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Notules sur un concile (34) "Gravissimum educationis"

La déclaration « sur l’éducation chrétienne » (sur l’école catholique, en fait) se retrouve un peu comme une âme en peine, à la fin des textes du concile. Alors que les deux autres déclarations se penchent sur des réalités largement extérieures à l’Eglise, celle-ci concerne au contraire un aspect particulier de la vie interne de l’Eglise.

On peut y voir une pierre de touche de l’apostasie de tant de responsables de l’école catholique qui au nom du concile ont fait le contraire de ce que prône la déclaration conciliaire, supprimant le caractère propre de l’école catholique quand le concile y voyait évidemment un élément essentiel.

Mais en lisant attentivement la déclaration on constate qu’elle est, dans une assez large part, une application de la déclaration sur la liberté religieuse. L’Eglise, ici aussi, prend acte du fait qu’elle ne s’adresse plus à une chrétienté.

« Gravissimum educationis » : le titre insiste sur « l’extrême importance de l’éducation » dans la vie de l’homme, et donc de l’éducation chrétienne. Le préambule souligne que les parents « ont la très grave obligation » d’élever leurs enfants et doivent donc « être reconnus comme leurs premiers et principaux éducateurs ».

De ce fait ils doivent « jouir d’une liberté véritable dans le choix de l’école ». C’est sans doute le meilleur paragraphe de la déclaration, encore qu’il ne soit pas spécifiquement catholique mais simplement l’expression de la loi morale naturelle : il devrait être la base de toutes les revendications scolaires des organisations familiales, et des programmes des partis politiques qui veulent être en phase avec la loi naturelle. Il est en fait une extension du paragraphe de Dignitatis humanæ sur l’école :

« Les pouvoirs publics, dont le rôle est de protéger et de défendre les libertés des citoyens, doivent veiller à la justice distributive en répartissant l’aide des fonds publics de telle sorte que les parents puissent jouir d’une authentique liberté dans le choix de l’école de leurs enfants selon leur conscience. C’est encore le rôle de l’État de veiller à ce que tous les citoyens parviennent à participer véritablement à la culture et soient préparés comme il se doit à l’exercice des devoirs et des droits du citoyen. L’État doit donc garantir le droit des enfants à une éducation scolaire adéquate, veiller à la capacité des maîtres au niveau des études, ainsi qu’à la santé des élèves, et d’une façon générale développer l’ensemble du système scolaire sans perdre de vue le principe de subsidiarité, donc, en excluant n’importe quel monopole scolaire. Tout monopole de ce genre est, en effet, opposé aux droits innés de la personne humaine, au progrès et à la diffusion de la culture elle-même, à la concorde entre les citoyens, enfin au pluralisme qui est aujourd’hui la règle dans un grand nombre de sociétés. »

Le paragraphe suivant affirme la légitimité de l’Eglise à pourvoir à l’éducation morale et religieuse des enfants dans les écoles d’Etat, et le devoir des parents de « faire en sorte, au besoin d’exiger, que leurs enfants puissent bénéficier de ces secours et progresser dans leur formation chrétienne au rythme de leur formation profane ». Et le concile de s’adresser aux autorités civiles : « Aussi, l’Église félicite-t-elle les autorités et les sociétés civiles qui, compte tenu du caractère pluraliste de la société moderne, soucieuses du droit à la liberté religieuse, aident les familles à assurer à leurs enfants dans toutes les écoles une éducation conforme à leurs propres principes moraux et religieux. »

Je vois dans ces indications une confirmation de mon interprétation de Dignitatis humanæ : la liberté religieuse est une liberté (uniquement) civile.

Il en est de même dans le paragraphe suivant, où, après avoir rappelé que l’école catholique est une école où la croissance dans la foi doit accompagner l’acquisition des connaissances, le texte souligne l’importance « considérable » de l’école catholique qui à la fois sert à « l’accomplissement de la mission du peuple de Dieu », et « au dialogue entre l’Eglise et la communauté des hommes » : « Aussi, le Concile proclame-t-il à nouveau le droit de l’Église (…) de fonder et de diriger des écoles de tous ordres et de tous degrés », rappelant que « l’exercice de ce droit importe au premier chef à la liberté de conscience, à la garantie des droits des parents ainsi qu’au progrès de la culture elle-même ».

On notera l’insistance, prophétique à l’époque (même si commençait à se faire jour une sorte de mode unisexe, l’idéologie du genre n’émergerait que bien plus tard), sur le fait que les maîtres de l’école catholique, en union avec les parents, doivent « tenir compte dans toute l’éducation de la différence des sexes et de la vocation particulière attribuée à l’homme et à la femme, par la Providence divine, dans la famille et la société ».

Les derniers paragraphes traitent de l’université. Il y est dit notamment que « dans les universités catholiques qui sont dépourvues de faculté de théologie, il y aura un institut ou une chaire de théologie où l’on dispensera un enseignement adapté également aux étudiants laïcs ». Aucun motif n’est donné. Il faudra attendre que Benoît XVI vienne nous expliquer de nouveau ce qu’est une université (« université catholique » étant un pléonasme) : c’est l’universitas scientiarum, l’université des sciences, où les sciences sont unies et ordonnées selon une hiérarchie, qui culmine avec la théologie. C’est pourquoi il était dit juste avant qu’on doit travailler « dans chaque discipline selon les principes et la méthode particuliers à celle-ci et avec la liberté propre à la recherche scientifique, de manière à en acquérir progressivement une plus profonde maîtrise », et qu’ainsi « on saisira plus profondément comment la foi et la raison s’unissent pour atteindre l’unique vérité. Ce faisant, on ne fera que suivre la voie ouverte par les docteurs de l’Église et spécialement par saint Thomas ». C’est presque mot pour mot ce que dira Benoît XVI dans son discours de novembre 2005 à l’Université romaine du Saré-Cœur. Il ajoutera : « En agissant à l’intérieur de cet horizon de sens, on découvre l’unité intrinsèque qui relie les diverses branches du savoir : la théologie, la philosophie, la médecine, l’économie, chaque discipline, jusqu’aux technologies les plus spécialisées, car tout est lié. »

Commentaires

  • « Aussi, l’Église félicite-t-elle les autorités et les sociétés civiles qui, compte tenu du caractère pluraliste de la société moderne, soucieuses du droit à la liberté religieuse, aident les familles à assurer à leurs enfants dans toutes les écoles une éducation conforme à leurs propres principes moraux et religieux. » Cela vaut donc également pour les écoles coraniques, que l’État doit subventionner...

  • Dans la mouvance d'"Itinéraires" et de "Présent" (et de bien d'autres) nous avons toujours préconisé et revendiqué le coupon scolaire, ou chèque scolaire, à savoir que l'Etat donne aux familles ce qu'il dépense pour l'enseignement des enfants, et c'est aux familles de donner l'argent à l'école de leur choix. En effet cela implique de donner la même somme d'argent à une famille qui la donnera à une école islamique. C'est ici qu'on voit que des traditionalistes appliquaient la liberté religieuse avant même qu'elle fût définie par Vatican II...
    Mais il convient d'ajouter que l'Etat a le devoir de surveiller que les écoles servent le bien commun...

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