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Saint Jean de Saint-Facond

« En ce temps-là Salamanque était tellement divisée par les factions, que toutes les lois divines et humaines s'y trouvaient confondues ; des meurtres avaient lieu presque à chaque heure ; les rues, les places publiques, les églises même, regorgeaient du sang de personnages de tout ordre et surtout des nobles. Jean parvint à calmer les esprits par ses discours publics et ses entretiens privés, et il ramena la tranquillité dans la ville. »

Noble enfant de la catholique Espagne, il prépara les grandeurs de sa patrie, non moins que ne le firent les héros des combats où le Maure succombait sans retour. Au moment où s'achevait la croisade huit fois séculaire qui chassa le Croissant du sol ibérique, lorsque les multiples royaumes de cette terre magnanime se rassemblaient dans l'unité d'un seul sceptre, l'humble ermite de Saint-Augustin fondait dans les cœurs cette unité puissante inaugurant déjà les gloires du XVIe siècle. Quand il parut, les rivalités qu'un faux point d'honneur excite trop facilement dans une nation armée, souillaient l'Espagne du sang de ses fils versé par des mains chrétiennes ; la discorde, abattue par ses mains désarmées, forme le piédestal où il reçoit maintenant les hommages de l'Eglise.

Vous méritiez, bienheureux Saint, d'apparaître au ciel de l'Eglise en ces semaines qui relèvent immédiatement de la glorieuse Pentecôte. Longtemps à l'avance, Isaïe, contemplant le monde au lendemain de l'avènement du Paraclet, décrivait ainsi le spectacle offert à ses yeux prophétiques : « Qu'ils sont beaux sur les montagnes les pieds des messagers de la paix, des porteurs du salut disant à Sion : Ton Dieu va régner ! » C'étaient les Apôtres, prenant pour Dieu possession du monde, qu'admirait ainsi le Prophète ; mais leur mission, telle qu'il la définit dans son enthousiasme inspiré, ne fut-elle pas aussi la vôtre ? Le même Esprit qui les animait dirigea vos voies ; le Roi pacifique vit par vous son sceptre affermi dans une des plus illustres nations formant son empire. Au ciel où vous régnez avec lui, la paix qui fut l'objet de vos travaux est aujourd'hui votre récompense. Vous éprouvez la vérité de cette parole que le Maître avait dite en pensant à ceux qui vous ressemblent, à tous ceux qui, apôtres ou non, établissent du moins la paix dans la terre de leurs cœurs : « Bienheureux les pacifiques ; car ils seront appelés fils de Dieu ! » Vous êtes entré en possession de l'héritage du Père ; le béatifiant repos de la Trinité sainte remplit votre âme, et s'épanche d'elle jusqu'à nos froides régions en ce jour.

Continuez à l'Espagne, votre patrie, le secours qui lui fut si précieux. Elle n'occupe plus dans la chrétienté cette place éminente qui fut la sienne après votre mort glorieuse. Persuadez-la que ce n'est  pas en prêtant l'oreille  toujours plus aux accents d'une fausse liberté, qu'elle retrouvera sa grandeur. Ce qui l'a faite dans le passé puissante et forte, peut toujours attirer sur elle les bénédictions de Celui par qui règnent les rois. Le dévouement au Christ fut sa gloire, l'attachement à la vérité son trésor. La vérité révélée met seule les hommes dans la vraie liberté ; seule encore, elle peut garder indissolublement uni dans une nation le faisceau des intelligences et des volontés : lien puissant, qui assure la force d'un pays en dehors de ses frontières, et au dedans la paix. Apôtre de la paix, rappelez donc à votre peuple, apprenez à tous, que la fidélité absolue aux enseignements de l'Eglise est le seul terrain où des chrétiens puissent chercher et trouver la concorde.

(Dom Guéranger, Année liturgique)

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