Plusieurs fabricants artisanaux réputés de camembert (dont Graindorge, Gillot, Réault) ont décidé de créer un nouveau syndicat de fromagers AOC, tandis que le comité de défense du véritable camembert, créé fin avril, a réuni des centaines de signatures pour « sauver le produit français le plus populaire dans le monde ».
Ces initiatives répondent aux manœuvres des fabricants industriels, Lactalis (Lepetit, Lanquetot) et Isigny-Sainte-Mère, qui ont annoncé en mars leur sortie de l’AOC tant que le cahier des charges les obligerait à... utiliser du lait cru. Car un contrôle des services de la répression des fraudes a mis au jour, fin 2006, que les grandes marques chauffaient ou microfiltraient le lait. Les industriels ont alors demandé en catastrophe que soit modifié le cahier des charges. Mais ils se sont naturellement heurtés au refus de l’Institut national de l’origine et de la qualité, intransigeant gardien des principes de l’AOC.
Autrement dit, les camemberts « au lait cru » des grandes marques ne sont plus au lait cru. Il s’agit de « mieux maîtriser le risque sanitaire », prétendent leurs représentants. Mais « le lait cru permet d’avoir des arômes, une texture et un goût très particulier », rappelle Thierry Graindorge. Certes, ajoute-t-il, le lait cru pose des problèmes techniques aux industriels : « Nos fromageries font 9.000 camemberts par jour, chez Lepetit ou Lanquetot, c’est plus de 100.000. Le suivi de la qualité ne peut pas être le même. »
Cela dit, le directeur de l’Inao de Caen explique que si les services de répression des fraudes ont trouvé des unités de microfitraltion et de pasteurisateurs chez les industriels, ils en ont trouvé aussi chez certains petits producteurs qui réclament le maintien du lait cru...
Selon Philippe Lepetit, héritier de la marque rachetée en 1978 par Lactalis, « tout le monde triche, les petits peut-être moins que les gros, mais pour des raisons économiques on s’est éloigné du véritable camembert ».