la liberté humaine, l'importance de l'Ecriture, les Juifs nous montrent l'importance de leurs ancêtres chargés de la parole qu'il ont transmise à la gentilité, l'importance de la raison dans la méditation rationnelle de la parole de Dieu (Talmud), leur importance dans notre culture occidentale, les musulmans nous montrent la majesté de Dieu, les animistes apportent un regard sur les mystères quotidiens de la vie, les bouddhistes nous font remarquer l'importance de la morale et de la méditation, les rationalistes l'importance de la raison dans la vie de l'homme, les athées nous enseignent le mépris des superstitions ainsi que la nécessaire lutte contre elles.
Bref, au lieu de dire il manque aux athées la foi en Dieu et aux rationalistes la dernière démarche de la raison, (c'est-à-dire qu'elle ne peut tout expliquer), le boudhisme est insuffisant etc. on voit la différence positive.
On observe que toutes les idées des autres religions non-catholiques sont préchées dans et par la religion catholique, unique religion qui assume toutes les vérités des autres religions. On observe donc que s'ils prêchent Jésus-Christ et font le bien, il ne faut pas les en empêcher, il faut s'en féliciter. Il ne faut pas faire de prosélytisme, il faut proposer.
C'est ce que je crois avoir compris de l'oecuménisme avec lequel je suis évidemment d'accord.
Je suis aussi tout à fait d'accord avec la liberté religieuse, autre "bête noire" des intégristes.
Les "intégristes catholiques" eux ont sans doute pour rôle, dans l'Eglise, et même au dehors, de mettre en évidence qu'il ne faut pas condamner nos ancêtres dans la foi, ni nos traditions (sauf celles contraires à la raison ou au développement de la foi), ni nos nations catholiques. Ils font progresser la réflexion théologique et philosophique par leurs fausses objections. J'ai donc une attitude positive envers eux, tout en déplorant leurs scandaleuses erreurs que j'ai partagées (au moins certaines) parce que je me suis trompé, mais aussi, j'ai été trompé.
Cher Merlin, merci infiniment pour cette longue réponse, très détaillée et si personnelle, ce qui la rend à mes yeux encore plus estimable. Elle me permets de mieux comprendre ce que vous avez voulu dire dans votre précédent message. Je ne m’aventurerai pas à discuter les principes religieux que vous présentez dans votre raisonnement, étant moi-même peu croyant et peu au fait de ces questions. Permettez-moi cependant de relever deux affirmations qui m’ont étonné.
1) Vous semblez penser que les catholiques traditionalistes sont intolérants. Pour fréquenter de temps à autres ces messes cela me paraît franchement inexact et ils sont au contraire victimes de persécutions, avec notamment l’interdiction fréquente de leur messe. En revanche, l’histoire en général et singulièrement celle de la France, et y compris les jours que nous vivons actuellement, montre que ce sont les athées qui se révèlent les plus intolérants.
2) Vous étendez, si j’ai bien compris, l’œcuménisme à l’athéisme. Quels que soient les mérites des athées, je ne vois pas comment on peut réunir dans une même église des croyants et des non-croyants, sauf à penser que les discours de chacun d’eux sont vides de sens.
Voilà, mon cher Merlin, mes réactions à chaud, et j’espère avoir le plaisir de vous lire à nouveau bientôt.
Amicalement.
Merci à Monsieur Daoudal d'acueillir notre débat qui prend une tournure privée.
Non je ne pense pas que les catho-tradi sont intolérants. Je pense qu'ils condamnent injustement la nouvelle politique, la nouvelle orientation de l'Eglise, des papes et qu'ils condamnent follement la liberté religieuse au nom de la doctrine traditionnelle, alors que la liberté religieuse est une doctrine traditionnelle de l'Eglise.
Je pense comme vous qu'ils sont victimes de persécutions injustes de la part de la hiérarchie ecclésiastique et des catholiques "progressistes". Mais cela n'est pas une affaire de théologie. Il existe chez eux des fanatiques (comme il en existe partout) et il existe des fanatiques parmi les catholiques "progressistes". Paul VI, avec le respect que je lui dois et les qualités intellectuelles qui étaient les siennes était une sorte de fanatique (selon moi).
Bien sûr les athées sont incroyants (en Dieu) on ne peut leur demander de prier, mais ils illustrent un des aspect de l'Eglise : Il est nécessaire de lutter contre la superstition. J'ai ajouté cette catégorie audacieusement pour illustrer la nouvelle façon que l'Eglise a d'aborder les non-catholiques : le dialogue.
La position des "catholiques traditionalistes" augmente la confusion, est profitable (en un sens) aux "progressistes", car ils condamnent ce qui est leur chance : la liberté.