L’archipel d’Aaland (27.000 habitants) menace de... rejeter la Constitution européenne. Vu de chez nous, cela paraît sans intérêt, et même sans objet, puisque la Constitution européenne est morte. Vu de Finlande, il en va autrement, puisque si ce pays (auquel appartient Aaland) a ratifié la Constitution , cela n’engage pas l’archipel. En effet, ces 6.500 îles suédophones, qui ont été suédoises, puis russes, et attribuées à la Finlande en 1921, bénéficient d’une large autonomie, au point qu’il revient à leur gouvernement de ratifier les traités internationaux auxquels s’associe la Finlande. Ainsi l’archipel a-t-il voté son adhésion à l’Union européenne en 1995, la même année que la Finlande , mais par un scrutin distinct, et en imposant une dérogation en matière fiscale.
Or la contestation de l’Union européenne ne cesse de gagner du terrain sur l’archipel, qui est pourtant la région la plus riche de Finlande et l’une des plus riches d’Europe.
Les habitants d’Aaland sont traditionnellement des pêcheurs. Or la flotte de pêche est aujourd’hui dix fois inférieure à ce qu’elle était avant l’adhésion à l’Union européenne. Les directives de Bruxelles ont purement et simplement ruiné la pêche d’Aaland. Et si le port de Mariehamn (la seule ville de l’archipel) a été entièrement rénové grâce à des fonds européens, la belle pancarte bleue aux étoiles jaunes qui le rappelle ressemble pour les habitants à une provocation, car le port ne sert quasiment plus à rien...
En réalité, Aaland n’a pas besoin de la pêche pour vivre. Sa richesse vient de l’exception fiscale qui transforme en jackpot chacun des ferries qui, en faisant la liaison entre la Suède et la Finlande , font un détour par les eaux territoriales de l’archipel pour la vente de produits en « tax free »...
Mais les habitants n’acceptent pas de voir leur activité séculaire disparaître à cause des réglementations européennes. De même, les nombreux chasseurs (plus d’un habitant sur sept) ne supportent pas les contraintes de la Commission européenne.
Résultat : le parti indépendantiste, forcément considéré comme folklorique lors de sa fondation il y a trois ans, séduit aujourd’hui un tiers des habitants, selon un récent sondage, et pourrait faire une grosse percée aux prochaines élections du Parlement local.
La petite classe politique installée ne veut évidemment pas de l’indépendance, mais tient compte du ressentiment croissant de la population. C’est pourquoi elle en vient à menacer de ne pas ratifier la Constitution européenne, si... elle ne dispose pas d’un siège de député européen. Revendication rejetée à Helsinki, où l’on fait valoir que la Finlande dispose de 14 sièges, soit un pour 375.000 habitants, alors que l’archipel n’en compte que 27.000. A quoi Aaland rétorque naturellement que son statut d’autonomie n’est pas fondé sur la démographie...
Et si un accord n’est pas trouvé, les îles d’Aaland pourraient se retrouver hors de l’Union européenne. Ce qui serait un précédent dont l’importance serait sans commune mesure avec la démographie de l’archipel. Mais on n’en est pas encore là, puisqu’il faudrait déjà qu’il y ait une Constitution européenne.