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Quand même…

La Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) a rejeté le 17 février la plainte d’une femme née en Pologne, vivant en France, « devenue homme à l’état civil », qui voulait que son sexe soit modifié sur son acte de naissance. La demande a été rejetée. La Pologne avait fait valoir que « le certificat de naissance est un enregistrement de la naissance telle qu’elle s’est produite », et la CEDH a reconnu que l’Etat est en droit de conserver « des registres de naissance exacts ».

Commentaires

  • C'est très intéressant. Nous abordons ici la question de deux philosophies présidant à l'inscription des identifiants de la personne à l'état civil, dans la diversité des États (de l'U.E). Cette pluralité de philosophies résulte de la marge d'appréciation des États reconnue par la CEDH, au regard d'une absence de consensus de ces États membres du Conseil de l'Europe.

    Quelques sources majeures :
    CEDH (Cour plénière), arrêt Rees c. R-U, 10/10/1986, n.38-47.
    CEDH (Cour plénière), arrêt Botella c. France, 25/03/1992, n.51-52.

    1. La philosophie historiciste
    Elle préside à l'établissement/inscription des faits au moment où ils se sont produits et seulement à ce moment. C'est le cas au Royaume-Uni, et ici, en Pologne, pour la mention du sexe. Les États qui ont adopté ce système sont reconnus légitimes par la CEDH à le conserver pour des raisons suivantes :
    - Un risque de bouleversement général de l'ordre public au motif de satisfaire à des requêtes particulières ;
    - L'illisibilite des actes par les personnes habilitées de la puissance publique (mairies, armées, fisc, organismes de retraite...) ;
    - L'illisibilite des actes par des personnes privées fondées à en connaître (descendants, héritiers, employeurs privés cotisants, tiers créanciers...).

    Cependant, dans le système en vigueur au Royaume-Uni, le changement des nom et prénom peut s'inscrire dans de nombreux documents officiels de toute nature, en sorte que la violation de la vie privée (Conv. EDH art.8) se rencontre rarement en pratique. Je ne connais pas les mesures d'atténuation prévues par les lois polonaises.

    2. La philosophie actualisante
    Elle préside à l'actualisation des faits au moment de leur modification. C'est le cas en France pour la mention du sexe depuis 1992. Attention : la modification n'a aucun effet rétroactif sur l'état civil des enfants ni sur l'acte de mariage s'ils sont antérieurs au changement de sexe. Le changement est porté en mention marginale de l'acte de naissance, par voie de publicité. Or, en France, la possibilité d'un changement de prénom en marge de l'état civil, reflétant un changement juridique de sexe (l'accessoire suivant le principal), n'a été possible qu'à partir de 1992 (arrêt CEDH Botella + 2 arrêts de la Cass.). On remarquera que la modification qui s'inscrivait dans la philosophie actualisante de l'état civil français, diminuait dès lors les violations de la vie privée, sauf consultation restreinte des actes. Au fond, à mon estimation certes critiquable, cela revenait au même résultat pratique qu'en régime anglais et peut-être polonais (à vérifier pour les détails).

    Cette description juridique ne dit absolument pas ma préférence morale et juridique. Elle fait comprendre de l'intérieur les critères adoptés par la CEDH ou la Cass., c'est à dire par les juridictions compétentes. Mon prof de droit français des personnes (prêtre à l'ICP), nous disait souvent : "vous n'êtes pas obligés d'être d'accord, moi-même je ne suis pas d'accord, mais ce sont les critères du droit positif et je dois vous enseigner à les comprendre et à les commenter". Au fond, ces décisions accompagnent mal des souffrances parfois réelles, par l'affirmation d'une pure autarcie de la conscience, dans une référence à la dignité humaine issue de considérations purement historiques (1939-1945) et non de la loi naturelle. V.. Benoît XVI, discours à l'ONU, 18 avril 2008, sur le fondement de la loi naturelle et les perversions utilitaristes, subjectivistes et positivistes de la proclamation des droits.

  • Le "changement de sexe" est un exemple de ces termes ou expressions idéologiquement forgées en négation de la vérité. Novlangue ou plutôt langue de bois.
    Si l'on parlait de travestissement chirurgical irréversible, ce serait plus juste et moins de désaxés s'y laisseraient prendre. On peut en dire autant de "l'intelligence artificielle". L'humanité pète beaucoup plus haut que son derrière.

  • Et le plus souvent (même si ici ce n'est pas le cas), il n'y a aucun geste chirurgical. Pardon d'être grossier mais désormais dans les prisons et les vestiaires sportifs aux Etats-Unis on parle de "femmes à bite", et c'est pourquoi on distribue des préservatifs dans les prisons de femmes.

  • Ben non. La détermination médicale du sexe est rarement, mais parfois difficile. Les imprécisions et ratés de la nature, ça existe, même d'un point de vue chromosomique. Alors le droit supplée à l'approximation des faits pour les inscrire dans un système binaire stable. C'est contesté par les tenants du sexe indéterminé, mais pour l'heure, le droit français a rejeté les demandes en ce sens.

    La jurisprudence française a longtemps rejeté le changement de sexe et même de nom et de prénom au titre de l'indisponibilité de l'état des personnes, ce qui reflétait la réception par le droit de l'état de nature et de la condition historique de la personne. L'évolution du droit tend malheureusement à seconder la révolte des subjectivités contre la nature (et contre tout déterminisme) en multipliant les définitions de l'appartenance sexuelle (jusqu'au sexe purement subjectif) et en abolissant les exigences médicales ouvrant à la possibilité de constater judiciairement un changement de sexe. On n'est plus très loin de la simple déclaration d'intention (et cela prépare la légalisation hideuse du changement de sexe chez des enfants).

    Vous n'aimez pas l'expression ? Moi non plus. Mais combattre les erreurs en connaissance intérieure de leur terminologie, des raisonnements qu'elles induisent et de leurs fondements vicies, permet de comprendre l'époque avec précision et d'y apporter remède avec humilité. Sans compter qu'il faut accompagner d'un point de vue pastoral (et canonique) les personnes qui sont parfois douloureusement dans cette transsexualité et demandent des sacrements à l'Eglise ou d'autres remèdes du salut. Là, j'ai un confrère qui prépare un mémoire sur la question. L'appartenance au catholicisme n'interdit pas d'être intelligent ni d'être prudent et charitable, dans la poursuite effective du salut des âmes (c.1752 /CIC) à laquelle tous sont appelés.

  • Je ne contestais pas vos observations juridiques, même s'il est vrai que c'est vous qui avez parlé de changement de sexe sans guillemets. Tout le monde - à part vous, semble-t-il - a bien compris que mon propos ne visait pas les rares cas que vous évoquez dans ce dernier post (cas qui relèvent plutôt, me semble-t-il, d'une difficulté d'assignation due à des anomalies physiologiques, chromosomiques ou que sais-je encore...) mais bien l'épidémie de "changements de sexe" liée à l'absurde théorie du "genre" et promue par des gouvernements criminels au mépris de toute raison.

  • Pour la question du salut, bien que le travestissement (au sens où nous l'entendons ici) ait été très longtemps condamné par l'Eglise, je vous accorde que le repentir est toujours possible et que Dieu peut assurément pardonner n'importe quel péché.
    Mais ce n'est pas très révolutionnaire sur le plan théologique...

  • "le travestissement (au sens où nous l'entendons ici)"
    Un catholique de sexe mâle n'a pas à s'habiller en femme, même au carnaval de Dunkerque. La réciproque est vraie également.

  • Ben oui. Le passage du sexe au genre anéantit le champ métajuridique de la nature pour ne retenir que les subjectivités autarciques, individuelle et collective, comme sources de droit, sans aucun préalable ontologique résultant de la réception de l'être. C'est la consécration de la notion de droit comme revendication des droits exclusivement issus de la subjectivité individuelle et du droit comme loi exprimant la "volonté générale". Ces approches du droit sont expliquées et réfutées par Michel Villey, dans sa "Philosophie du droit", d'inspiration aristotélicienne et thomiste et pas du tout "droitdel'hommiste". Pour la théologie du corps de Jean Paul II anéantissant d'avance la théorie du genre, v. l'exposé de M. Daoudal sur le sujet. Comme je parlais du changement de sexe dans la perspective ou à l'intérieur des droits positifs nationaux et européen pour en rendre compte avant de prendre mes distances, je n'ai pas prêté attention à la typographie. Pour l'accès des transsexuels aux biens spirituels de l'Eglise, en particulier aux sacrements, ce n'est pas si simple, s'agissant de l'accompagnement spirituel et canonique des personnes. Il m'est arrivé de devoir fournir un argumentaire canonique au vicaire général d'un diocèse français, sur demande de ma Faculté, à cause de mon intérêt et de mon information sur le transsexualisme, surtout dans les droits séculiers (France et Europe). Il faut connaître ces textes juridiques et les traces qu'ils laissent dans les consciences, surtout de ceux qui sont passés par là reassignation sexuelle chirurgicale dans le déroulement d'une procédure judiciaire (avec la forte revendication qui s'y attache). Dans l'accompagnement des consciences et des situations canoniques, aucune approximation n'est conseillée. D'autre part, la confusion entre un désordre objectif et la commission d'un péché n'est pas tenable. Il y a 3 conditions pour commettre un péché mortel, n'est-ce pas ? Après, on fait ce qu'on peut, avec l'aide de Dieu et de l'Eglise. Par exemple, dans mon rapport à fournir à ce diocèse, j'ai dû argumenter sur l'incapacité juridique de contracter mariage pour un transsexuel. Et la grande difficulté dans l'Eglise actuelle est de faire comprendre qu'il ne s'agit pas de l'idée que je me fais du mariage, mais du mariage tout court dans l'objectivité de ses éléments essentiels. Ce subjectivisme et ce relativisme ambiants (cf. Benoît XVI) rendent parfois délicats la réception de ces positions classiques et consistantes de la part d'autorités ecclésiastiques éprises de "pastooooraaaale". Mais bon, ils m'avaient gentiment remercié pour mon travail et après, c'était leur affaire. L'idoneite d'un transsexuel "des deux sexes et autres" (cf. Balzac, Le Père Goriot, prologue) à recevoir le sacrement de l'Ordre n'a pas fait partie de mon rapport. Faudra que je me penche là dessus. Un canoniste s'intéresse à tout ou presque, avec humour et précision.

  • Merci pour ces précisions. Sur la question que vous soulevez de la capacité pour un "transsexuel" à recevoir l'ordination, j'espère en effet que c'est de l'humour. Sinon, Le Livre de Gomorrhe de saint Pierre Damien, certes du XIe siècle, vous renseignera là-dessus : la cura animarum, ou même la vie en commun dans le cadre d'un monastère, sont interdites par l'Eglise aux personnes, même repenties, qui ont vécu avec pertinacité dans le péché contre-nature. Il s'agit là d'une mesure dont le bon sens prophylactique ne vous échappera pas.

  • Pour le droit français du changement de sexe à l'état civil, v. "service-public.fr" :
    1. Conditions
    - être majeur ou mineur émancipé
    - offrir DES preuves de contrariété entre son sexe inscrit à l'état civil et son sexe "social", à savoir : le sexe dans lequel la personne se présente ET le sexe dans lequel elle est perçue
    - OU BIEN un certificat médical prouvant un développement génital contraire à la mention du sexe portée à l'état civil.

    2. Décision et recours
    Tribunal judiciaire ( il s'agit d'une modification substantielle de l'état civil).

    3. Effets si acceptation
    -Modification de l'acte de naissance de la personne par publicité du jugement en mention marginale
    -Modification de l'acte de mariage et de l'acte de naissance du conjoint avec l'accord du conjoint
    -Modification de l'acte de naissance des enfants majeurs avec leur consentement
    -Modification de l'acte de naissance des enfants mineurs avec le consentement des 2 parents (acte grave de l'autorité parentale).

    Réflexion : l'abandon de la condition sine qua non de la reassignation sexuelle chirurgicale multiplie le phénomène des "femmes à pénis" , avec la prééminence de la notion de "sexe social". V. le développement hideux et prévisible du transsexualisme chez les enfants. Sur le terrain de l'établissement de la filiation, on n'est pas sorti de l'auberge. Pour l'instant, la Cass. ne permet pas d'établir deux filiations maternelles contraires, sauf par la voie de l'adoption plénière de l'enfant du conjoint ayant accouché, l'adoptant ayant lui-même procréé ! Hors ce cadre matrimonial entre femmes à l'état civil, la seule voie ouverte à la "femme à penis' est la filiation par reconnaissance ou par présomption, mais de paternité.

    Sans aller plus loin, nous entrons ici dans un régime de filiations équivoques et invraisemblables. D'autant plus que les filiations postérieures au changement de sexe suivront un régime opposé aux filiations antérieures, dans lesquelles l'état civil de l'époque ne pourra être aboli, mais seulement modifié en mention marginale. Bonjour l'unité civile de la fratrie... Pour résumer, on peut dire que tout ce bordel social et psychique a été rendu possible par deux facteurs : l'adoption plénière par une personne seule (et en couple homosexuel affiché après l'adoption) et plus tard, l'ouverture du mariage aux couples de personnes de même sexe (17 mai 2013).

    En son temps, dans son Discours préliminaire, Jean Étienne Marie Portalis (qui n'était pas un Père de l'Eglise) disait : "nous trouverons dans la nature des indications pour le gouvernement des hommes".

  • Pouvez-vous nous rappeler aussi les 3 conditions pour qu'il y ait péché mortel ?

  • Saint Pie X en donne deux, l'une objective (gravité de la matière) et l'autre subjective (connaissance de commettre le péché).
    Dans les trois conditions, faut-il ajouter la pleine liberté à la pleine conscience et au plein consentement ? Cela me semble douteux. Quid des chrétiens qui ont préféré l'abjuration au martyre ?

  • Pardon, c'est plutôt la notion de plein consentement qui serait douteuse.

  • Bonjour : V. CEC n.1857
    1. Matière grave.
    2. Pleine connaissance
    3. Propos pleinement délibéré

    N.B. les délits canoniques sont tous des péchés mortels. Mais tous les péchés mortels ne sont pas des délits canoniques. Condition pour un délit :
    1. Élément matériel : acte grave
    2. Élément légal : comportement prévu par la loi et assorti d'une peine ou sanction canonique
    3. Élément moral :
    A) Pleine connaissance de la gravité du délit et de l'existence de la peine
    B) Acte accompli de propos pleinement délibéré

    Bon c'est le schéma général du péché mortel (domaine moral) et du délit (domaine canonico-moral).

  • Propos pleinement délibéré ?
    S'agit-il de la pleine conscience et du plein consentement "exigés" par le catéchisme de l'Eglise catholique ? Si oui, comme il semble, cela pose aussi le problème du pistolet sur la tempe : si je marche sur la Croix pour ne pas être livré aux fauves, est-ce de propos pleinement délibéré ? Saint Pierre a-t-il renié le Christ de propos pleinement délibéré ?
    Pour autant, je sais que le Christ peut me demander la vie pour la défense de son nom. Si je le renie par faiblesse et par couardise, c'est certainement un péché mortel

  • Dans ces domaines compliqués, parce qu'il s'agit d'appliquer la règle générale au cas d'espèce dans les circonstances de l'espèce pour prononcer un jugement juste, la seule considération de la matière grave est insuffisante. En morale comme en droit, la considération des circonstances objectives et subjectives (l'élément moral) est nécessaire. C'est pourquoi il peut y avoir un acte moral grave sans péché mortel (d'un point de vue moral) ou sans délit (d'un point de vue juridique), lequel est toujours un péché mortel. Au fond, il faut savoir ce qu'est un acte humain et en tenir compte. Il faut ensuite évaluer les conditions objectives et subjectives de sa commission.. Certaines exemptent, d'autres diminuent, d'autres augmentent la responsabilité.

    Celui qui se saoule puis cause un accident mortel n'est pas exempt de faute consciente et volontaire relativement à l'accident, car il a créé volontairement une situation permettant à l'accident pourtant involontaire de se produire. Toujours d'un point de vue objectif, s'agissant de l'avortement, il faut faire la différence entre l'adulte et la fille de 16 ans (c'est pourquoi le CIC de 1983 pose une condition légale d'âge, à savoir 18 ans, pour encourir une peine canonique pleine et entière).

    D'un point de vue subjectif, il faut savoir si la personne avait une connaissance suffisante de la gravité de l'acte ou de l'existence d'une peine attachée par l'Eglise à la gravité de l'acte. Il faut aussi savoir dans quelle mesure et à quel degré elle a agi de propos délibéré ou sous la pression, par exemple des parents. Tout le monde n'est pas égal devant la crainte. Tout le monde n'est pas né dans un milieu catho formateur de l'intelligence et du caractère, même si une éducation catholique authentique est un bien très précieux pour les enfants et les jeunes.

    Donc, le critère de la matérialité de l'acte est nécessaire mais insuffisant pour produire un jugement correct, moral ou juridique. La raison de cette insuffisance se trouve dans la structure même de l'acte humain. Pour reprendre votre exemple, l'apostasie demeure un mal grave en toutes circonstances. Mais elle n'est pas un péché mortel ni un délit ouvrant à une peine (c.1364 /CIC) en dehors d'une appréciation des circonstances objectives et subjectives. Dans cette appréciation, le prêtre au for interne ou le juge ecclésiastique au for externe visent à aider la personne à produire une juste appréciation de son comportement en vue de son amendement. Votre question étant judicieuse, j'ai fait ce qu'un prêtre sait faire et j'ai fait ce que j'ai pu (v. Pierre Schoendoerffer, "L'honneur d'un capitaine", 1982).

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